GUIN Yannick / À l'ombre des érables roux.*
À l'ombre des érables roux.*
Yannick GUIN .
Note : 4 / 5.
Il court, il court le Breton.....
Un journaliste et Mouss, une sociologue d'origine sénégalaise, essaient de comprendre ce qui a poussé Fanch à quitter la Bretagne et la Montagne Noire pour tenter l'aventure dans les vastes étendues de l'Amérique du Nord !
Fanch a 90 ans, il vit au Canada depuis la fin de la guerre. Il a accepté de recevoir un journaliste et une sociologue pour raconter son histoire, et les raisons qui l'ont poussé à l'exil. Des motifs habituels, semble t-il dire, la soif d'aventure, la recherche de la fortune et fuir la misère qui régnait en Bretagne à cette époque. L'état canadien avec l'aval de l'église « recrutait ». Les Bretons fervents catholiques étaient les bienvenus et avaient souvent de la famille qui les avait précédée. Sur place la vie n'était pas toujours un long fleuve tranquille, c'était souvent mille boulots, mille misères, mais pour Fanch et son copain P'tit Louis, breton également, leur lieu d'origine était souvent une sorte de passeport, et facilitait parfois l'embauche ! Le goût des voyages était quasi obligatoire, les kilomètres ne comptaient pas malgré la précarité des transports, Montréal, le Québec, Vancouver, New-York ainsi que le Labrador ! Il y passera deux hivers et fera la connaissance d'une indienne, relation pas réellement bien vue de sa famille ! Et la route encore, les petits boulots se suivent et ne se ressemblent pas forcément, de la brocante à la restauration.....A l'écoute de Fanch et de ses souvenirs, Mouss est prise d'un doute : les raisons invoquées de son départ de Bretagne sont-elles les seules ? Cache t-il au fin fond de sa mémoire un souvenir qu'il voudrait effacer ? Elle connait le problème, elle a aussi quitté son pays pour fuir certains épisodes de sa vie....
Fanch, vieil homme encore vert, plein de verve, grand adepte de proverbes en breton, langue qu'il n'a jamais oublié....il n'est pourtant rentré en France qu'une fois à la demande de son épouse....mais son exil, ses changements de lieux et de vie, sont-ils du vagabondage ou une sorte de cavale personnelle ? Mouss cerne relativement vite Fanch, qui, malgré une certaine désinvolture et un côté sûr de lui, élude certaines questions, change de sujet, pourquoi ? Le journaliste est dans ce livre un peu en retrait....c'est le seul qui, semble-t-il, n' a pas connu l'exil !
Les personnages de la vie de Fanch (et comme son existence fut aventureuse) sont nombreux, son épouse Louise décédée depuis quelques années, P'tit Louis, son copain de jeunesse et de bourlingue...et beaucoup d'autres.
Un ouvrage que l'on peut mettre en parallèle avec « La grande tribu » de Youenn Gwernig, mais l'un, Fanch, a choisi la campagne, l'autre, Youenn, fut plutôt un citadin. Mais la décision de quitter la Bretagne date de la même époque.
Un excellent livre sur la diaspora bretonne en Amérique du Nord qui fut relativement nombreuse, et qui même outre-Atlantique cultivât un certain particularisme linguistique, entre autres. Décidément les Bretons sont partout.
Extraits :
- Je me dis . « Tap da sa'ch 'ta, breur koszh, ha pak da beadra ».
« Prends donc ton sac vieux frère et fais ton baluchon ».
- Mais il y a un dicton breton : «Dousoù e peb leh, karantez neb leh ».
« Amourettes en tous lieux, Amour nulle part. »
- Pour un émigré comme moi, la langue était une épreuve de tous les instants. Il fallait apprendre vite.
- « An douar zo kozh
Med n'eo ked dod »
« La terre est vieille,
mais elle n'est pas gâteuse.... »
- Mais ne te fais pas de soucis. Comme on disait dans mon village :
« Kaset am eu an ero eeun da benn ».
« J'ai tracé un sillon bien droit jusqu'au bout ».
- C'est dans l'exil que tu comprends vraiment ce que signifie ton village d'origine. Mais quand tu reviens, tu prends conscience de ce qui est mort en toi : le village, l'enfance, et aussi la mémoire.
- Ici, dans leurs derniers moments, les vieux délirent en breton, comme un retour à la matrice de la langue.
- C'est le cantique du purgatoire. Les morts en Bretagne avaient l'humilité de ne jamais prétendre au Paradis.
Éditions : Siloë (2011)
Le blog des éditions Siloë.
*Un « coureux » breton en Amérique.