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Littérature d'Irlande,de Bretagne et aussi d'ailleurs
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16 décembre 2006

JAOUEN Hervé / Merci de fermer la porte.

Merci de fermer la porte.
Hervé JAOUEN.
Note : 5 / 5.
L’éternité devant soi !
Je ne connaissais Hervé Jaouen que pour ses romans policiers et ses chroniques irlandaises. Ce recueil de nouvelles est une magnifique découverte, nous sommes à l’opposé de «Pleure pas sur ton biniou». Ici le propos est plus grave et même tragique.
La solitude de cet employé de banque que personne ne connaît et dont la passion est soigneusement tenue secrète.
Maryse, brisée par la vie, le chômage, un avortement, les coups du sort et de poings, chassée par ses parents, il lui reste la bouteille et la déchéance.
Gweltaz reçoit comme cadeau de son grand-père, «Pépé-train», une magnifique montre en argent, elle ne lui portera pas chance hélas !
«La prairie» clôt ce recueil, c’est un chef d’œuvre de la nouvelle qui figurera désormais dans mes préférées.Pas de fracas, d’héroïsme, rien que la vie d’un homme et d’une femme, Youenn et Maï-yann, ils naissent au bord de l’Odet avant la Grande Guerre, avec eux, nous verrons les changements de la Bretagne, du monde agricole à la situation actuelle. La mutation des mœurs, l’abandon de la langue, du costume, des valeurs traditionnelles, ce couple les vivra de l’intérieur. D’une enfance pauvre, puis l’école et le certificat d’études, les querelles école laïque ou privée, puis le placement comme ouvriers agricoles dans les fermes alentour. Mais la guerre sonne le glas de ce monde, et au début des années cinquante, la vie moderne s’installe, puis la vieillesse et petit à petit, Youenn renonce, il ne s’occupe plus de sa maison, ses enfants et petits enfants lui semblent étrangers, son époque est révolue.Maï-yann restera seule, ses yeux faiblissent, mais ses souvenirs et son imaginaire lui procurent encore des moments de bonheur intense :
- Tous les personnages du tableau parlaient breton et elle conversait avec eux sans la moindre hésitation.
Des gens ordinaires, chanceux ou pas, du doux et souriant employé de banque, à la femme alcoolique collectionnant les échecs sentimentaux et dont la beauté se flétrie et qui a la malchance de tomber sur le mauvais numéro au mauvais moment. Cet homme riche, jovial ou mesquin, capable d’offrir une bouteille de vin hors de prix pour une naissance, mais quittant sa banque pour des peccadilles. Quel est le secret de ces deux jeunes filles qui semblent boire le verre du condamné au bar du Viaduc ?
Un regard un peu à la McGahern, des gens ordinaires, mais qui au tréfonds d’eux-mêmes, cachent une faille ou un secret ou qui sont pris par des événements qu’ils ne contrôlent pas. Une très belle écriture sans fioritures qui alourdiraient le texte.
Un pur moment de bonheur, mais un bonheur âpre et amer, qui me renvoie à mon enfance, aux odeurs de lait dans les fermes, au temps où personne ne fermait sa porte.
J’ai laissé la porte ouverte, j’ai fermé ce livre, j’avais les yeux un peu humides.
Extraits :
- La plupart de ses collègues ne le voyaient pas arriver, la plupart ne le voyaient pas partir. Il n’existait que le service personnel.
- Il inspirait le respect qu’on accorde aux hommes sérieux.
- Vous trouvez ça normal qu’ils me foutent dehors ? Et que mon père me dise va te faire ramoner le cul ailleurs.
- Vous n’êtes plus que tata Maryse, la tata un peu tarte qui n’arrive pas à retenir un gars par le paletot.
- «Ah ca donne du travail, mais on a sa récompense de la terre quand on se courbe dessus».
- «Qu’est-ce que tu crois ? Mon premier vélo, c’est six mois de travail qu’il m’a coûté !».
- Ses cheveux ont leur teinte naturelle, ce châtain foncé des filles du pays, des Bretonnes aux yeux gris-bleu.
- En ce temps-là, le breton était la langue maternelle, qu’ils de savaient ni lire ni écrire.
- Elle n’avait jamais dit «Je t’aime» à son mari, à quoi bon, face à l’évidence qu’ils étaient déjà faits l’un pour l’autre.
- Après le repas de midi, elle allumait la radio- réglée sur une station qui diffusait toute la journée de la musique bretonne et irlandaise.
Editions : Denoel et Folio.
"La Prairie" a été traduit en allemand, sous le titre de "Die Prärie" par Belinda ALBRECHT et publié dans un recueil collectif : Keltische Sprachinseln, Anthologie Keltischer Autoren ; sous la direction de Sabine HEINZ (Editeur :Frieling & Partner, Berlin - 2001).
Autre chronique de cet auteur :
Pleure pas sur ton biniou.

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