ZWEIG Stefan / Brûlant secret.
Brûlant secret.
Stefan ZWEIG.
Note : 4 / 5.
Nouvelles du temps jadis !
Auteur que je découvre (eh oui, j'ai de grosses lacunes) avec ce recueil (quatre nouvelles) très ancien. Ce livre existe en différentes versions chez plusieurs éditeurs.
La première qui donne son titre à l'ouvrage est divisée en une multitude de chapitres car c'est une nouvelle assez longue.
Un jeune homme, baron de son état, est pour une semaine en vacances. Détestant la solitude, son premier regard est pour les femmes qui sont présentes dans cet hôtel. Il s'en présente une grande et bien en chair, qui ne le laisse pas indifférent ! Sa bonne humeur renaît. Etant grand chasseur de femmes, il trouve la proie à son goût. La chasse peut commencer. La partie est engagée et pour séduire la mère, il se fait un allié, son fils. Mais celui-ci n'entend pas partager son nouvel ami avec sa mère, il découvre donc l'amertume, la jalousie et l'esprit de vengeance. Séduire le fils pour mieux séduire la mère, pas très moral tout cela. Un très beau texte et une très fine observation des réactions d'un enfant devant ce qu'il considère comme une trahison.
"Conte crépusculaire". Pas tant que cela en réalité, car la position de ce garçon n'est pas des plus désagréables, être "victime" d'une femme inconnue, mais amoureuse, n'est pas arrivé à beaucoup d'entre nous. Mais ensuite le dilemme devient plus perturbant. Être amoureux d'une des deux sœurs, alors que c'est la seconde qui vous aime… Mais les années vont passer.
"La nuit fantastique". Où ce qui semble n'être qu'une journée ordinaire dans la vie d'un homme désœuvré, entre champs de courses et conquêtes féminines va se transformer en plongée dans un monde inconnu composé de prostituées et de gens pauvres ! La découverte de soi au bout de la nuit.
"Les deux jumelles". Le sous-titre indique de style "Conte drolatique". Acceptons-en l'augure, car, jusqu’à présent les occasions de rire furent très rares ! Honnêtement je n'ai guère souri. Deux sœurs jumelles d'une grande beauté, Hélène la débauchée, Sophie la dévote, le vice malheureusement l'emporte souvent sur la vertu ! Cette histoire le prouve encore. Un beau texte.
Pas beaucoup de personnages dans ces longues histoires, un trio inhabituel, le baron charmeur, l'épouse seule consentante et le fils de celle-ci qui s'estime trahi. Une histoire qui ne manque pas de charme ! Un adolescent qu'un corps mystérieux et féminin enlace et embrasse sans qu'il puisse la reconnaître. Et il a le choix. Laquelle ? Un rentier revenu de beaucoup de choses de la vie va passer une nuit très particulière. Sortir de son monde peut être une expérience enrichissante ! Deux sœurs jumelles, mais opposées, jouent un jeu dangereux, mais le désir est le plus fort !
C'est très bien écrit, mais je ne suis pas sûr que ce style ait du succès chez les éditeurs. Cela peut paraître vieillot et trop descriptif pour le genre de la nouvelle contemporaine qui est plus resserrée, plus dense et souvent plus courte.
Mais cet avis n'engage bien évidement que moi, et j'admets très bien que les puristes me fassent un procès et me brûlent en place publique !
Extraits :
- Si, du moins, il y avait quelques femmes, la possibilité d’un petit flirt – à la rigueur même innocent – pour ne pas passer cette semaine trop tristement.
- Ils sont toujours chargés de passion, non pas de la passion estimable de l’amant, mais de celle du joueur, froide, calculatrice et périlleuse.
- Il n’était pas lui-même sans ressembler à ces femmes qui ont besoin de la présence d’un homme pour tirer de leur être tout leur pouvoir.
- Depuis la veille il avait vieilli de plusieurs années ; un hôte étranger, la méfiance avait pris place dans sa poitrine d’enfant.
- Ces minutes inouïes qu’il vient de vivre avec une femme lui paraissent à présent toutes banales et insignifiantes à côté de l’éblouissant mystère qui l’attire comme deux yeux fascinateurs fixés sur lui dans la nuit.
- L’amour n’a peut-être pas de plus suaves moments que ces rêveries pâles et crépusculaires.
- Mais déjà elle s’était ressaisie et, tandis qu’elle se pressait mollement à son bras, elle laissait glisser vers moi un regard ironique qui signifiait : « Tu vois, c’est lui qui me possède et pas toi. »
- Une fois que quelqu’un s’est trouvé lui-même, il ne peut plus rien perdre dans ce monde. Et dès que quelqu’un a compris l’être humain qu’il y a en lui, il comprend tous les humains.
- Le Créateur a en effet doué les hommes d’un naturel contrariant : ils demandent toujours aux femmes le contraire de ce qu’elles leur offrent.
- Mais il ne faut pas tenter le diable, conseille un sage proverbe, sans quoi il vous saute à la gorge…
Éditions : Grasset. (Les carnets rouge). Le livre de poche.
Version originale : 1938.