PERGAUD Louis / La guerre des boutons.
La guerre des boutons.
Louis PERGAUD .
Note : 4 / 5.
Si j'aurais su, j'aurai pâ venu.....*
J'ai dit il y a quelques temps en guise de boutade que pour me reposer des certaines lectures violentes ou ardues, que j'allais relire « La guerre des boutons ».
Une petite phrase de la préface prévient le lecteur :
- « Et foin aussi des purs latins : je suis un Celte ».
Et il en appelle à Rabelais ! Donc considérons cela comme une pause littéraire, et une lecture du temps passé .
Se faire traiter de « couilles molles » par les ennemis héréditaires du village voisin mérite vengeance, car on se doute bien, malgré que la signification exacte reste un peu mystérieuse, du caractère injurieux de l'épitaphe ! Si une expédition punitive est organisée la nuit même , et cette inscription vengeresse :
-Tou lé Velran çon dé paigne ku !
Est fièrement inscrit sur la porte de l'église de l'ennemi, fief calotin, sorte de double peine ! Donc la guerre est déclarée en cette rentrée scolaire.
Mais pour le monde des adultes, il y a d'autres priorités, l'école par exemple. La guerre ou les études, il faut choisir, pour Lebrac et ses troupes le choix est vite fait, c'est la guerre ! Dans les études ils ont malgré tous leurs favoris, les Gaulois par exemple, batailleurs et indisciplinés ! Mais parfois les études empiètent sur les batailles, ainsi un soir ou beaucoup des soldats de Longevernes sont retenus (contre leur gré, cela va s'en dire) à l'école, le combat tourne à l'avantage de Velrans et le chef ennemi, le grand Lebrac, est capturé ! Le traitement est sévère, les vêtements mis à mal, les coups pleuvent et l'orgueil du chef et du village en prend un sérieux coup. Pour Lebrac son retour à la maison n'est pas non plus empreint de douceur ! Car en ce temps-là, on ne s'occupait guère d'interdire les punitions corporelles . De fil en aiguille, la rivalité s'installe les revers de fortunes aussi parfois pour les uns et donc contre les autres ou vice et versa ! Mais pour toutes guerres, il faut un trésor..et pour l'obtenir il faut des trésors d'imagination, chose dont ils ne manquent pas ! Je ne vous narrerais pas tous les détails des luttes homériques qui se déroulent tout au long de ce livre, qui a été mis en scène cinq fois si mes calculs sont exacts dont une version irlandaise ! Mais le roman diffère sur certains points du film.
Longevernes, la rouge, Velrans, la calotine, sont les villages voisins, mais rivaux par jeunesses interposées, pourquoi ? Depuis quand ? Tout cela se perd dans la nuit des temps, leurs pères et leurs grands-pères avant eux racontent leurs souvenirs comme eux les raconteront plus tard. Mais je m'égare !
Les chefs, Lebrac pour Longevernes et l'Aztec des Gués pour Velrans sont deux solides gaillards sans foi peut-être, mais non sans loi, on sent malgré tout un certain esprit chevaleresque dans la lutte entre ces deux villages, et cela occupe la jeunesse ! Car en ces temps anciens sans télévision, les distractions étaient locales et les rivalités profondes. Mais les idées pour ne pas s’ennuyer, ils en avaient plein la tête !
Un mot sur les adultes, pas très brillant, un garde-champêtre un peu benêt, un curé surnommé « Le noir », un instituteur caricature de lui-même et des parents à la main leste ! Les guerriers des deux camps n'y allaient pas non plus de mains mortes avec leurs prisonniers !
Il faut retrouver ce vocabulaire un peu surannée de l'époque avec des mots plus guère usités par les temps qui courent dont voici quelques exemples : Le lécher des vaches, l'echenillage dominical, acaillené, boire une purée, un caneçon, râper la tuile (blague qui consiste à passer une tuile sur un mur extérieur de la maison chose qui produit un bruit assourdissant qui semble venir de l'intérieur!) etc....
Et aussi le patois de la région apporte un dépaysement certain, plongé dans une France profonde et
révolue.
Des aventures que tous les bons habitants de la campagne semblent avoir connues pour ne pas dire y avoir participé , bien que ce livre ait été édité pour la première fois en 1912.
L'écriture est très belle, car Louis Pergaud fut prix Goncourt en 1910 pour « De Goupil à Margot ». Par contre l'orthographe des élèves est aussi déplorable que celle actuelle, drôle de constat !
Extraits :
- L'été venait de finir et l'automne naissait.
- Ce jour-là, ils traînaient le long des chemins et leurs pas semblaient alourdis de toute la mélancolie du temps, de la saison et du paysage.
- « Ils nous ont traité de cons, d'andouilles, de voleurs, de cochons, de pourris, de crevés, de merdeux, de couilles molles, de...
- Le grand Lebrac voulait sans doute dire : eurêka ! Il avait vaguement entendu parler d'Archimède, qui s'était battu au temps jadis avec des lentilles.
- Et, en effet, une scène terrible se déroulait à la lisière.
- Toute l'armée de Longeverne était déjà là, pérorant et jacassant, remâchant la défaite et attendant anxieusement le général.
- Un vrai beau jour pour se battre.
- Dis, Tintin, demanda Guignard, je ne vois pas bien, est-ce que c'est Forbach ou Mortbach ?
- Ah ! Prussiens ! ah ! salauds ! - triples cochons ! Andouilles de merde !-bâtards de curés!- enfants de putains! - charognards ! - pourriture ! - civilité ! - crevures ! - calotins ! - sectaires ! - chats crevés ! - galeux ! - mélinards ! - combisses ! - pouilleux ! telles furent quelques-unes des expressions qui s'entrechoquaient avant l'abordage.
- Bacaillé oli avèque la fiaivre, sai dès manier. Hi la tout vandu lamaiche. Tout le monde a aité rosé. Defence de cosé ou bien nouvaile danse, sairmant de ne pas recommencé mais on çanfou, les Velrans repaieron tou. Rechaaicher le tréssor quand même.
- Tout de même, bon Dieu ! Qu'il y a pitié aux enfants d'avoir des pères et mères.
- Dire que, quand nous serons grands, nous serons peut-être aussi bêtes qu'eux !
Éditions : Folio (1972).Mercure de France (1963).
*Pensée profonde et un rien désabusé de TiGibus ! Phrase qui d'ailleurs ne se trouve pas dans le livre !