BLANC-GRAS Julien / Touriste.
Touriste.
Julien BLANC-GRAS.
Note : 4 / 5.
Pour ici, ou ailleurs, embarquement immédiat !
Sept milliards d'humains et moi et moi et moi.....c'est une constatation pour débuter ce livre. Voyage, c'est un mot magique, plein de découvertes et de promesses d'émerveillement. Touriste, cela sous entend, comme sa caricature décrite par l'auteur : l'allemendenshort ! Entrons dans les détails, reconnaissons qu'il n'est pas forcément germanique mais toujours nordique.....même parfois du nord de la France.
Le ventre des buveurs de bière est le premier signe distinctif, le short et les chaussettes dans des sandales, un bob ridicule vantant souvent une boisson anisée permet de différencier les natifs de l'hexagone des autres...Autres caractéristiques : grandes gueules et toujours en pays conquis.
La version un peu plus édulcorée, sévissant dans les provinces françaises, mais toute aussi méprisante est « Le Parisien » !
Je vous rassure, Julien Blanc-Gras n'est pas un touriste, il est à mon avis un globe-trotter moderne qui nous parle de ses voyages avec beaucoup d'humour, et aussi de dérision ! A première vue tout pour me plaire.
Alors en route....
Commencer ce récit par la ville de Hull, sorte de trou du cul du nord de l'Angleterre donne le ton ! Personne n'est un touriste dans ce port de pêche où l'exotisme est proche du zéro absolu. Et l’image de l'érotisme ambiant est Eléanor, c'est dire ! Ensuite la Colombie, pays de toutes les violences, Bogota, Cali, Carthgène et Medellin ; dans cette dernière qui est le personnage le plus connu de la ville, Escobar ou Botero ? Le premier a permis d'inventer le concept du crime comme valeur ajoutée au tourisme !
À Rishikesh en Inde, les figures les plus célèbres parmi les hôtes de marque sont les Beatles....le temps a passé, le lieu où ils ont résidé et composé leur fameux album « Double blanc » est à l'abandon ! Et Katmandou, le rêve hippie terminé, n'est plus qu'une ville laide, passée de mode.
Le désert marocain, l'envie de silence malheureusement troublé par une bande de vacanciers bretons braillant à tue-tête "Le loup le renard et la belette" Et, de plus ils ne sont même pas capable de choisir une chanson représentative, « La blanche hermine » par exemple ! Enfin, chacun porte sa croix. Le mythe de Tahiti revu à la baisse...île paradisiaque de pacotilles et de prospectus, le Brésil et ses favelas, une visite dans l'une d'elles, style venez voir nos pauvres ! La Chine d'avant les J.O., Pékin vaste chantier où un canadien ne retrouve plus son ancienne adresse pour cause probable de destruction par bulldozer et où tout se monnaie, sauf pour un fonctionnaire. On n'arrête pas l’économie de marché, mais parfois l’exception confirme la règle. Par contre, le Tibet est interdit de visite. Alors, une visite au « Parc des minorités ethniques » est une bien faible consolation. Un peu de sexe guatémaltèque, un voyage un peu chaotique avec une escale chez nos voisins suisses, nous prouvent que la ligne droite n'est pas toujours le chemin le plus court d'un point à un autre ! Jérusalem, l’éternelle éternellement divisée ? , L'ultra religiosité et ses mystères que la raison ignore ! Surprenant raccourci en Jordanie, un McDonald et des femmes en burqua qui font du pédalo !
Madagascar et sa misère qui semble endémique, interlude à Paris et clap de fin au Mozambique.
A noter et c'est bien évidemment « politiquement incorrect » une liste des pays ridiculement petits ! Tous européens, cherchez un peu, mais il n'y a rien à gagner pour les bonnes réponses! Surtout pas un compte bancaire dans un paradis fiscal ! L'auteur nous fait part des réactions possibles et probables d'un Occidental face à, la misère des gens des pays qu'il visite. Toutes les étapes possible entre l'indifférence et le que voulez-vous que j'y fasse !
Des personnages, bien évidemment, il y en a beaucoup ! Alors voyons les "Personnages", ceux qui retiennent l'attention : Eleanor 1 m 90 dont l'auteur dit « L'expression, physique ingrat , semblait avoir été inventée pour elle »! Anglaise et moche, la double peine en quelle sorte.. Même bien habillée, les hommes la fuient... même les anglais font les difficiles !!!! John le professeur de danse péri-oxygéné à Cali, personnage respecté car respectable, Ralf, intermittent du voyage qui rentre au pays travailler pour mieux repartir. Little Boudha, réincarnation ou piège à gogos ? Un business-man qui a un coup de blues, trop de repas d'affaires et de chambres d'hôtel de luxe...c'est dur la vie ! Sharon (pas de rêve !), une autre version plus moche et plus grosse mais qui le vit bien ! Un spécialiste des mollusques que l'on passerait volontiers au court bouillon, scientifique prétentieux et tête à claque. Des marins ivres bien sûr mais héros malgré eux, cela s'arrose.
Le voyageur est-il comme le vagabond américain de Jack Kerouac en voix de disparition, ou alors est-ce la terre qui s'uniformise et quitter chez soi n'aura plus aucun intérêt ?
Les futurs lecteurs auront compris, ce livre est absolument le contraire d'un guide touristique. Ce qui est décrit ici, sont les gens qui habitent une ville et un pays, avec ses excès trop grande richesse d'un côté et misère sordide de l'autre ! La vie malgré tout, ses rires et ses larmes, ses moments de bonheur et de doute. Un beau paysage empreint d'une grande douceur, mais un cadavre au bord de la route qui n'a visiblement pas eu une mort paisible.
J'aime bien le concept suivant :
- Il faut se souler, puis se perdre quand on débarque dans une ville la première fois.
Je savais que les voyages déformaient les valises mais j'apprends que cela fatigue le foie !
Ainsi va le monde....Car la morale de tout cela est contenue dans cette simple phrase :
- Le touriste finit toujours par renter chez lui.
Extraits :
- D'un point de vue occidental, ça ressemble donc à un mélange de clodos, de rastas et de supporters hollandais. C'est un peu plus compliqué que ça.
- Tous ces crèves-la-faim qui viennent donner leur argent sous prétexte que quelqu'un ne mange pas, ça laisse songeur.
- Mon groupe de touristes repart satisfait. Ils sont venus voir des pauvres en vrai. Ils en ont vu.
- Le premier endroit où je mets les pieds en Chine est un Starbucks coffee. C'est assez peu exotique....
- Dans sa roulotte nous buvons de la tisane, Neil Young en fond sonore. Ari est en quête de calme .
- La paranoïa anglo-saxonne appliquée par une bureaucratie africaine : un résultat à faire chialer Kafka.
- À mon arrivée, ils sont déjà bien allumés, comme peuvent l'être une dizaine de Bretons qui n'ont pas mis le pied à terre depuis deux semaines et qui viennent de vivre des émotions fortes. Ils ont sauvé deux personnes. Ils ont aussi ramené un cadavre.
- Tu veux du feu ? Apprends à en faire.
Éditions : Au Diable Vauvert (2011)