Canalblog
Editer l'article Suivre ce blog Administration + Créer mon blog
Publicité
Littérature d'Irlande,de Bretagne et aussi d'ailleurs
Derniers commentaires
Archives
24 janvier 2024

BIENNE Gisèle / Les larmes de Chalamov.

 

Les larmes de Chalamov
Les larmes de Chalamov.
Gisèle BIENNE.
Note : 5 /5.

Bienvenue en enfer. 
Avant de me lancer dans l’aventure de la lecture du pavé de 1500 pages du livre « Récits de la Kolyma » de Varlam Chalamov aux éditions Verdier, je vais lire ce roman qui, je pense, m’en apprendra beaucoup sur la vie de cet homme.
Sous des prétextes souvent dérisoires, à l’époque stalinienne, des hommes sont envoyés au goulag, Varlam Chalamov sera de ceux-là, il deviendra, et cela pour dix-sept ans, un ZEK*.

Il passera la plus grande partie de ce temps sur la presqu’île de Kolyma, qui est située dans l’extrémité orientale de la Sibérie.
Autant dire au bout du monde.
Tous ces prisonniers politiques vont constituer une main-d’œuvre bon marché et corvéable à merci pour travailler dans les mines d’or.
Dire que la vie y est rude est un doux euphémisme, la vie y est un enfer !
Le travail est dur, les rations alimentaires réduites au strict minimum, et certains prisonniers de droits communs font régner l’ordre.
Chalamov réussira à survivre malgré les conditions effroyables, nombreux décès et la folie qui guette certains des prisonniers.
Il nous raconte, par exemple, la visite du vice-président américain Wallace et tout le décorum qui a été mis en place pour cacher la dureté de la vie des prisonniers.
Il nous parle également de pseudos distractions, théâtre ou rencontres poétiques, tolérées ou interdites suivant le bon vouloir des autorités.
Nous le retrouvons, enfin libéré, solitaire, son épouse l’a quitté et sa fille refuse de le rencontrer.
Seuls quelques amis intellectuels tentent de l’aider à se reconstruire pour les quelques années qui lui restent à vivre.
Parmi les personnages qui hantent ce livre, en plus des nombreux prisonniers anonymes, Chalamov nous parle de quelques intellectuels et écrivains soviétiques qu’il a fréquentés, avec qui il a correspondu, ou qui l’ont aidé.
Il nous parle de Soljenitsyne, de leur correspondance et de leurs désaccords au sujet du goulag. Chalamov reproche à ce dernier une vision édulcorée des camps de concentration.
Parmi les gens qui l’ont aidé, il cite Boris Pasternak à qui il a rendu plusieurs fois visite.
Une très belle écriture, mêlant adroitement le côté récit et l’aspect documentaire de ce livre.
Une réussite.
Extraits : 
- Pas après pas, geste après geste, il élabore cette opération pour laquelle il faut tenir afin de la restituer à la page.
- Les droits communs organisés en réseaux jouissent au camp de privilèges exorbitants.
- Les Récits, sont « un reflet dans le miroir concave du monde souterrain. Une trame inimaginable est cependant bien réelle, qui existe vraiment et vit à côté de nous ».
- Pour écrire, il doit être seul. La pièce vide se fait le réceptacle de ses phrases criées.
- C’est un problème mondial : l’art ne rend pas meilleur.
- Non, dit Chalamov, on ne doit pas glorifier, comme le font certains auteurs-des menteurs et des incapables-le travail physique du déporté. On ne doit pas parler d’héroïsme du travail forcé.
- Les mains des hommes que ce travail a déformées en disent toute la haine.
- Il faut essayer de résister au froid, à la faim, à la folie. La démence menace les hommes désespérés et malades.
- À partir de 1929, on ne devrait plus parler de « camps de concentration » mais de « camps de rééducation par le travail ». Rien n’avait été changé, sinon qu’on mentait davantage.
- Par-delà sa mort, Chalamov est encore poursuivi. Dans un autre endroit du cimetière, on enterre le frère de Brejnev, le numéro deux du KGB mort dans des conditions obscures. Un bourreau est une victime des camps enterrés au même moment dans le même cimetière.
Éditions : Actes Sud (L’endroit où aller). (2023).
* Abréviation du mot soviétique « zaklioutchionny » qui signifie « enfermés à clé », « détenus » qui désignent les prisonniers du Goulag.

 

 

Publicité
Commentaires
T
Merci. Excellent livre en effet et très belle écriture, livre nécessaire,.
Répondre
Littérature d'Irlande,de Bretagne et aussi d'ailleurs
Publicité
Newsletter
Publicité