THOMPSON Jim / Monsieur Zéro.
Monsieur Zéro.
Jim THOMPSON.
Note : 4,5 / 5.
Le zéro et l’infini !
Je continue de temps en temps la lecture (c’est le cas pour ce titre) ou relecture des romans de Jim Thompson, celui-ci a été édité en 1954.
Clinton Brown (Brownie) est un journaliste très apprécié du « Courier » de Pacifique City. Sa chronique « Les potins de Clinton Brown » est un franc succès.
Durant la guerre par erreur lui et ses compagnons ont été envoyés dans un champ de mines. Il est le seul survivant mais à quel prix ! Depuis il noie sa solitude dans l’alcool. Dave Rendall, le rédacteur du journal, est l’homme responsable de la tragique méprise.
Ce jour-là, Clinton fait la connaissance de Deborah Chasen, une femme belle et très riche qui lui propose de partir avec lui… chose qu’il refuse !
Lem Stukey, chef de la police de l’endroit, lui annonce le retour de son épouse dont il veut divorcer. L’ayant quitté, elle s’est livrée à la prostitution. Elle loge dans un bungalow sur une île, malgré le temps épouvantable il va la rejoindre. Elle le supplie de reprendre la vie commune. Clinton l’assomme, imbibe le drap de whisky, puis enflamme le tout. Quand Lem Stukey qui doit gérer l’affaire de « L’assassin goguenard », l’interroge, il lui démontre qu’il ne peut en aucun cas être coupable !
Mais sur sa lancée, il se lance dans une campagne de grand ménage de la ville, discours qui met Lem Stukey dans l’embarras.
Il apprend également qu’un de ses collègues de travail était sur l’île ce soir-là ! Il avait eu Madame Brown au téléphone et espérait une partie de jambes en l’air avec elle ! Il ferait un coupable tout désigné.
Durant les obsèques de son épouse, il retrouve la belle et richissime Deborah Chasen toujours folle amoureuse et sachant qu’il est désormais veuf s’offre sans pudeur. Elle sait aussi d’autres choses plus graves pour Brown, qui n’a plus qu’une option, la tuer !
Puis son chemin croise Constance Wakefield, qui aimerait éditer ses poèmes que son épouse lui avait remis il y a quelques temps. Mais un poème qu’il a écrit a été retrouvé dans la chambre où sa femme est décédée, et il avait pris soin d’en déposer un autre dans le sac de Deborah !
Et le cercle infernal commence. Clinton Brown est un homme brisé et on le serait à moins. Mais il a gardé toute sa tête et un esprit machiavélique, son seul désir délirant est de faire le vide autour de lui. Alors il met tout en œuvre pour y arriver. Personnage retord il est dans le même registre que Nick Corey, le personnage du shérif dans « 1275 âmes ».
Dave Rendall est le seul à connaître l’infirmité de Brown. En effet celui-ci a divorcé dès son retour du front. Il subit les moqueries de Brown, et aussi la colère du propriétaire du journal. Et aussi la déplorable cuisine de Kay, son épouse. Beaucoup de choses pour un seul homme.
Lem Stukey connaît ses limites et celles de son pouvoir, cela ne l’empêche pas d’être perspicace.
Encore un excellent roman noir, qui pour moi ne dépareille pas dans la bibliographie de Jim Thompson mais qui me semble relativement méconnu. À signaler, une fin extrêmement déroutante !
Extraits :
- À jeun, vous provoquez le destin, avec un verre dans le nez vous êtes le cadet de ses soucis !
- Vous voyez ? Elle ne savait pas ce qu'elle allait faire. Alors, moi, comment aurais-je pu le deviner ?
- Un mariage qui ne l'était que de nom, hein ? Une erreur de jeunesse dont vous ne parveniez pas à vous libérer ?
- Je m'éloignais dans un monde spécial connu de moi seul, où je pouvais les voir sans être vu.
- Pas plus tard qu'hier matin, je t'ai traité de pisseurs de copies à la noix et de sale con. Quoi de plus logique que de venger agréablement en t'envoyant ma femme ?
- Aussi vrai que l'enfer est un gouffre plein de soufre, elle allait m'y suivre aussitôt.
- Elle était merveilleusement naturelle et humaine ; Eve devant la pomme ; Circé, avec les gloussements en plus ; la Pompadour un soir où le roi lui avait donné campos...
- Elle portait deux paires de lunettes, l'une sur l'autre. Sous les verres, ses yeux exorbités ressemblaient à des huîtres nageant dans leur eau.
- Tu trouves que ce n'est pas sérieux, toi, un assassinat ?
Éditions : Gallimard / Série Noire (1966).
Titre original : The Nothing Man (1954).
Traduit de l’anglais par Jacques Hall.
Une nouvelle traduction intégrale par Julien Guérif est disponible chez Rivages / Noir sous le titre « Nothing Man ».