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Littérature d'Irlande,de Bretagne et aussi d'ailleurs
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28 janvier 2020

RUTÉS Sébastien / Mictlán.

 

G03620
Mictlán.
Sébastien RUTÉS.

Note : 4 / 5.
La ballade des cadavres.
Une de mes rares, pour ne pas dire ma première incursion, dans le roman noir mexicain. Court roman, 155 pages en comptant une demie-page de ce que l'on peut appeler une conclusion. Ce livre nous décrit un pays gangrené par la corruption à tous les niveaux de la société. Les ordres viennent du Gouverneur, en passant par le Commandant, l'ombre d'un autre supérieur plane dans la cabine le Patron.Deux hommes, l’un se nomme Vieux et il est vieux, l'autre est nommé Gros et il est trop gros. Ils passent vingt-quatre heures sur vingt quatre ensemble se relayant au volant d'un camion frigorifique. Ils n'ont pas grand chose en commun, d'ailleurs on ne sait pas grand chose d'eux. Vieux pleure et gémit beaucoup, son chagrin vient de ce qu'il ne sait pas ce qu'est devenue sa fille.
Ils voyagent sans but, un ordre très strict, ne jamais s’arrêter sauf pour faire le plein, et acheter de quoi se nourrir dans les stations service où ils sont bien obligés de se ravitailler. Dans le désert ils stoppent aussi pour faire leurs besoins naturels, mais quasiment à la sauvette. Les élections approchent, le Gouverneur souhaite sa réélection et pour cela tous les moyens sont bons. Il se vante d'avoir juguler la criminalité, pour cela il faut cacher les cadavres des défunts de morts violentes. Alors, la solution, un camion frigorifique, avec 157 cadavres, sagement rangés, côte à côte à l'intérieur, et deux chauffeurs bien conscients qu'au moindre faux pas, ils rejoindront leur chargement... il y a encore de la place.
Au cours de leur périple, le nombre de décès de morts violentes augmente, car ce voyage n'est pas de tout repos. Il semblerait que pas mal de gens souhaitent la fin de cette déambulation sans but, les narcos trafiquants, les flics, les vagabonds, les migrants. La solution, leur rouler dessus et jeter les corps dans le fossé . Un inconscient dérobera leur camion, il passera rapidement de vie à trépas. Ils croiseront également un géologue en panne d'essence, des trafiquants et des policiers qui pratiquement tous seront de futurs cadavres.
Et pour Gros et Vieux rouler, encore et toujours, rouler sans fin !
Vieux et Gros deux pauvres êtres embarqués bon gré mal gré dans ce voyage apocalyptique ; en route peut-être pour leur dernier voyage...
Deux styles d'écriture très différents l'un de l'autre, certains chapitres sont en phrases très longues, pratiquement sans point avec parfois une virgule. Mais dans d'autres les phrases sont très courtes, trois ou quatre mots !
Un roman très noir, qui est inspiré d'une histoire vraie, la découverte sur un terrain vague d'un semi-remorque contenant 157 cadavres...
Extraits :
- Gros voudrait se boucher les oreilles, mais il a les mains sur le volant,Vieux gémit à cause de sa fille, Gros ne comprend pas qu'on gémisse autant pour une seule personne alors que le pays entier est recouvert de cadavres, dessus et dessous de la terre...
-… c'est la vie, les gens meurent : c'est la vie, ça peut paraître contradictoire pas dans un pays comme celui-là, pas dans un monde comme celui-là, où l'on s'est résigné à mourir, où on attend la mort…
- … voilà ce qui fascine Gros, il se sent responsable de quelque chose, fier d'avoir été choisi pour conduire ce camion bien propre, bien frais, sur une route étroite dans ce désert qui ressemble à une peau d'animal malade, pelée, galeuse, grattée jusqu'au sang et couverte de plaies jusqu'à l'horizon…
- Comme les sacs en plastique noir, Vieux et Gros ont été deux hommes parallèles, bien alignés. À vivre la vie de côté. A pisser parfois ensemble.
- Les fosses communes s'ouvrent sur d'autres fosses communes et les déserts débouchent sur d'autres déserts.
- On ne sait pas vivre, on ne sait pas aimer, on ne sait même plus mourir comme il faut, finit par susurrer Vieux dans la cabine.
Éditions : Gallimard/ La Noire ( 2019)

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