KANDRASHOV Serge / Mes vacances de Printemps.
Mes vacances de Printemps.
Serge KANDRASHOV .
Note : 4 / 5.
Sex in USSR*.
Comment vivait la jeunesse soviétique dans les années 1980 au fin fond de la Sibérie Orientale?
Je pense, et l'auteur nous le fait remarquer dans sa préface, que nous avons beaucoup d'idées toutes faites sur le manque de liberté et sur la sexualité des adolescents de l'époque, en particulier dans les milieux homosexuels !
Nous sommes en 1987 à Ulkan dans la région d'Irkoutsk, Serge a 15 ans, il y réside depuis un an seulement. Garçon agréable, bon vivant, aimant rire, chanter, il est populaire. Il est homosexuel, mais peu de gens le savent, il a eu une aventure avant. Il a pour ami Zahar (Zaharov de son nom de famille), mais se garde bien de toute tentative d'approche sexuelle . Une nuit il reste dormir chez un autre ami Sasha Starkov et tente durant la nuit une série d'attouchements.....qui se terminent par une fin de non recevoir. Au matin Sasha lui explique qu'il ne parlera de rien à personne, mais qu'il fasse très attention, si son homosexualité était découverte, la vie deviendrait vite un enfer pour lui. La ville est trop petite et tout se sait très vite. Alors à nous Irkoutsk, où ils décident de partir pour quelques jours! Zahar est très surpris de cette décision, mais fait contre mauvaise fortune bon cœur.
A leur arrivée à Hancin, banlieue d'Irkoutsk, Serge fait la connaissance de Gosha, personnage un peu trouble dont il deviendra l'amant....mais l'euphorie sera de courte durée! La vie commence, alors profitons de la liberté, de l'anonymat et des rencontres que permet Irkoutsk......Un jeune Tadjik sourd et muet, Safar, sera l'une d'entre elles, peut-être l'une des plus marquantes.....le tourbillon continue.....mais les meilleures choses ont hélas une fin, pas très glorieuse en l’occurrence !
De retour chez lui, les circonstances de la vie vont prolonger les vacances.....ses parents lui laissent la maison familiale......l'apprentissage de la vie et de l'amour peut continuer....qui dit vie, dit aussi mort : un des moments les plus touchants de ce livre est la mort de la chatte de la maison et la cérémonie qu'organise Serge.....décès également quelques années plus tard d'André Zaharov...le frère!
Les amis, les amants, les amours.....Les hommes surtout, et quelques femmes aussi peuplent ses souvenirs de jeunesse.
André Zaharov l'ami le plus proche, l'intouchable ; Sasha Starkov lui aime les cafés, l'alcool et les filles faciles, prostituées comprises ; il est très populaire et semble connaître énormément de monde....Fidèle à sa promesse, il gardera le secret qui le lie à Serge et l'attendra à l'aéroport malgré le fait que lui aussi loupera son avion. Gosha, Robin des Bois soviétique, ne vole pas les particuliers...il dévalise les magasins d'état, ce qui fait que son niveau de vie est plus élevé que les honnêtes gens.
Les copines et complices Anuta, une des plus proches, Lena dont le père lui causera quelques soucis.....bien imaginaires !
J'aime bien ce livre, car il nous fait découvrir que la différence entre notre mode de vie et celui de Serge et de ses amis n'est pas si grande que l'on pouvait le supposer. C'est vrai que ces jeunes sont malgré tout des marginaux, mais les préoccupations sont les mêmes. Alcool, sexe et belle vie, profiter du temps qui passe inéxorablement, mais les drogues dures sont quasiment absentes! On trouve aussi les banlieues grises et tristes des grandes villes, les bandes de voyous et les querelles de clochers, ainsi que la défense du territoire... Ne marche pas sur mes plates bandes.
Homos ou hétéros, la jeunesse, c'est fait pour être amoureux....tout en sachant pertinemment qu'il y aura beaucoup de déceptions mais aussi, et ce récit nous le prouve, parfois un peu de bonheur au bout de la route.
Extraits :
- Depuis que je vis en France, j’ai constaté que les Occidentaux savaient très peu de choses sur mon ancienne patrie, surtout dans ses dernières années d’existence.
- Parce que, devant sa copine, Zahar devenait un autre, différent : trop droit, trop correct et ennuyeux.
- Ils étaient presque tous grands, beaux et bien bâtis, mûrs sexuellement.
Et ceci sans oublier sa phrase culte « une fois, ça ne compte pas, t’es pas pédé pour autant ! » qu’il avait sans cesse sur les lèvres.
- Et aussi, visite Irkoutsk, ce trou d’entre les trous, endroit oublié de Dieu… Peut-être qu’après ça, l’envie te passera d’aller là-bas, et tu réfléchiras sérieusement à l’intérêt d’une ville normale et civilisée.
- Tout simplement du fait qu’un homosexuel de nature comme moi soit considéré d’égal à égal par des hommes hétéros comme eux.
- Malgré mes nombreuses incartades, au fond de moi, je n’étais pas un marginal.
- C’est précisément le sexe, les relations sexuelles, qui rendent impossible une telle attitude entre un homme hétéro et un homosexuel. C’est pour cette raison que l’homme hétéro ne perçoit pas un homosexuel d’égal à égal.
- J’ai alors compris qu’en réalité, il était très seul. À ses yeux, ma relation avec Starkov représentait en quelque sorte l’idéal de l’amitié et, en principe, tout homme rêve d’une telle amitié, surtout un homosexuel solitaire.
- Lorsque je suis arrivé, j’avais déjà au-dessus de ma tête l’auréole de gloire d’un expert en vadrouille.
- Selon moi, d’ailleurs, c’était davantage la faute de son amie régulière. Elle était trop bien élevée, trop bien mise, idéale mais pathétique. Zaharov la considérait déjà comme sa femme mais c’était avec d’autres qu’il allait chercher son expérience sexuelle.
- Mais quel sacrifice n’est-on pas prêt à consentir pour vivre une véritable amitié masculine !
- À la différence de moi, ils ne jouaient pas aux voyous, ils en étaient réellement, depuis l’enfance.
Éditions : Kandrashov (2011).
* Sur l'air de "Back in USSR" des Beatles.