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Littérature d'Irlande,de Bretagne et aussi d'ailleurs
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20 mars 2011

Le CHEVÈRE Jean-Claude / Le voyage de Mélanie.

Le_voyage_de
Le voyage de Mélanie.
Jean-Claude LE CHEVÈRE.

Note : 5 / 5.
Le parfum de l'argent. *
Il y a peu de temps par le plus grand des hasards, j'ai emprunté à la médiathèque « La cour des petits » de cet auteur que je ne connaissais pas. Ayant beaucoup aimé le titre que je viens de nommer, je récidive avec celui-ci. Aussi bon, mais dans un genre complètement différent.
Nous suivons les aventures de Mélanie qui vit à Bourg-la-Colline, qui aurait tout pour  être une charmante bourgade, si elle n'avait comme industrie une usine à mochons, et surtout l'odeur qui va avec ! En effet l'air est pestilentiel, les gens sont obligés de porter un masque. Le père de Mélanie restaurateur a dû fermer boutique, faute de clients, l'école n'est plus assurée, car aucun instituteur ne veut s'installer dans le bourg. Les habitations ne valent plus rien sur le marché de l'immobilier, même les chasseurs se plaignent, car il n'y a plus un  seul animal comestible dans la campagne ! Il y a une autre industrie qui prospère malgré tout, c'est celle qui fabrique les masques ! Directement du producteur au consommateur, deux qualités de fabrication, pour la direction ou pour les ouvriers, là aussi il y a de la ségrégation, ce n'est pas la peine de se voiler la face. Mélanie, du haut de ses quatorze ans et pas dupe de voir sa mère batifoler avec le directeur de l'usine, décide d'aller voir si l'air est plus pur ailleurs et découvrir enfin le sens de ce mot magique « iode ». Car penchons-nous un peu sur l'existence de cette enfant, vivant en pension, car il n'y a plus d'école dans un rayon de vingt kilomètres, à cause de l'odeur. Elle est comme tous les enfants du bourg reléguée au fond de la classe (avec un périmètre de sécurité de quelques rangs de chaises) chahutée par les autres élèves, accusée de se parfumer au Purina ! Bref on comprend très bien qu'elle ne puisse plus sentir la vie qu'elle est obligée de mener.
Mais le voyage sera dur, le pays est devenu un no-man-land dévasté. La rivière qui jadis fournissait une eau d'une pureté exceptionnelle commercialisée sous le nom poétique de Kristal, est devenue un cloaque immonde où seul un poisson mutant nommé par les quelques rares habitants restant «  mange merde » survit encore ! Elle trouvera également sur sa route quelques cadavres, puis elle sera hébergée chez une dénommée Marie, dont le jardin sert de cimetière. Et qui semble connaître son père ! Elle lui donne l'adresse d'une boulangerie dans un village avoisinant, lui conseillant de s'y rendre. Là, elle entendra parler d'une mystérieuse « Chaîne » dont fait partie son père, Marie et le vieil homme qui tient la boulangerie ! Elle poursuit ensuite sa route vers la ville de Saint Martin, à la fois curieuse et anxieuse de ce qu'elle va trouver....Et dans ce monde, la contestation est présente contre les faiseurs d'argent et d'odeur, le clergé ici a choisi son camp, celui des riches...Mais la route qui conduit à la mer est encore longue et semée d'embûches, mais elle trouvera un compagnon de voyage. Jusqu'au jour où un matin, dans une chapelle, elle verra un spectacle insensé, une vieille femme sans masque.
Un roman où les personnages principaux sont des gens qui semblent bien ordinaires, mais pas seulement. Mélanie, un peu par dépit et déçue par l'attitude sa sa mère, décide que quitter sa famille ; son père, sous ses aspects dociles, est en réalité un rebelle, sa mère court après sa jeunesse perdue. Marie sera la première personne rencontrée par la jeune fille sur la route de la découverte du monde extérieur qui lui semble meilleur ! Et malgré tout celle-ci semble avoir un secret ! Le vieil homme tenant la boulangerie que Mélanie surnomme « Cousteau », chez qui elle découvrira un livre quasiment interdit « Le parfum »  de Suskind ! Deux autres personnages âgés également, lui offriront le gite et le couvert à Saint Martin. Puis elle rencontrera un barman, puis un retraité de la RATP appelé « Le philosophe » qui lui enseignera la vie et lui apprendra qu'il faut garder espoir, malgré tout !
Sous un aspect parfois comique, ce livre pose en réalité un des grands problèmes de la Bretagne actuelle, et d'autres lieux également . L'élevage intensif, et ses pollutions odorantes ou autres ! Car, ne nous trompons pas, si ce livre est une fable écologique, c'est aussi un terrible constat social, l'argent soit, mais à quel prix ! Celui de la planète, de notre bonne vieille terre ! Le slogan qui était placardé un peu partout en Bretagne il y a quelques années « Vivre au pays » va-t-il être remplacé bientôt par « Crever au pays »? L'argent n'a pas d'odeur, paraît-il ! Vœu pieux ou publicité mensongère ? Le monde court à sa perte, et ce livre nous donne une vision cauchemardesque de l'avenir. Quelle cochonnerie ce mochon ! Car il faut se souvenir que ce mochon est d'ailleurs passé à la postérité dans certains proverbes, phrases populaires ou dictons, comme celles que je vais énumérer maintenant : Mochon qui s'en dédit ! Avoir un caractère de mochon, (désolé de parler encore de moi), ben mon mochon ! Dans le mochon, tout est bon ! Expression que je soupçonne fort d'avoir été créée par un syndicat d'éleveurs !Un temps de mochon (ce qui n'est jamais le cas en Bretagne !) Et une dernière pour la route : puer comme un mochon ! Une chanson un peu grivoise dit même que tous les hommes sont des mochons! Mais attention un mochon peut en cacher un autre beaucoup plus vorace! Ne dit-on pas aussi « Copains comme mochons! ».
Décidément cet auteur gagne a être connu et lu !
Extraits :
- N'empêche que les masques des patrons sont plus efficaces que les autres où ça pue autant dedans que dehors. Ils en ont même un peu parfumé.
- Ancien, parce qu'il n'y a plus ni vrai poisson, ni lapin, ni oiseau sur la commune. À part les corbeaux et les mouettes.
- Tous ont fermé. Toujours à cause de l'odeur. Il y a eu des manifestations. Le gouvernement a proposé des primes aux volontaires. Ça a fait rigoler tout le monde.
- Parisien, ici, c'est le fin du fond, le mot contient tout ce que l'on peut reprocher à quelqu'un, le mépris par tonne. Les Parisiens ont tout vu, tout fait, tout lu, tout entendu.
- Maintenant tout le monde fait des études, même ceux qui ne savent pas lire, et personne ne doit plus coucher dehors. C'est ça le progrès.
- Elle a simplement ajouté, beaucoup plus tard, alors que je m'étais installé devant la bibliothèque : « ici, c'est la mémoire du pays. »
- La campagne empuantie masque l' image d'une toile d'araignée souterraine ; les résistants, les anti-pollueurs, les partisans du parfum.
- Des centaines de bougies brillent dans le chœur et dans toutes les niches de la muraille. Je me suis avancé pour lire les ex-voto. Tout ici est dédié à Saint-Roch.
- Lui aussi est entré dans le monde de la violence. Ils ne pensent tous qu'à s'entre-tuer, comme s'il y avait besoin de mort pour que le pays revive.
Éditions : La folle avoine (200o).
Autre chronique de cet auteur :
La cour des petits, ici.
Titre d'un roman de John Broderick, ici.

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