LIPTROT Amy / L'écart.
L’écart.
Amy LIPTROT.
Note : 4,5 / 5.
Lumières de la ville, lumières des îles.
Première roman de cette jeune écossaise, journaliste et donc auteur de ce livre très autobiographique.
Vingt-huit chapitres pour ce livre de plus de 330 pages.
Dans le prologue trois personnages se croisent dans un aéroport, elle descend de l’hélicoptère avec sa fille tout juste née sur ses genoux. Lui, est sanglé et mis sous calmants. La petite fille est la narratrice de ce très beau texte.
Une vie en trois époques, la première sur une des îles de l’archipel des Orcades, la vie de famille n’est pas des plus sereines, le travail à la ferme est dur. Elle travaille comme femme de ménage sur une plateforme pétrolière.
Seconde époque, les lumières de la ville, Londres et ses excès, la drogue et surtout la boisson, la vie de bohème et une addiction de plus en plus forte, le début de la déchéance. Le point culminant de ses soucis, la perte quasi-simultanée de son petit ami qui la quitte, de son travail et de son logement.
S’accrocher et tenter en désespoir de cause les «Alcooliques anonymes », tenir jour après jour, se battre malgré les tentations et les doutes.
Troisième période, retour aux sources, la lumière austère de l’île natale, le combat contre les vieux démons, l’abstinence totale, lutter d’arrache pieds.
Puis l’éclaircie enfin par la découverte ou la redécouverte des charmes de l’archipel, de sa faune et de sa flore, et l’étude des oiseaux.
Le rayon de soleil dans cette région où pourtant il ne brille guère.
De très belles descriptions des paysages de ces îles loin du tourisme de masse, des lieux qui sont de plus en plus désertés du fait de la dureté des conditions d’existence au quotidien.
Un très beau portrait de femme, sans concession envers elle-même. Ses combats contre ses addictions, la crainte de replonger même plusieurs mois après et un changement complet d’environnement et un retour aux sources.
Un excellent récit très bien raconté à la première personne du singulier. Une écriture mêlant la rigueur du journaliste et la douceur de la romancière sans oublier l’âpreté des différentes vies de l’auteur.
Une grande leçon de courage et de modestie.
Extraits :
- Chaque année, à la fin de l'hiver, les prés sont d'un brun délavé. L'écart paraît évident et stérile, mais je connais ses secrets.
- Le monstre se tordit de douleur et secoua la tête avec tant de vigueur qu'il cracha ses dents par centaines, formant ainsi les îles Orcades, Shetland et Féroé.
- L'alcool que j'avalais depuis des années m’érodait comme le fracas répété des vagues contre les falaises, et ma santé s'en ressentait.
- J'avais vidé une pinte, puis une seconde, avant de m'emparer de mon stylo pour lui confier ma terreur de voir l'alcool nous séparer.
- Quand j'ai quitté la maison pour entamer des études à l'université, ma consommation d'alcool n'avait rien d'inhabituel pour mon âge. Les lendemains de fête n'étaient pas aussi atroces qu'ils le deviendraient par la suite.
- L'alcool me séparait de lui et du reste du monde. Je me déconstruisais, verre après verre.
- Je commençais généralement à boire si tôt rentrée chez moi après ma journée de travail.
- J'avais cessé de boire pour faire quelque chose de ma vie, pas pour passer mon temps à raconter que j'avais cessé de boire.
- J'ai atteint mes confins. Je hurle de toutes mes forces vers la ligne de brisants qui se forment au large. Les vagues attrapent mon cri et le renvoient vers le rivage, jusque dans les grottes secrètes de la falaise, où il grondait résonne loin, très loin, sous mes pieds.
Éditions : Globe (2018).
Titre original : The Outrun (2016) .
Traduit de l’anglais par Karine Reigner-Guerre.