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Littérature d'Irlande,de Bretagne et aussi d'ailleurs
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19 août 2009

CHAIGNE-BELLAMY Jacqueline / L'ouvrier de la 11e heure.

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L'ouvrier de la onzième heure.
Jacqueline CHAIGNE-BELLAMY.
Note : 4,5 /5.
« C'est la lutte finale ».
Une des découvertes de cet été, double découverte, ce livre et l'auteur que je connais de vue depuis plus de dix ans, sans savoir qu'elle écrivait! Ce roman est son cinquième, mais le premier que je lis.
Roger, la retraite venue, semble fuir Paris. Que lui reste t-il? Son épouse Madeleine l'a quitté, il voit à chaque élection le Parti Communiste s'affaiblir, ses anciens camarades sont partis ou ont abandonné la politique. Lui-même doute de lui et de ses convictions, quand il voit la société actuelle! Reprendre son existence en mains pour les dernières années de sa vie, pourquoi pas?
Il a le coup de foudre pour une modeste maison de la campagne ariègeoise, l'achète et vient y vivre. Son installation n'est ni simple, ni compliquée, c'est un brave homme de commerce agréable se pliant volontiers aux coutumes locales. Peu à peu ses voisins s'habituent à sa présence, il se lie d'une improbable amitié avec le curé, homme cultivé, mais un peu désabusé lui aussi. Ainsi trois années passeront, mais la solitude pèse de plus en plus à Roger. Madeleine devient une absente qui lui manque cruellement. Une visite à Paris pour un récital de poètes communistes va renouer le dialogue entre les deux ; Madeleine qui habitait à l'hôtel accepte la proposition de Roger : reprendre la vie commune.
Alors une seconde vie commence, je vous en laisse la surprise.....
Tous les personnages de ce roman semblent avoir raté un moment de leur vie, par conviction ou par doute dans la foi, ou par la perte d'un travail.
Roger est tout à son combat politique, les camarades sont sa vraie famille, il est quelque part admirable d'entêtement, mais s'est-il soucié de Madeleine? Le départ de celle-ci et son installation en province, le temps libre dont il dispose, les questions sans réponses lui font appréhender la vie d'une manière différente. Une remise en cause difficile pour cet homme qui se rend compte que son combat fut vain.
Madeleine, son épouse, n'a pas su faire comprendre à Roger que ses convictions politiques prenaient trop de place dans sa vie, de meetings en réunions, leur vie personnelle sans enfant fut celle de deux personnes vivant sous le même toit, sans plus.
Franck Lachaux, le prêtre, se reproche la désaffection de son église, le monde moderne étant plus porté sur les plaisirs rapides que par une longue et fastidieuse pratique religieuse.
Mr Labaye, citadin chômeur, qui revient vivre dans la demeure familiale. Il vit très mal sa situation professionnelle et fait diverses petites choses pour améliorer sa situation financière.
Melle Faure, assistante sociale, célibataire ; son métier, c'est sa vie, parfois, elle aussi se demande si la tâche n'est pas au dessus de ses forces!
Pour les plus anciens, Roger et Madeleine comme pour le prêtre, la question est : « tout cela a été vécu pour qui ou pour quoi? » Chacun semble tirer un constat d'échec de son existence.
Ayant eu des membres de ma famille et des amis communistes et militants convaincus,
j'ai beaucoup apprécié la description que donne l'auteur de Roger. Les membres du Parti étaient convaincus de détenir la seule vérité qu'il soit. Ils balayaient allègrement de la main toutes critiques, Budapest ou Prague était pour eux des non-événements ou de la propagande capitaliste. Malgré que je n'ai pas été toujours d'accord avec eux pour tout, j'ai énormément de respect pour ces hommes et ces femmes et pour le combat qu'ils ont mené. Je me souviens de certain dimanche matin où j'allais livrer l'Humanité Dimanche, ce qui ne m'empêchait pas de jouer au football l'après midi pour un patronage catholique!
J'ai beaucoup apprécié ce livre que je trouve très bien écrit, car il parle de gens qui sous des aspects très ordinaires, sont des gens de cœur, plein d'une humanité rafraîchissante. Bref, des gens bien, très bien.
Un livre que je recommande chaleureusement.
Extraits :
- La maison ressemble à sa mère. Effacer dans le décor que lui a façonné le temps, elle paraît ridée, courbée sous le poids des souvenirs.
- Les années ont passé et, comme l'amour de Madeleine, l'espérance morte.
- Nous allions en prison pour la défense de nos idées et le service du bien commun. Nous en étions fiers.
- Il considère le bien familial comme le sang d'une race. Pour rien au monde il se déferait du sien : il aimerait mieux mourir de faim!
- Il était à son avis grand temps d'affranchir les populations rurales de l'obscurantisme clérical.
- Roger ne songe pas à partir. Parfois il lui arrive de se sentir heureux.
- Le baiser de Madeleine et sur sa joue, la chanson de Brel dans son cœur : « Madeleine est mon Noël...» Et son passé et son avenir, son nouveau monde assurément !
- Femme silencieuse qu'il découvre aussi sagement bavarde !
- « Et vous curé, qu'avez-vous fait pour garder les enfants au village ? La montagne qui les a vus naître serait-elle moins attirante que leurs boîtes de nuit ? »
-Mon Père, Roger a trop lu quand je n'étais pas là. Je le crois plus souvent en compagnie de ses amis- penseurs ou poètes- qu'en la mienne. Avec Baudelaire, il désespère « d'un monde où l'action n'est pas la sœur du rêve ».
- L'amour, mon Père, n'a que faire de lucidité, de possessions ni de prérogatives. Comptes et bilans lui sont de mortels ennemis.
- C'était la même chose au parti : une foultitude de noms familiers, des gestes pareils à des oiseaux de paix. Échoué en Ariège, Roger croyait y faire le deuil de ses illusions.
Éditions : L'Harmattan (2009)

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