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Littérature d'Irlande,de Bretagne et aussi d'ailleurs
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27 octobre 2010

JACQ Angèle / Les braises de la liberté.

Les_braises
Les braises de la liberté.
Angèle JACQ.

Note : 5 / 5.
Le Pays et l'autre Pays *
J'ai beaucoup apprécié qu'Angèle Jacq soit nommée « Présidente » du salon du livre de Bretagne à Carhaix. Je pense que cette nomination est très méritée à plusieurs titres, pour son travail d'écriture bien évidement, pour son engagement dans la défense de la langue bretonne, et à titre personnel, pour sa gentillesse, à chacune de nos rencontres. Ce roman, dont sera tiré prochainement un film, est la réédition d'un livre paru en 1995 et le début d'une série en plusieurs volumes, dont le second vient d'être publié. Ce récit est basé sur des faits historiques, l'auteur se référant souvent à l'ouvrage de Pierre Hamon : « Pêr Briand, député. Histoire d'une famille paysanne de Cornouaille », édité par la Société Archéologique du Finistère en 1963.
Nous sommes à Brieg, (Finistère, ou  Penn ar Bed, La tête du monde en  breton, ce qui ne manque pas d'humour!) dans les années 1780, celles qui verront la révolution couver à petit feu, attisée par des conditions climatiques déplorables qui, après quelques temps de disette au fil des ans, mettent la population rurale au bord de la révolte. Et vient le temps de la famine.
Pêr se marie avec Katell Jacq, jeune veuve déjà marquée par le destin. En plus de son mari, elle a en effet perdu deux enfants, il lui reste la petite Mari (sans e). Il entre également en politique choisissant son camp, celui des paysans et des travailleurs ; il milite pour la convocation des états généraux, contre  le régime féodal  au grand dam de la noblesse et de la bourgeoisie provinciales. Et en cela il ne se fait pas que des amis.... De l'autre côté de l'Atlantique, les futurs Américains ont fait plier l'ennemi héréditaire, l'Anglais, des marins bretons en sont revenus et ils racontent.
Et la révolution éclate à Paris, avec de multiples répercussions partout en France et bien sûr en Bretagne, qui du fait de son statut particulier va déclencher des réactions très vives dans la population, par exemple le sujet épineux de la religion. Et également la perte des franchises, et le sentiment que dorénavant les autres décideront pour eux.
Le pouvoir va changer de mains ; de l'aristocratie, il passera dans celles de la bourgeoisie, et le monde paysan tentera de prendre la parole. Ainsi naîtra le destin de Pêr Briand......
Il sera élu député, ira à Paris, capitale de l'Autre Pays, tenter de défendre les acquis bretons, ainsi que le monde paysan, laissant Katell assurer la bonne marche de la ferme. Mais avec une certaine candeur héritée des lois celtes, en particulier la parole donnée, le monde de la politique et la bourgeoisie parisienne n'avaient déjà pas ces états d'âmes. Et l'on peut malheureusement constater que cela ne s'est pas amélioré pour ne pas dire que cela a même fortement empiré (humour involontaire!).
Ce livre ce termine par un terrible constat d'échec :
-La révolution était finie, bien finie.
Pêr Briand, paysan, mais instruit, ce qui pour l'époque est extrêmement rare. En plus c'est un homme de conviction, combatif, mais plein de sagesse. Il représente une forme rare d’honnêteté culturelle et intellectuelle. Il accepte malgré les suppliques de son épouse la députation avec tout ce que cela comporte de sacrifices sans penser à une carrière dans la politique, ni à un quelconque enrichissement personnel. Autre temps, autres mœurs! Mais en se faisant, il se coupe de ses amis et voisins et se retrouve dans une position peu enviable, de renégat pour les deux camps qui vont s’affronter. Il adhèrera aux idées des  Fédéralistes, déçu par la répression Républicaine et les excès de la Chouannerie.
Katell Jacq son épouse, le soutiendra toute sa vie ; il ne fut guère tendre avec elle. Mais quelle vie avaient les femmes de l'époque, et Katell était pourtant une privilégiée avec un époux aimant, mais pour les autres.....Ils représentent ainsi que leurs voisins et amis une société de gens simples, solidaires allant à l’essentiel, loin des fastes et des frasques des nantis et des notables ou d'une noblesse ruinée, mais dépensière. Mais la révolution va changer ce monde et la mentalité des gens. L'avidité de beaucoup apparaîtra au grand jour.
Fidèle à son habitude, Angèle Jacq nomme les gens et les lieux en breton, Kemper (Quimper) Plonevez ar Fao, (Plonevez du Faou), Naoned (Nantes), Roazhon (Rennes)  ou pour les noms propres Fañch ar Bars par exemple. Souvent également les noms de famille sont suivis de la ferme où ils résident, Fañch de Kêrgouelou ou Youenn de Kaod Koenn.
Au cours d'une conversation avec l'auteur, elle m'expliquait la difficulté de la double correction qu'apportait le bilinguisme, français et breton, dans  la plupart de ses romans.
Ce livre, en plus de son épopée romanesque (qui n'est pas si romanesque que cela d'ailleurs), décrit les contradictions de l'époque surtout dans le cadre du particularisme de la Bretagne vis à vis de la France. Car si dans l'ensemble la révolution a beaucoup apporté au point de vue des libertés, paradoxalement la Bretagne, elle, a énormément perdu** avec par exemple la suppression du Parlement de Bretagne. Institution qui garantissait une certaine pérennité, les lois devaient obligatoirement avoir l'aval de ce parlement pour être appliquées en Bretagne. Et l'idée d'être gouverné par la capitale de l'Autre Pays n'a pas été acceptée de gaité de cœur. La Révolution française avec un autre regard, loin de Paris et de la version scolaire.
Merci, Angèle pour ce regard sur cette page de l'histoire de Bretagne.
Extraits :
- L'exigence de la Constituante choquait ces paysans qui, en matière de droit, s'en tenait aux droits celtes de la parole donnée. Cette loi était sacrée, point n'était besoin de jurer.
- C'est la loi, c'est le roi de l'Autre Pays. Ce n'est pas la loi de ce Pays. Que dit le parlement de Bretagne ?
- Au-delà des mots, ils parlaient la même langue, celle de la misère humaine à faire reculer.
- Il leva la main et prêta serment d'abord en breton, puis en français.
- Une lettre de Paris, de l'Autre Pays, songez donc !
- Et suprême injure :  « penn gallek ! »-« Tête française ! »
- Si nous avons un pays à défendre c'est celui-ci, pas l'autre.
- Quand donc s'arrêterait la folie venue de l'Autre Pays ?
- Ce Pays s'est toujours administré lui-même. C'est ça qui ne passe pas.
- Et la loi, c'était « l'Autre Pays ».
Éditions : Coop-Breizh (2010).
*L'auteur dans son avant propos, nous explique ce titre de cœur.
Autres chroniques sur ce blog :
Le voyage de Jabel.
Ma langue au chat.

**On peut à ce sujet lire l'excellent ouvrage de Mona Ozouf : Composition française.
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Commentaires
P
Merci Angèle, ce livre je l'ai beaucoup aimé, et je suis heureuse de vous avoir rencontrée ce samedi à Lorient.<br /> <br /> Sincèrement<br /> <br /> Raymonde
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E
Bonjour De Piegeleer.<br /> <br /> Ce livre est excellent et en cours d'adaptation pour la télévision...<br /> <br /> A bientôt.<br /> <br /> Yvon.
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D
Super et quand on connait le coin on vie encore plus l histoir MERCI pour ce super livre
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Littérature d'Irlande,de Bretagne et aussi d'ailleurs
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