TATIBOUËT Yann / Mémoires du dernier barde breton.
Mémoires du dernier barde breton.
Yann
TATIBOUËT.
Note
: 3,5 / 5.
Marions
les !
Je
ne connais cet auteur ni d'Adam ni d'Eve mais bon ; un livre sur la
Bretagne ne pouvait que m'intéresser. La couverture un peu tapageuse
est malgré tout très agréable avec un Josig petit bonhomme
espiègle. Pour ceux qui ne le savaient pas, l'expression « ne
voir que dalle », vient du breton « dall »
qui veut dire aveugle.
Nous
sommes en 1905, entre Pluneret, St Goustan et Auray , Alan an Dall
va voir sa filleulle Églantine,
celle-ci lui annonce son intention de se marier, ce qui en soi n'est
pas un problème, le souci, c'est le nom du futur époux, Jakez
Pointer! Déjà il est de condition sociale supérieure. De plus son
père et le père d'Églantine,
après avoir été très amis, se vouent une haine farouche! Alan se
retrouve dans la situation très délicate d'« entremetteur» ! Mais
il est malin et a une imagination débordante, le bougre. Il loue les
services de Josig, jeune orphelin, pour l'accompagner dans sa
mission. Entre le vieux barde bougon et autoritaire et l'enfant à la
langue bien pendue et pas décidé à se laisser faire, l'amitié va
grandissante. Mais
revenons à nos tourtereaux, objets de toutes les convoitises et
bientôt de toutes les rancœurs. En effet les pères réconciliés,
c'est un voisin riche propriétaire terrien qui aurait bien épousé
Églantine et très accessoirement
ses terres! Alors, suite à une dénonciation anonyme, Alan est
recherché par la maréchaussée et devient bien malgré lui un
fugitif.....
Il
trouvera refuge chez Suzette qui ne fait pas des crêpes, mais qui
s'y connait en dentelles, elle est en effet tenancière d'une maison
close florissante à Vannes......Il
s'ensuit une série d'aventures rocambolesques fort bien menées....
Alan
an Dall n'est pas aveugle de naissance, mais de guerre, victime des
armées prussiennes en 1871. Il mène une vie pour le moins
chaotique, un peu rebelle, pamphlétaire, et malin. Sous un aspect
bourru, c'est un homme de conviction et d'amitiés.Matelin,
l'ami de guerre, marin et Églantine,
sa fille , filleule d'Alan, sont sa seule famille. Suzette,
la tenancière de la maison close, secrètement amoureuse d'Alan ;
elle lui offrira le gîte et le couvert, mais celui-ci (du moins on
le suppose) refusera le « Et plus si affinités... » Josig,
jeune mendiant, qui deviendra les yeux d'Alan, son complice et espère
t-il son successeur. Petit « Titi » à la mode de
Bretagne, un personnage attachant. Il
faut des « méchants » : Yvon Le Borgne et son
complice Pôlig furent ces deux là, mais la justice les châtiera !
Le
langage est savoureux surtout entre Alan qui est aveugle, ne
l'oublions pas, et Églantine, sa filleule âgée de vingt ans, on
parle de baisers d'Espagne, d'intestins qui chantent la Marseillaise
et autres phrases du même tonneau (d'alcool de pomme, bien
évidement).
Dans
sa préface, l'auteur nous dit que la guerre de 1918 marque la fin de
la civilisation ou du moins d'une manière de vivre en Bretagne.
Dans
ce récit, il nous parle de deux événements marquants de l'histoire
de Bretagne, le camp de Conlie (surnommé Kerfank, la ville de boue
par les Bretons), puis la bataille du Mans, perdue par les troupes
françaises en 1871, dont le général Chanzy rejettera la faute sur
les bataillons bretons. Le second événement est l'inventaire pour
la séparation des biens de l'église et de l'état à Saint Anne
d'Auray qui semble-t'il donna lieu à une explication musclée entre
la foule et la gendarmerie.
Une
lecture agréable qui permet de passer un bon moment en compagnie
d'un personnage qui était une des figures principales des sociétés
celtiques, comme le souligne l'auteur dans une note en avant-propos:
-
Bienvenue dans un monde où la parole est honnête et l'écrit
suspect, où la religion catholique est omniprésente, et où les
échanges avec l'au-delà semblent naturels. Un monde dans lequel
règne le barde.
Extraits
:
-
Ivrognerie et la gloutonnerie étaient certes des cordes à son arc,
mais pouvait-on convenablement parler de talents ?
-
Ma vieille mère, Dieu lui pardonne, disait que le mariage était
trois jours de noces à sucer la moelle et des années à ronger les
os.
-
Dois-je rappeler que ton père et celui de ton soupirant ne se sont
plus adressés la parole depuis le jour de ta naissance ?
-Ma
filleule, tu es aussi curieuse qu'un seuil de porte.
-
Un beau parleur se devait d'avoir des oreilles partout en Bretagne.
-
Églantine un joli minois, mais belle tournure ne vaut pas gros tas
de fumier.
-
Mont pet ne fait jamais demi-tour.... murmura le marin.
-
Un miracle laïc, le bon Dieu n'ayant probablement pas eu son mot à
dire dans cette affaire : l'État déversait sa corne d'abondance
directement dans les poches de la tenancière.
-
Souillées dans la boue les hermines brodées sur les képis qui
tombaient du front des morts.... et Français et Teutons ont fait la
paix sur le dos des Bretons.
-
Puis viendrait le repas....Àh, le rôti ! Àh, le far!
-
Car après tout, la pomme ridée n'a pas perdu son goût.
Éditions
: Keltia Graphic (2009). Leur site,
ici.