SCHENKEL Andrea Maria / La ferme du crime.
La ferme du crime.
Andrea Maria SCHENKEL.
Note : 4 / 5.
Bienvenue à la campagne.
Auteure allemande spécialisée dans le récit ayant pour base un fait divers.
Ce roman est tiré d’une histoire vraie, celle d'une famille assassinée en 1920 en Bavière. Jusqu'à ce jour le mystère n'a pas été résolu. L'auteure a transposé cette histoire en 1950. La quatrième de couverture fait une allusion à « De sang-froid » de Truman Capote, à la différence notable que dans le roman de Capote, les coupables furent arrêtés.
Une présentation originale. En effet ce livre est composé d’interviews de gens qui furent témoins à des degrés divers de la vie de cette famille de très mauvaise réputation, qui semble méritée. Certains chapitre sont anonymes, ceux concernant le ou les tueurs ?
Deux jeunes femmes cherchent une ferme perdue au milieu d’une forêt, car l’une d’elle, Marie, doit y travailler. Sa sœur raconte…
Au matin Marie sera morte, comme tous les membres de la maisonnée, femmes, hommes et enfants.
Maisonnée de l’horreur pour pas mal de gens : Amélie, jeune polonaise placée pendant la guerre qui se suicidera, elle avait, semble-t-il, un frère. La famille parlons-en… Le père patriarche à l’ancienne, qui a épousé la ferme, pas la femme. Elle subissait tout et même plus. Leur fille Barbara, victime d’inceste et enceinte. Il faut la marier, alors le premier venu fera l’affaire. Le premier mari de Barbara, un ouvrier venant des pays de l’est, qui a mystérieusement disparu, est-il revenu se venger ? Barbara avait eu une liaison et un enfant avec un habitant du village, mais semblait l’avoir écarté de sa vie… ou alors Mich, ouvrier qui préparait un cambriolage chez son ancien employeur ?
Les motifs et les possibles coupables ne manquent pas.
Beaucoup de personnages et témoins privilégiés de ce drame, d’un mécanicien qui était venu ce jour fatidique réparer une machine outil, au maire, notable peu sympathique. On trouve également une petite fille de huit ans, la bonne du curé, le curé lui-même, bref toute une communauté rurale, très religieuse, repliée sur elle même.
Les rancunes sont tenaces, mais de là à commettre un tel massacre, c’est difficilement envisageable.
Et pourtant !
Dans cette région d’Allemagne très bigote, les écrits religieux ont beaucoup d’importance et figurent en bonne place dans ce roman.
Mais pour le reste, c’est sordide, on est à la fin de la guerre. Pour certains, c’est l’heure des règlements de compte. Et la famille
Danner n’est pas exempte de bassesse, loin s’en faut.
Alors, une vengeance, pourquoi pas, mais visant qui ? Le père, la fille, la mère ? Était-il nécessaire de tuer aussi les enfants ?
C’est bien écrit, et nous découvrons la vérité, enfin celle de l’auteur au fil des pages.
Extraits :
- Je veux dire, elle était un peu retardée. Pas handicapée mentale ou quoi, non , plutôt un peu naïve, bonne pâte.
- Barbara Spengler, la fille, elle est bien jolie, mais elle est faite du même bois que ses parents.
- Des originaux. Et avares avec ça. Vraiment avares. Ils vous envient le moindre morceau de pain, la moindre gorgée d'eau.
- Elle ne voulait pas voir que la ferme l'attirait plus que son corps.
- Dans la chambre, on a fini par trouver le petit Josef dans son lit d'enfant. Il était mort, lui aussi.
- Je les connaissais tous, c'était pas des étrangers, c'était des gens qu'on voyait tous les jours.
- Je dirais qu'une chose, c'est que je les aimais pas, les gens de cette ferme.
- C'était une époque mauvaise, avec beaucoup de mauvaises gens.
- Il était libre. Pour la première et peut-être la seule fois de sa vie, il se sentait libre.
- Mariage arrangé, chose courante entre paysans. « L'amour viendra avec les années, l’important, c'est de conserver « notre affaire ». »
- M. le curé ferme volontiers les yeux et les oreilles sur ce genre de choses.
Éditions : Actes Sud (Babel noir) 2008.
Titre original : Tannöd (2006).
Traduit de l’allemand par Stéphanie Lux.