MILLET Pascal / Le silence de l'Amoco.
Le silence de l’Amoco.
Pascal MILLET.
Note : 5 / 5.
Et l’on parle d’or noir !
« Amoco Cadiz », ce nom, et certains autres « Torrey Canyon » ou « Erika » entres autres, sonne toujours comme le glas sur les côtes de la Bretagne nord. Le temps a passé mais personne n’a oublié, le traumatisme est encore vivant.
Ce roman commence par la confession d’un homme qui se souvient du drame national que fut le naufrage de ce bateau, et des répercussions dramatiques que cela a eues pour lui et sa famille.
Nous revenons des années en arrière. Un ado, Julien Morvan, a des problèmes scolaires, comme beaucoup d’autres d’ailleurs. Lui et sa famille vivent dans une petite bourgade bretonne, vie tout ce qu’il y a d’ordinaire. Son père, comme beaucoup d’hommes de la région, est marin-pêcheur, sa mère s’occupe d’un petit camping familial, son frère Marco aide son père sur son bateau.
Marco a une petite amie, Samantha, dit Sam, Irlandaise férue de photos.
Elle revient du Maroc et n’est pas revenue les poches vides…
La France est encore sous le choc de la mort de Claude François, mais pour la Bretagne ce qui va arriver sera l’horreur absolue. L’Amoco Cadiz vient de faire naufrage dans le rail d’Ouessant, le pétrole se répand sur 350 kilomètres de côtes.
La vie du bourg est absolument bouleversée, les marins ne peuvent plus sortir en mer, la population est sous le choc, des soldats et des bénévoles arrivent pour tenter de contrer cette marée noire. Des dégâts collatéraux surgissent pour la famille Morvan. Le père est obligé de rester au port, Marco, lui, tente de profiter de la situation en créant une sorte de boîte de nuit « Le clandestin ». On y vend des alcools et de la drogue aux soldats du contingent œuvrant dans la région.
Il y a aussi des tensions entre les deux frères.
Les nuits sont parfois très chaudes et il y aura des décès !
Une famille ordinaire, qui doit gérer des situations absolument extraordinaires, une population locale aux prises avec un afflux de gens venant de l’extérieur, des marins qui laissent éclater leurs rancunes.
Bref tous les ingrédients pour des drames sont réunis…
Une écriture avec un seul narrateur, mais sur deux époques. Le naufrage de l’Amoco-Cadiz en lui-même, puis les conséquences sur une famille plusieurs années après.
Un excellent roman noir, très bien écrit qui nous replonge dans des temps sombres pour la Bretagne.
Un grand merci aux éditions « Les îliennes » et bravo pour l’organisation du salon du livre d’Ouessant où elles sont basées.
Extraits :
- Correspondante de guerre. Lee Miller. Elle m’avait aussi parlé de Capa, de la guerre d’Espagne.
- Qu’il y a trois sortes d’hommes. Ceux qui sont vivants, ceux qui sont morts et ceux qui sont en mer.
- Des acteurs américains, John Wayne, Steve McQueen, James Coburn, juste des durs à cuire.
- … Mon frère lisait, des trucs que je ne connaissais pas, que jamais je n’avais ouvert. Brautigan, London, Bukowski.
- « Ils n’avaient pas le droit, a fait mon père dans le noir. Ils n’avaient pas le droit de tuer la mer. »
- Des soldats, des habitués aux ordres et aux contre-ordres. Des types qui attendaient seulement la quille pour foutre le camp, rentrer chez eux, reprendre leur vie où ils l’avaient quitté.
- J’ignorais l’avenir, ne savait pas encore que ce départ allait me fournir un formidable alibi.
- La route appartient à qui l’emprunte. Non ?
- Sam avait raison, mon frère n’était pas l’un de ces aventuriers globe-trotteurs. Et pourtant, il essayait de s’en convaincre.
- J’ai écouté la nuit, le silence de la mer, écouter les premiers oiseaux du matin.
- Tu me piques tout ce que j’ai, hein ? Tu te sers. Mes cassettes, ma place sur le Penn Ru et mon Irlandaise.
- Mère a pleuré, mon père m’a demandé pour l’été, m’a dit qu’il y avait une place sur le Penn Ru.
Éditions : Les îliennes (2023).
Autres titres de cet auteur sur ce blog :
Jusqu’au premier mot.
Sayonara.
Morgane mafia.
Bout portant.
Le sommeil des damnés.