GAC Danielle / Derrière les rideaux jaunes.
Derrière
les rideaux jaunes.
Danielle
GAC.
Note
: 4 / 5.
Autant
en emporte.......la vie !
Romancière
de Mellac dans le Finistère , donc pas loin de Lorient, qu'il me
semble avoir croisé plusieurs fois, mais que je n'ai pas encore lu.
Ce livre est son troisième, mais aussi son premier roman, je pense.
Un
jour d'avril, sous une chaleur suffocante inhabituelle pour
Plouhéran, Pauline H. apprend le décès de sa fille Annabelle qui,
sans crier gare, était partie il y a onze ans. C'est la première
fois qu'elle a des nouvelles et c'est aussi la dernière! Que
s'est-il passé dans la vie de sa fille durant tout ce temps? Et de
quoi Annabelle est-elle morte? Mort naturelle ou suicide ?
Et
lorsque Clément, qui vivait avec sa fille, lui donne un morceau de
papier avec les dernières volontés de sa fille, Pauline ne comprend
pas réellement ! Annabelle veut être incinérée, et que ses
cendres soient dispersées en mer et pour les participants une ultime
recommandation :
« Manger
tous ensemble sur la grève de Penfoulic ».
Mais
la grève en question n'est pas si facile d'accès, et la mer a beau
être d'huile, les incidents arrivent relativement vite...aucun ne
sera dramatique, mais semblent bien incongrus dans ce pique nique
maritime, préparé par un traiteur et où le vin coule à flot....
La
vie ensuite pour Pauline reprend son cours, le travail, les amies,
mais pas la routine, car petit à petit au détour d'une confidence,
elle va découvrir une Annabelle insoupçonnée, loin de ce qu'elle
imaginait. Elle va aussi apprendre qu'elle est revenue à Plouhéran
à l'occasion d'un festival, non pas comme participante, mais plutôt
comme marginale, et Pauline s’interroge sur elle même, sur
l'éducation qu'elle a donné à sa fille, sur le fait qu'il n'y
avait pas d'homme dans son entourage proche, pas de père, de
frère....
D'interrogations
et de sentiments de culpabilité, Pauline pense que pour comprendre,
il lui faut vivre la même expérience : le départ, l'abandon d'un
mode de vie du confort d'un chez-soi, de ses amies, de son travail
pour un lieu inconnu....
Alors,
un jour, un train, une destination, une ville « Virnoble ».
Tout le monde ne descend pas du train, mais Pauline oui.....
Pauline
H., la mère, est un personnage très attachant, elle avait toujours
un peu espoir qu'Annabelle revienne, elle vit dans sa tête la scène,
elle est Annabelle, elle marche, elle approche, elle va entrer,
revenir chez elle, mais un doute....D'un
seul coup, cet espoir est brisé, et elle doit se plier aux rituels
imposés par sa fille, et tenter, par bribes, de savoir comment se
sont passées les onze dernières années de la vie d'Annabelle.
Annabelle,
la fille fugitive, ne fait que passer, enfin ses cendres, en réalité.
Car son souvenir et, surtout son absence, pèse d'un poids énorme
sur la conscience de Pauline.
J'aime
beaucoup les personnages secondaires de ce livre et les descriptions
que l'auteur en donnent. Les amis d' Annabelle, Clément, (Clem) le
compagnon, style brodequins et bières en packs de douze ou Tania,
beauté reniée sous des tenues informes et des piercings provocants.
Les trois marins (les trois glandeurs) n'ont rien de spécial en soi,
mais point de vue commères non apprivoisées, ils se posent là ! On
dit pourtant que les gens de mer sont des taiseux.... Madame Lagadec,
vieille fille et ancienne institutrice bavarde comme une pie,
Marguerite, la soeur de Pauline, bourgeoise pipelette ne reculant
devant aucun sacrifice et ayant prénommé ses fils Jean-Eudes (le
bêcheur) et Jacques-Edouard (le bouffon), Siméon marin
accordéoniste qui ne loupe jamais une occasion de jouer une petite
chanson! J'en passe et des meilleurs..... Sans oublier Mérule, le
caniche de Madame Lagadec, qui, malgré son amour pour les pieds de
chaises, n'a pas le pied marin...
Beaucoup de mélancolie,
de chagrin et de retenue, mais un certain sens de l'humour et de la
dérision dans le choix des personnages, ou dans la narration de
certaines scènes qui pourtant ne devraient pas spécialement prêter
à sourire. Par exemple lorsque tout le monde attend le bateau qui
doit amener les personnes en mer pour la dispersion des cendres et le
pique nique qui suit, reprenant une coutume encore vivace en Bretagne
d'un repas en commun après les obsèques.
Durant
la lecture de ce roman, l'auteur était invitée à la médiathèque
de Lorient pour parler de ce livre qui est en partie
autobiographique. Avec la question lancinante que pose pour elle la
dispersion des cendres en mer, l'absence de lieu de recueillement et
la disparition définitive de traces visibles laissées par sa fille
décédée.
Ce
livre est une plaque mortuaire, un hommage et l'expression du chagrin
d'une mère.
Extraits
:
-
C'est pour vivre avec cet homme qu'elle avait disparu sans laisser
d'adresse ? Pour ce rustaud aviné ?
-
Non, ça ne me plaisait pas. Rien ne me plaisait. Ni l'idée de
répandre ses cendres dans la mer, ni le repas d'adieu sur la grève
de Penfoulic.
-
Et j'ai su que j'avais perdu ma fille. Il ne me suffirait pas de
regarder les Pierres Blanches à l'horizon pour la voir. Dispersée
par les flots, elle ne serait, elle n'était déjà plus là.
-
Comment ce marin barbu dans sa grossière vareuse défraîchie
osait-il lui parler ainsi ?
-
Pour une née native d'ici, Marguerite nous fatiguait, à la fin, à
faire sa parisienne.
-
Mais, qui manipulait la réalité ? Annabelle pour se faire mousser
auprès de Tania ou Tania par fidélité à Annabelle ?
-
Un été particulièrement breton nous est tombé dessus.
-
….et rire avec toute la mauvaise foi dont je suis capable de ses
marins d'eau douce qui ventousent les pontons.
-
Excuse-moi, Hugues, mais, vu de chez nous, vos façons de vivre nous
font plutôt rigoler.....
-
Le paysage qui défilait de l'autre côté des vitres me disait que
nous étions quelque part en France, mais plus en Bretagne.
Éditions
: Danielle GAC / Mellac (2010).
Le
site de Danielle Gac, ici.