JAOUEN Hervé/ Toilette des morts.
Toilette des morts.
Hervé JAOUEN.
Note : 4,5 / 5.
Lavage de crâne !
C'est la première fois que je lis ce livre malgré le fait qu'il date de 1883 et a été réédite en 1992. Donc malgré toutes mes recherches, j'ai encore (et c'est tant mieux) quelques lacunes dans ma lecture de l’œuvre d'Hervé !
Un homme dans un hôpital psychiatrique regarde le livre de cours d'une infirmière militaire.... le chapitre qu'elle étudie est ... « Toilette des morts »...il pense à son épouse récemment décédée. Comment et pourquoi ?
Ollivier commence à travers la France une longue traque pour retrouver et tuer six officiers qu'il juge responsables de son séjour en hôpital psychiatrique et donc du décès de Corinne. Il s'organise, connait le monde des banques, donc l'argent ne lui manque pas, et la haine est un puissant levier.....
Mais ces morts suspectes d'anciens officiers finissent par intriguer le commandant Laforge.....qui cherche le lien entre tous ces décès....
Ollivier Lhostis est, au début de ce récit, un homme de son époque, marié et père de famille, pas très porté sur l'armée et pensant avec juste raison que la France n'a pas forcément besoin de lui, il espère être dispensé de cette corvée d'un an.....il cherche malgré tout une solution médicale pour justifier cette exemption. Manque de chance, il ne choisira pas la plus facile et de ce fait s’aliènera les gradés qui doivent décider de son sort.... A la place de la liberté rêvée, c'est la prison et un drame qui l'attend ! Corinne son épouse est en effet retrouvée morte chez elle ? Il avait une petite fille Valentine...
Le Commandant Laforge, de son nom de code Saint Georges, fait partie d'un service qui n'a plus réellement d’existence légale, donc son rayon d'action est plutôt limité......la mort de ces militaires semble être l'oeuvre du même homme. Mais qui est ce mystérieux tueur, six morts déjà et surtout quel est le lien entre eux ? Et qui peut leur en vouloir à ce point ?....
Les chapitres sont différenciés en plusieurs catégories : O.Lhostis se souvient...d'autres sont des rapports de la sécurité militaire, section Saint Georges, dossier O.Lhostis. Il concerne Ollivier ou son épouse et émane de diverses sources officielles légales ou non.
Hervé Jaouen parle dans ce livre de la toute puissance de l'armée à travers l'exemple d'Ollivier, 25 ans, marié, père de famille, des études et une future belle situation, bref la tête de turc idéale pour certains militaires rescapés de bibine et d'anciennes guerres coloniales !La victoire de la gauche, la suspension de la sécurité militaire, joue un grand rôle dans cette histoire en plus le sus-nommé Ollivier semble, pour la hiérarchie militaire, un dangereux gauchiste, un ex-soixante-huitard, bref un « ennemi de l'intérieur ». Choses qui semblaient courir les rues en France à une certaine époque où pullulaient les barbus, chevelus et autres pacifistes de tous crins et de tous poils!
D'une histoire de vengeance somme toute classique dans la littérature noire, Hervé Jaouen dresse un constat social. Comme dans « Les endetteurs » vis à vis du système bancaire, « Les ciels de la baie d'Audierne » vis à vis de la justice, ici c'est l'armée qui brise des destins et des vies.
Mais où est la réalité ?................
Extraits :
- Un lit de mort c'est un machin haut, avec une tête maousse, en bois sculpté, un chevet, du papier jaune aux murs et une odeur de désinfectant ou de pisse.
- Bien que pathologiquement antimilitariste, Lhostis adorait les armes et cette passion ne simplifiait pas sa vie cérébrale.
- Il les avait provoqués. Ils l'avaient baisé.
- D'homme , devenir un cas psychanaliteux.
- Ils ont sournoisement jubilé. Ils avaient déterré de la masse conscrite un cas sur lequel ils allaient pouvoir épingler une rame d'étiquettes freudiennes.
- Forte tendance dépressive, à surveiller au corps.
Au corps, alors que c'était la tête qui était malade....
- Il s'est couché. Il a sorti ses armes, ses bouquins de combat, un truc auquel il avait pensé pour troubler les psychiatres : l'Ulysse, de Joyce ; Les monts et merveilles, de Lovecraft ; Le procès de Kafka ; et un Proust.
- C'était le début du cauchemar.
- Et, pour ne rien cacher, il cotisait au RPR, sous un nom de code.
- Une vieille gloire de la Cochinchine.
- Il était foutu, désespéré, anéanti, liquéfié.
Ne restait plus que la solution d'un coup d'éclat. Se pendre, étrangler un mec, flinguer un officier.
- Il se retrouva au point zéro, c'est-à-dire un endroit de sa double impossibilité : ni vivre ni mourir.
Entre les deux, il y aura la fuite.
- Tous membres de la sécurité militaire. Tous désignés pour le condamner. Un procès de Prague. Un procès de Moscou. De faux documents, de faux témoignages. Et l'avocat lui-même devait être dans la combine.
Éditions : Fleuve noir (1983)