JAOUEN Hervé / Sainte Zélie de la palud.
Sainte Zélie de la palud.
Hervé JAOUEN.
Note : 4,5 / 5.
Fortune de mer.
Ce roman est le septième volume de la saga des Scouarnec-Gwenan, vaste fresque romanesque de la vie d'une famille bretonne. Dans ce livre nous retrouvons Marie-Morgane, la benjamine des sœurs Gwenan. Nous entrons dans la période contemporaine, Paul est né en 1917, Marie-Morgane en 1927 et leur fille Pauline en 1952.
En préambule à cette histoire, après une note de l’éditeur, il y a un arbre généalogique bienvenu car très utile.
Durant un court prologue se déroulant dans la région parisienne en 1974, nous faisons la connaissance de Pauline Draoulec. Une jeune banquière pleine d'avenir. Puis nous faisons un saut dans le passé. Nous sommes au Guilvinec fin des années 1940. Une tempête souffle sur le pays bigouden et Paul Draoulec fulmine, ses bateaux ne pourront prendre la mer, le temps est vraiment trop mauvais. Il se remémore sa vie... qui fut tout, sauf facile, surtout son enfance. Trois identités pour un même homme : Paolig, le petit Paul en breton, puis Paulo, et enfin fortune faite le grand Paulo.
Il se souvient de sa misérable existence, de sa mère Zélie, fille-mère à une époque où un catholicisme farouche interdisait ce genre de situation. Elle élevait Paolig du mieux qu'elle pouvait, mais ce n'était malgré tout pas très brillant. L'argent était rare et une grande partie partait en boissons alcoolisées. Zélie buvait énormément. Parfois Paolig la questionnait, qui était son père ? Mais il n’avait jamais de réponse.
Sa vie, déjà comme beaucoup de gens dans la région, tournait autour de la pêche et du poisson, sa mère l’achetait et ils allaient dans les bourgs des environs le vendre.
Paolig est obligé de se battre à l’école et ailleurs, cela forge le caractère. Il saura s’élever à la seule force de sa volonté, malgré l’adversité, la solitude, la guerre et la mer qui ne fait pas beaucoup de cadeau aux hommes qui en vivent, marins pêcheurs ou mareyeurs.
Paulo aura la chance de rencontrer la belle Marie-Morgane Gwenan, qui deviendra sa maîtresse… puis son épouse devant Dieu et les hommes.
Trois personnages principaux dans le récit de cette saga familiale dans le milieu des mareyeurs.
Zélie, femme à la vie gâchée par ce que l’on nommait à l’époque une faute, être enceinte sans être mariée. Elle payera ce moment de peut-être bonheur toute sa vie.
Paolig, lui, luttera pour s’élever dans la société, dur en affaires, mais mari et père au grand cœur. Son épouse, Marie-Morgane, la scandaleuse, celle qui a osé partir avec Paul, le matin d’un mariage, sans amour, le sien !
Pour Pauline, la vie s’annonce sous de meilleurs auspices, une bonne situation dans une banque, mais un mariage qui s’avère être un fiasco.
Un bon roman qui se déroule dans une région, le Sud-Finistère (Pays Bigouden) que j’aime beaucoup.
Un grand merci à Hervé Jaouen pour l’usage fréquent de mots ou d’expressions bretonnes.
Extraits :
- Il adore souffler le froid et le chaud. Paulo, c'est l'omelette norvégienne de la marée.
- Mais le diable était plus fort que tous les anges gardiens de la création. Il n'y avait qu'à voir le nombre de bistrots sur les ports de Saint-Guénolé, de Kérity, du Guilvinec, de Léchiagat. Leurs tenanciers n’allaient pas prôner la tempérance, ils auraient fait faillite.
- En traversant la palud, il sut qu'elle était morte, à cause du silence. La mer s'était tue, les grenouilles ne coassaient pas, les bouteilles qu'il trimbalait dans le casier ne tintaient pas.
- Ces vaches-là avaient choisi Poulguen pour fusiller, en deux fournées, trente-cinq résistants incarcérés à l'école Saint-Charles de Quimper, des pauvres gars venus de divers horizons, bretons pour la plupart, plus deux républicains espagnols et quatre anonymes.
- Le caïd de la cour de récréation s'était transformé en mecton ordinaire : sous la casquette, un ciboulot en gélatine, un mental de méduse, mou et gluant.
- Un jeudi du mois de décembre, la mer arborait les couleurs du drapeau breton : gwen ha du, blancs moutons sur café noir qui bout dans la casserole.
- Pareil pour le jaja. Un bon verre de Bordeaux n'a jamais tué personne. Quant à la goutte, c'est le remède des dieux. Une lampée avant d'aller au lit, ça te débouche les artères.
Éditions : Terres de France. (2018)