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Littérature d'Irlande,de Bretagne et aussi d'ailleurs
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9 juin 2022

McGAHERN John / Entre toutes les femmes.

 

Entre-toutes-les-femmes

Entre toutes les femmes.
John McGAHERN.
Note : 5 / 5.
La fin d’un homme et de son époque.
Reprendre un roman, que j’ai considéré comme un chef d’œuvre il y a pratiquement vingt ans, pour cause de réédition !
Quel va être mon ressenti ?
Dans sa ferme de "Grande Prairie", Moran, veuf depuis plusieurs années, vieillit inexorablement, entouré de ses filles et d’un seul de ses deux garçons, il règne sans partage sur son domaine. Il s’est fâché un soir de Monaghan Day avec Jimmy McQuaid, son compagnon de lutte, le seul ami qui lui restait. Ils avaient combattu avec l’IRA durant la guerre d’indépendance.
Il se remarie. La présence de Rose amène une certaine sérénité dans la ferme, les filles sont plus joyeuses, la vie plus agréable, et le temps passe, les enfants partent et reviennent, mais l’incompréhension règne. Moran est rattrapé et dépassé par le monde moderne, ses sacrifices envers son pays sont loin de correspondre à sa vision d’une Irlande idéalisée.
Les filles, les unes après les autres, partiront, l’une à Londres pour faire des études d’infirmière, elle rencontrera Luke, son frère fâché avec son géniteur.
Les autres à Dublin pour devenir fonctionnaires. Michael aussi quittera le domaine familial, restera Rose…
Le temps passe et Moran vieillit !
Des personnages remarquablement étudiés. Moran, individualiste hautain, dur envers lui-même et les autres, ses positions sont très tranchées. Il représente les rebelles qui ont gagné la guerre, et qui ont été évincés de la paix et du pouvoir :
- C’étaient les médecins et les prêtres, et non les vrais rebelles combattants, qui jouaient maintenant le rôle le plus important dans le pays. Les prêtres, eux au moins, devaient payer pour ce rôle par le célibat et la prière.
Il est aussi un catholique fervent jusqu’à l’extrême.
Rose joue un très grand rôle dans ce livre, comme souvent les secondes épouses dans l’œuvre de McGahern. Peu à peu, avec l’aide de ses belles-filles, elle humanisera le vieil homme, lui apportant douceur et bonté.
Luke, fils aîné, copie conforme de son père, a quitté le foyer définitivement. Il sert d’exutoire et de prétexte à la violence du père. Son cadet Michael aussi partira en Angleterre.
Les filles, sortes de fantômes, craignant ce père tyrannique, partiront pour trouver une vie normale, mais jusqu’au bout, elles le chériront, malgré tout.
Le petit frère est trop jeune pour se rendre compte de la vie de reclus que mène cette famille. Une jeune irlandaise vivant à New-York lui ouvrira les yeux.
Le meilleur roman de McGahern, (à mon humble avis) ; il raconte les dernières années de la vie de Moran, militant de la guerre d’indépendance. Cet homme est revenu de tout et ayant conscience qu’on lui a volé sa victoire, et il en ressent une certaine amertume.
Les descriptions des paysages de l’Irlande rurale sont remarquables.
On retrouve dans ce texte comme dans l’ensemble de l’œuvre de John McGahern, une certaine lenteur, le temps passe inexorablement mais sans hâte.
C’est toujours un très grand roman, même si j’ai éprouvé quelques difficultés à replonger dans la vie de cette famille.
Extraits :
- C'était ça, la guerre : pas quand la fanfare jouait et qu'un foutu politicien s'avançait pour déposer par terre une gerbe de fleurs.
- Moran était un homme trop compliqué pour permettre à quiconque de savoir ce qu'il pensait sur quoi que ce soit.
- Beaucoup de ceux qui ont eu le droit plus tard à des pensions et à des médailles ne savaient même pas distinguer les deux bouts d'un fusil. Et beaucoup de ceux qui avaient effectivement combattu n'ont rien eu du tout. La tombe avant l'âge, ou un bateau d'émigrants.
- Moran et lui s'entendaient assez bien désormais, essentiellement parce qu'ils s'ignoraient l'un l'autre.
- Bien que Moran eut combattu pour l'indépendance pratiquement dès son adolescence, il avait toujours tenu à préciser que les révolutionnaires n'avaient jamais rien eu contre les protestants en tant que tels.
- Tout au long de la grand-messe et de l’enterrement, un drapeau tricolore aux couleurs passées recouvrit le cercueil ; et au moment où le cercueil fut déposé au bord de la tombe, un petit homme coiffé d’un chapeau de feutre brun, assez vieux et assez raide pour avoir combattu aux côtés de Finn et d’Ossian, émergea de la foule. Avec un profond respect, il ôta son chapeau avant de plier le vieux drapeau usé, et, emportant celui-ci, il disparut de nouveau dans l’assistance. Il n’y eut pas de salve d’honneur.
Éditions : Presse de la Renaissance (1990). Pour l’édition de poche : 10 /18. (1995).
Réédition : Sabine Wespeiser (2022).
Titre original : Amongst Women (1990).
Traduit de l’anglais par Alain Delahaye.
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