MAYNARD Joyce / Une adolescence américaine.
Une adolescence américaine.*
Joyce MAYNARD.
De son temps.....**
Note : 4 / 5.
Joyce Maynard passe du statut de jeune auteur surdouée de 1972 à celui de témoin de cette époque presque trente ans plus tard. Le monde a changé, la société aussi.
Que reste-t-il de cette période : des souvenirs et beaucoup de regrets?
Ce livre commence par un avant-propos de l'auteur écrit en février de cette année à l’attention des lecteurs français et de ce pays qu'elle affectionne particulièrement au point de l'idéaliser un peu :
-Et cela me ramène à quelque chose que j'adore chez les Français : il n'est pas trop difficile d'avoir 59 ans, je crois, dans la mesure où cela se passe en France.
Puis suit une longue préface et très intéressante écrite en avril 2012 dont je retiens ce passage :
- Je laisserai aux sociologues le soin de rédiger les grandes déclarations sur la direction compris l'un ou l'autre segment de notre culture et comment ils en sont arrivés là. Tout ce que à quoi je m'emploie ce jour, c'est à raconter ma propre histoire, laissant les lectrices et lecteurs en faire ce qu'ils voudront.
Les choses sont clairement dites et écrites, les événements importants serviront de toile de fond, mais ils n'auront pas la priorité dans ce qui va suivre. L'auteur nous parlera d'elle et non pas du monde, d'autres en ont parlé!
Tous ces textes concernent la période allant de 1962 à 1973, époque faste et on ne peut plus intéressante, je serai très mal venu de dire le contraire! Du Vietnam à Woodstock, de John F. Kennedy, président auréolé de gloire, au sinistre Lyndon B. Jonhston suivi du consternant Richard Nixon, grandeur et décadence du pouvoir américain aux mains de gens médiocres.
Des drogues douces de la période hippie aux ravages des produits de synthèse. La musique aussi joue un rôle important dans les modes de l'époque, de la révolution Beatles au groupe baba cool comme les Mamas and Papas! Dont on se rend compte maintenant que musicalement ce n'était pas d'un très haut niveau!
Jeune fille américaine ordinaire, naissance dans le New Hampshire, pas l'Amérique clinquante, mais pas celle de la misère non plus. Un père porté sur la boisson, et une jeune fille mal dans sa peau et dans son époque. L'écriture comme thérapie, enfin comme moyen de se sortir d'une certaine gêne, celle d'une jeune fille qui s'estime née "vieille" et qui projette d'écrire un article intitulé "L'embarras de la virginité".
En 1972, la gloire est soudaine et à un âge où certainement cela pose des problèmes. Un article accepté dans le "New-York Times Magazine" décide de la suite de sa vie. Puis à 19 ans une relation amoureuse avec un homme marié, père de famille, plus âgé et écrivain reconnu, Jerry D. Salinger, la fera passer de statut d’adolescente née vieille à femme adulte, avec tout ce que cela comporte de renonciation, de perte d'innocence et de rêves envolés!
Toute personne en rencontre beaucoup d'autres dans sa vie, surtout quand elle est un personnage publique ! Mais étrangement il semblerait que Joyce Maynard fasse l'impasse sur ses connaissances de l'époque sommairement décrite, ses colocataires et quelques vagues amies des années estudiantines.
Une écriture apaisée, peut-être un peu trop à mon goût ; je n'ai pas trouvé ce sentiment de refus de beaucoup de choses que la société de l'époque nous imposait. Et nous ne savions pas qu'après quelques années florissantes (hippies, hippies hourra!), le pire était à venir.
Mais l'intérêt de ce livre réside non pas dans les faits qui ont fait l'histoire de ces années d'espoir, mais ceux de la vie d'une jeune fille de son époque, malgré tout un peu en marge de celle-ci.
En avançant dans l'écriture de cette chronique, je me suis rendu compte que j'avais vécu cette époque par procuration, au gré des différentes plumes d'écrivains qui racontaient l'histoire avec un grand "H" alors qu'à travers ce livre, Joyce Maynard nous conte son histoire de jeune fille de la middle-classe américaine avec ses joies et ses peines comme tout un chacun.
Et j'ai l'impression qu'elle aussi se pose la question cruciale :
-Qu'avons-nous loupé pour laisser une telle société à nos enfants et aux générations futures?
Un regard lucide et désenchanté.
Extraits :
- Mais je n'étais pas aussi habile à révéler mon propre moi. Cette partie de l'histoire, je la soustrais de mes écrits.
- J'étais une fille très vieux jeu qui faisait son pain et voulait des bébés (une attitude presque révolutionnaire à l'époque).
- Peu à peu, au fil du temps, j'ai appris que les meilleurs textes sont ceux dans lequel l'auteur ose raconter non seulement les choses faciles, mais également les choses gênantes.
- Oui, je sais, nous appartenons à la génération Pepsi.
- Ma génération et celle des attentes insatisfaites. « Quand tu seras grande », promettait ma mère, « tu pourras te mettre du rouge à lèvres ». Mais lorsque le temps est venu, bien sûr, le rouge n'était plus à la mode.
- Je comprends que les fous de Dieu, sous l'effet de drogues, puissent se diriger vers une vie d'abnégation et d'ascétisme.
- On l'appelait l'herbe, on l'affichait - et ceux qui planaient disaient «ce pays part en fumée ». La drogue de l'époque était la marijuana.
- Le désir d'être mince avait commencé à hanter les filles de ma génération. N'étions pas les seules à calculer nos calories, bien sûr, mais ce n'était pas tant le poids qui comptait que la minceur.
- La génération - celle qui accorde tant d'importance à la communication - semble négliger le langage.
- Aujourd'hui, mon objectif est beaucoup plus simple. Je veux être heureuse.
Éditions : Philippe Rey (2013).
Titre original :Looking back. A chronique of Growing Up in the Sixties (1973. 2003)
* Chronique des années 60.
** Qui est aussi le mien!