BIALOT Joseph / Le salon du prêt-à-saigner.

Le
salon du prêt-à-saigner.
Joseph
BIALOT.
Note : 4 / 5.
De
fils en aiguilles.....
Un
roman que j'ai beaucoup aimé il y a très longtemps, et que j'ai
gardé avec trois ou quatre autres de cette collection. Mais chose
étrange, je ne pense pas avoir lu autre chose de cet auteur.
Pourquoi, mystère?
Sentier
sanglant pourrait être le sous-titre de ce roman. Un monde un peu
clos qui a ses propres règles où les nouveaux venus ne sont pas
toujours les bienvenus. Ici on coupe, on coud, costumes et chemises,
mais dans ce livre c'est la guerre des boutons, version moderne et
sanguinolente.
Une patrouille, un soir pluvieux, trouve le cadavre
de ce qui semble être une prostituée massacrée avec un objet
contondant, puis égorgée au rasoir. Puis le corps d'un homme est
découvert peu de temps après, deux cent mètres plus loin, le mode
opératoire est le même...La gorge transformée en boutonnière...
La
presse s’empare de l'affaire et la police de l'enquête. Un
chauffeur trouve lui aussi un cadavre dans son camion...Puis un
ancien champion cycliste est pris pour cible..Des commerçants se
désolent, ils attendent une livraison de vêtements, déjà dix
jours de retard, le façonnier, la façonnière dans ce cas précis
est aux abonnés absents....
Toutes ces morts semblent avoir un
lien, mais lequel? Les indics de la police ne savent rien, mais
pourtant en coulisse une guerre est déclarée....mettre la main-mise
sur les ateliers de confections qui alimentent les différents
magasins du quartier, et la lutte est féroce...et tous les coups
sont permis, rackets, morts violentes, incendies, deux rivaux
s'affrontent, la férocité n'a pas de limites....Ce n'est pas la
guerre en dentelles, loin s'en faut...
La
police qui n'est pas spécialement appréciée patauge, le quartier
est en ébullition. Il faut dire que peu d'affaires sont très
nettes, certains ateliers ne sont pas aux normes, les ouvriers sont
souvent des clandestins sans-papiers corvéables à merci...Tout
cela génère de l'argent, beaucoup d'argent, alors cela attise la
convoitise de certains......Et pour cela il vaut mieux des hommes de
mains que des petites mains....
Le
commissaire Faidherbe et l'O.P. Chaligny aidé de Brancion sont
chargés de l'enquête. Ils sont, pourrait-on dire, sur le sentier de
la guerre, en route peut-être vers celui de la gloire. Un
étudiant yougoslave qui a mystérieusement disparu, une provinciale
dénommée Michèle Boulat qui dirige un atelier vide. Mais son
appartement parle pour elle, enfin certaines photos montrent qu'en
peu de temps elle a découvert son sexe, et la manière de s'en
servir. Elle en use et en abuse, jusqu'à ce que mort s'ensuive ?
Yamina, petite-fille des bidonvilles de la périphérie parisienne,
veut se venger du « Chevalier noir » son héros mythique
qui l'a trahi, pour cela elle demande l'aide de Pedro, dit « El
Toro » autre gamin de son âge. Vania, elle, cherche son ami
Kosta dont elle n'a plus de nouvelles, mais seulement un sombre
pressentiment!
Je
n'avais pas souvenir de l'humour de l'auteur dans le nom des deux
officiers de police ! Les parisiens se seront rendus compte que
l'addition des deux noms correspond à une célèbre station de
métro. Enfin célèbre je ne sais pas, mais je me rappelle de cet
arrêt! Continuons dans le nom des personnages, les commerçants se
prénomment Sigmund et Carl Gustave, et une société s'intitule
toute modestie Marx & Hengels.
En
plus de l'intrigue policière qui est très bien menée, l'auteur
nous fait découvrir l'histoire et la spécificité de ce quartier
parisien, avec là comme ailleurs un changement au fil des années de
1920, avec l'arrivée des premiers soldeurs venus de Salonique et de
Smyrne à l'époque actuelle, où le Sentier est devenu l'un des plus
gros marchés de vêtements d'Europe. Une évocation nostalgique
d'une époque révolue.
Une
remarque d'actualité, si quelqu'un du Sentier se sent visé par ma
chronique, je signale tout de suite je ne suis pas solvable. Il n'est
donc pas nécessaire de me réclamer de l'argent et de me faire un
procès.
Un
peu de fantaisie dans ce monde de brutes avec exemple cette phrase :
-
Pierre Dac disait que «L'os est à l'homme ce que la ceinture de
flanelle est aux pigeons voyageurs ».
Extraits
:
-
Elle était jeune, belle, et morte.
-
Le rôle du soldeur dans le Sentier est très proche du rôle du
vautour. Avec, toutefois une différence : le vautour a parfois un
regard humain tandis que le soldeur , lui, n'a qu'un regard de
soldeur.
-
Un vêtement capable de résister à tous les efforts du stade, du
stade oral au stade du phantasme. Phantasme avec un Ph et non
fantasme avec F.
-
Un petit tour rue Blondel, dix minutes avec Vénus, entre deux
collections, permet de mieux supporter le corset de l'apparente
austérité des mœurs provinciales.
-
À l'entendre, ce ne fut qu'une faillite accidentelle ; bien sûr, il
goûtait fort les week-ends dans les casinos, bien sûr, il adorait
les chevaux, évidemment qu'il aimait les femmes ; il était normal,
non ? Aussi normal que sa faillite.
-
Tout au récit de Pedro, elle superposa dans son esprit d'enfant
l'homme qui descendait de la voiture et l'image du héros
chevaleresque baptisé Chevalier noir. Le réel bascula et devient
fiction.
-
Il le condamna à mourir de faim.
Il
y eut quatre jours.
Il
y eut quatre nuits.
Ne
s'en rend pas compte. Il n'avait plus la notion du temps.
-
Bien sûr, il existe des histoires d'amour dans le Sentier, mais....
-
Elle découvrit les HLM de Montreuil, les pavillons de Vanves, les
taudis de la Goutte-d'Or.
-
Une des choses étonnantes, parmi d'autres, dans ce quartier, reste
l'énorme sens de l'humain et donc de l'humour dont font preuve ses
habitants.
-
N'oubliez pas qu'il ne s'agit que de Radio-chiffons et qu'il faut
prendre avec beaucoup de précautions les bruits qui courent.
Éditions
: Gallimard (1978)
Grand Prix de la littérature policière 1979.