Le GARS Annaig / Marie Le Bec. Chronique de Menez Banal
Chronique numéro 800.
Marie
Le Bec, Chronique de Menez-Banal
Annaig
Le GARS.
Note
: 5 / 5 .
Je
vous parle d'un temps......
D'abord,
l'histoire n'est pas si banale que cela! La traduction Menez-Balan,
en Menez-Banal, n'est pas très objective. En effet « Menez »
veut dire montagne et « Balan », genêt, où est la
banalité dans tout cela?
À
l'instar d'une Peig Sayers, Marie Le Bec a commencé à écrire très
tard, vers les quatre-vingt ans.
Elle
fut une des rares filles de l'époque à obtenir son certificat
d'études, et ses parents paysans et propriétaires terriens aisés
pour l'époque possédaient une bibliothèque. Annaig La Gars signale
qu'elle a seulement corrigé l'orthographe et la ponctuation, mais
elle a laissé le phrasé breton.
L'auteur nous raconte brièvement
l'histoire de Landeleau (ou Landelo) et du Poher, dont Carhaix est la
ville la plus importante. Histoire très agitée avec des révoltes
paysannes suivies de répressions sauvages pratiquement une fois par
siècle. Nous suivons également les luttes moins meurtrières, mais
tout aussi farouches entre certains maires et représentants de
l'église. Pour terminer ce prologue, nous faisons connaissance de la
famille Le Bec.
Retour au début des années 1900, entre
Montagnes Noires et Monts d'Arrée, et pour moi une nouvelle étape
dans la vie quotidienne de la Bretagne à travers la littérature. Ce
livre est le résultat d'une boutade de son fils! Marie est née le
26 octobre 1901, donc elle nous raconte son enfance au début du
siècle. Les années de grands changements en Bretagne, la société
paysanne traditionnelle et la cellule familiale, ne savent pas que
des bouleversements arrivent.
Les moissons sont encore une fête,
malgré l'arrivée des premières machines, la vie sociale et
l'entraide tissent des liens entre les familles des environs et
rythment les saisons. Les
pardons, jours de grande ferveur, et pas seulement chrétienne, la
campagne se déchire sur la séparation de l'église et de l'état ;
les inventaires des églises se terminent très souvent par des
affrontements entre la population et les forces de l'ordre. Les
écoles sont aussi une source de conflits, laïques ou privées,
l’éradication de la langue bretonne commence par l'école : le
sabot remis à l'élève parlant breton. Les costumes et coiffes qui
différencient chaque « Plou », les mariages et les
mendiants, bref la vie avant la guerre. La
famille Le Bec, le clan Le Bec, qui dans la tradition celtique n'a
rien de péjoratif, chose que l'on retrouve dans beaucoup d'ouvrages
irlandais, par exemple.
Comme
souvent dans ce genre de livre, la spontanéité est préférée à
l'écriture académique. Et ici la langue écrite est celle parlée
avec en plus la singularité de la langue bretonne et de ces
particularités. Beaucoup de tournures de phrases peuvent paraître
étranges comme par exemple :
-
Le baptême est passé très gai.....
De
nombreux lieux ou objets sont nommés en breton avec de nombreux
alinéas en bas de page, kig sal (lard salé) soubenn rouz
(soupe à l'oignon) teuz (fantôme) chupenn (veste)
roz (terrain couvert de bruyère) Lapous an ankou (oiseau
de la mort) etc.....Ce livre se termine par un long postface très
documenté avec photos et textes officiels.
Un
ouvrage des plus intéressants, mais un des plus difficiles à lire.
J'y ai appris entre autre l’existence de la « Foire aux
gages » qui se déroulait tous les ans et qui permettait aux
domestiques de trouver un nouvel employeur. Il y avait aussi un
commerce de chevaux, les femmes y arrondissaient les fins de mois
souvent très dures, chose qui était inconcevable dans d'autres
régions de Bretagne.
Extraits
:
-
Après quoi, on est allé faire le tour des bistrots qu'il fallait
tous visiter pour ne pas faire de jaloux.
-
On leur mettait de drôles de coiffes, elles étaient hautes et
légèrement inclinées vers le dos. La bonne me dit que ça
s'appelait korveteen et que c'étaient les porteuses de statut
qui avaient cette coiffe.
-
Oui, partout où il y avait beaucoup d'enfants comme ça, et pas
beaucoup d'argent, c'était un enfer.
-
On souhaite la bonne année, mais personne n'est dupe, tout le monde
sait qu'elle sera mauvaise.(1915)
-
Je n'aime pas les compliments. Étant jeune, mon frère François m'a
appris à me méfier d'eux, ils sont souvent des flatteries.
-
Quant aux jeunes de 18,19, 20,21, ils sont toujours sous les
drapeaux.
-
La semaine suivante, on va à Carhaix. Chann va vendre sa belle et
longue chevelure.
-
Les campagnes bretonnes avaient l'horizon de leurs clochers.
Éditions
: Keltia Graphic (1997). Le site, ici
.
PS.
Suite à la lecture de « Le crieur de nuit » de
Nelly Alard, Sylire a écrit un très beau texte « Je suis une
plouc étymologique » que l'on peut lire, ici.
Cette
chronique est dédiée à tous les « ploucs », lectrices
et lecteurs qui ne renient pas leurs origines.