Mc CANN Colum / La rivière de l'exil
Recueil de douze nouvelles, couronné par le "Rooney Prize Literature" en 1994.
La rivière de l’exil.
Colum McCANN
Note 4 / 5.
Diaspora, encore et toujours !
Une femme rentre clandestinement aux Etats-Unis pour voir sa sœur religieuse qui est très gravement malade. L’accès lui est interdit. La sœur qui lui refuse l’entrée est irlandaise ; quelque mots de gaélique plus tard, tout est rentré dans l’ordre, sauf entre les deux sœurs (de sang) pour une mystérieuse affaire de chaussettes !
Deux homosexuels dans un port de pêche, l’un se meurt du sida, l’autre étripe des poissons pour subvenir à leurs besoins, un matin pris sur les heures de travail leur donnera un peu de bonheur à tous les deux.
Le monde à l’envers, un exilé japonais en Irlande, les supputations vont bon train, tapissier décorateur, ils donnent du travail aux jeunes gens pendant les vacances scolaires, mais personne ne saura rien de lui. Un jeune homme jette pièces par pièces dans la rivière, de son fauteuil roulant, le vélo qu’il conduisait lors de l’accident qui est la cause de son handicap. Une rivière, des femmes qui pêchent et des hommes qui jouent au football, la campagne irlandaise un jour de beau temps, c’est la nouvelle qui donne son titre au recueil.
Des éducateurs face à des jeunes sans repères, ce garçon de quatorze ans qui a tué le mari de sa maîtresse, et qui s’est rendu à la police parce qu’il avait peur du noir. Ou cet autre éducateur qui doit aller au mariage d’une jeune aveugle dont il a la charge.
Dans "En avant marchons gaiement " qui est ma préférée, un vieil irlandais sort de chez lui, à la Nouvelle-Orléans sur le mur une inscription l’intrigue "Femmes du monde, levez-vous du lit de vos oppresseurs……pour faire le petit déjeuner". Qui sur ce mur plein d’insanité et dans ce monde livré à la misère et à la drogue peut avoir écrit cela ? Ancien boxeur, les souvenirs lui reviennent. Le départ de l’Irlande, se jurant de revenir champion du monde poids lourds, il chante sur le pont "Irlande je t’aime, a Chusla Mo Chroí" (amour de mon cœur), l’amour l’attendait, mais la défaite aussi et surtout les désillusions.
La nouvelle "Je peux placer un mot" est un chef d’œuvre d’humour noir et grinçant avec un final inattendu.
Ici ou ailleurs, le déracinement et contrairement aux clichés, tous les exils ne sont pas synonymes de réussites. Des éducateurs désabusés, des vétérans du Vietnam en chaises roulantes, la mauvaise face du monde, celle des perdants, ceux que la vie dédaignent.
Des descriptions de personnages extrêmes :
-On aurait pu le noyer en lui crachant dessus.
-Betty est une énorme femme brune- si vaste, plaisante Enrique, qu’elle est susceptible de posséder son propre code postal.
-La gentillesse et la discrétion de Flaherty, qui pend aux poignées de porte des voisines les vêtements que sa femme ne met plus.Cathal, écoute aux informations la mort d’un enfant de quatorze ans à Derry, pendant que lui, dans sa campagne aide un cygne à survivre.
Mc Cann rend hommage au gens qu’il aime, les écrivains Jack Kérouac, John Muir, Patrick Kavanagh, Brendan Behan et à Leonard Cohen et à Bob Dylan. Et aux anonymes, aux déracinés de pays ou de cœur avec une écriture toujours pleine de pudeur et de vérité.
Extraits:
-Cela semble normal qu’il n’y ait plus de chambre pour nous au Chelsea Hotel, plus de Dylan, plus de Behan plus de Cohen pour se souvenir de nous.
-Vingt sept ans c’est trop jeune pour devenir chauve.
-Ma tante Moira, qui avait acquis une réputation désastreuse pour s’être enivrée avec Brendan Behan dans un pub républicain de Dublin.
-" Ouais, mais on était normaux, et c’était l’Irlande.
-Depuis quant l’Irlande est-elle normale ?".
-Cligner de l’œil à une jeunesse en cloque ! Il a toujours eu le don d’embarrasser les femmes.
-Barney dit que la seule différence entre une BMW et la SPA, c’est que pour la BMW les corniauds ont le permis.
- Un prêtre chicane parce qu’il ne veut pas de drapeau sur le cercueil.
Titre original : Fishing the Sloe-Back River.
Editions Belfond.(1993)