JAOUEN Hervé / Les Endetteurs.
Les endetteurs.
Hervé JAOUEN.
A bien taux, chers clients !
Note : 4 / 5 .
Écoutant les nouvelles, je me suis rappelé que j'avais ce livre depuis relativement longtemps. L'ayant payé comptant, je n'ai pas eu d'agio pour ce livre dormant. Je n'ai pas non plus payé de découvert, car je ne l'avais pas encore ouvert (le livre)! En suis-je content, c'est la question au taux d'intérêt variable. Une petite anecdote, pendant la lecture de ce livre, je suis passé à ma banque ;dans le fil de la conversation, la personne au guichet m'a dit « je loue votre humour »! Je me suis méfié, à quel pourcentage?
Prenons deux personnes ordinaires, un homme Paul G , une femme Éliane F.(et non pas Virginie). Lui a deux enfants, elle trois. Elle est infirmière dans un hôpital, lui est professeur de dessin. Ils se rencontrent, s'apprécient et, malgré leurs déboires précédents, décident de vivre ensemble. La cohabitation entre les différentes progénitures se passent bien, enfin un rayon de soleil pour tous. Signe de bonne fortune supplémentaire, Paul devient directeur d'une école en Bretagne, Éliane demande alors sa mutation, elle n'est pas la seule postulante à un retour en Bretagne. Plutôt que d'attendre indéfiniment, elle démissionne et s'installe comme infirmière libérale. La voie dorée s'ouvre devant eux. Ils achètent une maison, qui s'avère être une très mauvaise affaire, la facture de chauffage est astronomique, celle d'isolation également. Pour se simplifier la vie, ils se marient, mais gardent chacun leur compte dans deux banques différentes, plus le compte professionnel d'Éliane. Le premier été en Bretagne est paradisiaque, les visites, les dépenses somptueuses, les loisirs des enfants, bref le bonheur! Mais le bonheur ne dure que le temps d'un été, les nuages approchent avec l'automne, le travail d'Eliane ne démarre pas vraiment, les paiements des différentes caisses tardent, mais les charges sont elles à honorer. Les enfants veulent des animaux de compagnie, on achète un chien de race......Alors commence petit à petit la spirale infernale des cartes de crédits, des cachoteries entre mari et femme, chacun sa carte et pas un mot au conjoint, la voiture d'Éliane rend l'âme, il faut se résigner à ce gros achat. Alors intervient Mister Killer, vendeur aux dents longues et aux méthodes douteuses, mais qui possède la solution miracle, la LAO! Éliane conquise signe et accepte un petit arrangement sur les dates, entre gens bien, chère madame! Résultat, le délai de rétractation est dépassé!
La situation financière du couple se dégrade, mais ils semblent toujours aussi insouciants, la tempête approche à grand pas.....
Autant l'attitude de certains banquiers et surtout de certaines banques est scandaleux, autant Paul et Éliane ont un comportement qui prête à caution, et ils ont également leur part de responsabilité dans la situation inextricable qui est maintenant la leur. Le système bancaire avec la multiplication à l'infini des cartes de crédits, de facilités de paiements, de facturations différées ont créé un système où l'argent est devenu une chose irréelle, pratiquement impalpable. La publicité dont l'auteur ne parle pas, mais qui conditionne par exemple le comportement du couple vis à vis des enfants, pour qui rien n'est trop beau, le voisin de classe a le blouson vu à la TV, etc.....La civilisation des loisirs est aussi en cause, la situation financière est grave, mais Paul achète un bateau, le couple et les cinq enfants partent faire du ski......
Ce livre se divise non pas en chapitres, mais en années, An A +1 par exemple. Une chose dans ce livre m'a surpris, et pas forcement rajeuni, la monnaie est le franc. Normal, me direz-vous, ce livre date de 1994, et l'euro n'avait pas encore pignon sur rue.
Un bon roman qui m'a appris beaucoup de choses, dont la signification du fameux mot à la mode, le crédit « Revolving ». Je trouve qu'il y a un manque de poésie dans le nom des cartes de crédit citées dans ce livre, mais cela n'est visiblement pas le but : Gold Primus, Permaprêt, Crédit Confort, Customer, etc....
Extraits :
- Là, point de délinquance, point de drogue, point de racket à la sortie des écoles.
- Acheter : l'infinitif est impératif.
- On baptisa la propriété d'un nom breton Ker Eol, la maison du soleil.
- Monsieur joue au grand argentier. Il sonne l'employé du guichet et vouvoie ses troupes. Il fera carrière.
- On a claqué du fric. On a claqué le fric de la banque, l'argent des travaux. Pas en totalité. Une bonne partie.
- d) Éliane F. parle pas breton, et nombreux sont les gens âgés plus à l'aise dans leur langue maternelle qu'en français.
- Simple tolérance. Il s'agit pas d'une autorisation .
- Non, répond Bourbao, c'est une formule hypersimplifiée, le crédit TGV.
- « Un piège à cons, vous allez voir. On va régulariser des comptes débiteurs, y a pas de doute ».
- Ils se sentiront des ailes dépensières. Le pognon leur brûlera les doigts. Ils replongeront.
- Le délai de réflexion est écoulé, la double commission acquise.
- Paul G. ne doute plus d'être indésirable. La B3C ne lui fera pas de quartier.
- Mon euphorie se dégonflait à mesure que mon livret de Caisse d'Épargne diminuait.
- « C'est le bonheur d'être à crédit ».
- Paul a presque le rang de notable.
Éditions : Stock (1994).
PS. Hervé JAOUEN sera avec de nombreux autres auteurs à Carhaix, ce week-end.