LÉOTARD Axel / Maîtresse Cathy, l'insoumise.
Maîtresse Cathy, l'insoumise.
Axel LÉOTARD .
Note : 4 / 5.
Les coups et les couleurs.....
Après les livres de Lydia Lunch, la grande prêtresse d'une certaine sexualité très libérale, revenons dans notre douce France, enfin douce, c'est à voir.
En préambule l'auteur, photographe de son état, fait la connaissance de Maîtresse Cathy dans le but de faire un album photos. Au fil des rencontres l'idée de ce livre s'imposera bien vite. Cathy se raconte et comme le souligne Axel Léotard, sa vie est un exemple, ni à suivre, ni à proscrire, c'est la sienne et elle l'assume avec courage et fierté. Bravo Madame.
Si certaines personnes débarquent par hasard ici et que cette chronique gène, elles peuvent revenir dans quelques jours voir des anciens textes ou me rayer purement et simplement de leurs visites.
Cathy se raconte simplement, les circonstances qui l'ont amenées à la prostitution, un viol qui déjà lui fait toucher du doigt le monde, il y a les prédateurs et les victimes, elle ne fera jamais partie de la seconde catégorie, c'est une évidence. Enfant solitaire, mais vivant dans une famille heureuse, son destin n'a rien de sordide. Une première proposition chiffrée et acceptée, elle décide d'abandonner ses études et d'embrasser le plus vieux métier du monde, en province pour débuter et faire ses premières armes avec une naïveté déconcertante ! Elle annonce la nouvelle à ses parents ; la première réaction fut brutale ! Puis son père devient son conseiller financier..le meilleur qu'elle n'ait jamais eu ! Elle poursuit son apprentissage, les policiers incrédules, les filles qui n'y vont pas de « mains mortes », les macs qui offrent leurs protections, et même une période de ce que l'on appelle « L’abattage ». Elle reconnaît que la patronne Gina était une mère maquerelle avec qui elle a énormément appris, mais elle était entourée de filles envoyées dans une sorte de stage de rééducation par leurs souteneurs !
Nous suivons pendant de nombreuses années ses « amours », même si ce terme le lui plaît pas vraiment, ses excès en tous genres et ils furent nombreux, ses drames comme tout un chacun, ses changements de vie, ses mises au vert dans la France profonde. Sa passion pour le bodybuilding qui l’amènera vers d'autres joies, mais d'autres prises de substances pour le moins illicites. On découvre aussi, et c'est plus surprenant une femme lucide, qui demande à ses clients d'apporter avec eux les objets de leurs fantasmes ! Étonnant ! Son « Donjon » sera ainsi équipé !
Le personnage principal est bien évidement Cathy, maitresse femme et bien plus encore. Sa vie et son oeuvre, sans fausse pudeur, ni artifices. D'un viol dans les Landes à son statut de dominatrice très courue dans le Paris des années 1990. Sa famille a un rôle primordial, son père qui gérera son argent en toute connaissance de cause, sa mère toujours à ses côtés, son frère fidèle dans les époques les plus dures. Un exemple, je pense, très rarissime de tolérance. Un portrait de femme libre, qui assume ses choix et ses vies qui furent nombreuses en peu d'années, prostituée, dominatrice, alcoolique, droguée, sportive et dopée. Au risque de surprendre, j'ai une certaine admiration pour cette femme qui s'est sortie de tout et uniquement par elle-même.
Quelques hommes bien sûr, Gabriel le plus important, tour à tour, grand frère, amant, guide et mentor, celui avec qui elle reconnaît avoir été la plus heureuse. Jacques, le boxeur aussi a beaucoup compté, son suicide l'a laissé désemparée. D'autres par contre ont laissé des souvenirs plus que mitigés !
A signaler que ce livre est composé de chapitres, entrecoupés, et c'est plus original, de « séances », décrivant certaines des moments de travail qui ressemblent, du moins à mon goût, plus à de la torture qu'à des moments de plaisir. La nature humaine est ainsi faite, et il n'est question ici que de traitements librement consentis par des hommes majeurs.
L'écriture est simple, mais précise, sans trémolos, ni misérabilisme, mais sans glorification non plus. Un témoignage impartial et captivant, mais qui ne doit pas nous faire oublier une réalité beaucoup plus sordide, car Cathy reste, je pense, un exemple marginal.
Son témoignage sur le monde des trottoirs parisiens est très pertinent car vécu de l'intérieur. Son désenchantement sur la rue Saint Denis, et le trottoir en général, correspond, les dates le prouvent, à l'apparition massive de la drogue dans la société française et donc dans le monde de la prostitution avec son corolaire d'insécurité.
Extraits :
- 1974, année entre deux mondes où les remèdes de bonne femme côtoient le modernisme et la libération des moeurs.
- Mais elle sait maintenant qu'il existe deux camps : celui des prédateurs et celui des proies. À choisir, elle sera prédatrice.
- Il remercie la maîtresse.
- Cathy veut travailler, gagner de l'argent, beaucoup d'argent, parce que dans toute société capitaliste et libérale, l'argent est autant une source de pouvoir que de liberté.
- Au fil des années, les clients ont autant été une source de profit qu'un soutien psychologique. Ils ont même été d'une aide manuelle ou technique.
- Ici, on boit, les clients surtout. Le bar appartient à René Juillet qui aura la maladresse de se faire tuer l'année suivante.
- L'hôtel est proche de son lieu de travail, elle vit la nuit, dort le jour, appartient à cette faune devenue invisible une fois le soleil levé et pourtant indispensable au battement du coeur de la ville.
- Un énorme village où tout le monde se connaît, un énorme village qui tire son profit du sexe.
- Quand il voulait un truc particulier, je leur disais : « Je te fais ce que tu veux si tu viens avec le matériel dont on a besoin la prochaine fois. »
- J'avançais à découvert, curieuse ayant les moyens de tout....
- Il a dit qu'il voulait ressentir la mort, qu'il voulait savoir ce que cela faisait d'être suspendu à une potence. Il a dit qu'il n'avait pas peur de la douleur.
- Elle sait la drogue, comme elle sait l' alcool. Mais la vie n'est-elle pas un voyage à sens unique ?
- L'image de cette femme ayant gagné suffisamment d'argent pour ne jamais prendre le métro jusqu'à plus de 40 ans m'amuse.
- Et le sexe dans tout ça ?
Je ne vais pas te dire que j'aime le sexe, ce serait faux. J'aime les gens, et c'est un métier de rencontres.
Éditions : La musardine (2011).
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