MACKEN Walter / Les vertes collines & autres histoires.
Les vertes collines & autres histoires.
Walter MACKEN.
Note : 5/5.
Jeux de dupes!
Recueil de 21 nouvelles de cet auteur de Galway que j'apprécie particulièrement. Félicitations aux éditions « Terre de Brume » de rééditer son œuvre, et d'essayer de le faire connaître en France. Il fut également directeur de théâtre et acteur. En faisant quelques recherches, je me suis rendu compte que Walter Macken avait joué dans quelques films, en particulier « The Quare Follow » d'après l'oeuvre du même nom de Brendan Behan et avec Patrick McGoohan dans le rôle principal.
L'Irlande rurale dans toute sa complexité, cruelle et mesquine sous ses airs bon enfant. La chasse est pour certains une partie de plaisir, pour d'autres une occasion de rappeler à certaines personnes qu'il ne faut pas forcément prendre les gens pour des imbéciles.Pour épouser la fille que l'on aime, parfois, il faut se laisser mener en bateau par son futur beau-père. Colm n'est pas ravi, mais il ravit le cœur de sa bien aimée. Les paroles blessantes dans « La Maggie Barney » qui déstabiliseront un homme et gâcheront deux vies. Les Irlandais ont deux passions, les courses de chevaux et le « hurling ». « La belle Dame » nous parle de compétitions équestres, un homme riche veut que son cheval gagne, le propriétaire du champion en titre est son débiteur, l'argent est-il plus fort que la morale sportive? A l'époque on pouvait se poser la question, maintenant non! Une très belle histoire, l'une des meilleures de ce recueil. Pour le hurling, lorsque le personnage principal s'appelle Filou et qu'il est question de rivalité familiale et de gros sous (enfin toutes proportions gardées), cela n'est pas forcément très fair-play! Rappelons nous la définition qu'en donne Ken Bruen : « C’est quoi encore, ce truc-là ?
Quelque chose entre le hockey et l’homicide.»
« Un Athée » est également un très bon moment du livre. D'un côté il y a Joe, dernier enfant d'une famille de 7, maladif et souffreteux, il est le souffre douleurs de la famille. De l'autre, il y a Peter, colosse un peu marginal, les deux vont se lier d'amitié, mais pour la famille de Joe, Peter est de la pire engeance dans la très catholique Irlande, il est athée....... Ce qui semble pire que d'être protestant! « Les enfants du mardi » est une belle histoire comme son nom l'indique de naissance un mardi, la première chez un « Tinker », gens du voyage irlandais, la seconde dans une famille aisée, le point commun, le médecin du village.....« Marqué » nous raconte l'amitié entre deux hommes, dans un coin perdu de la campagne irlandaise. Mais, un jour une automobile arrive et un homme en descend! Quelques histoires de braconnages, en rivière ou en mer, mais que fait la police! Un peu de contrebande de « poítín* » dans « Le Roi » la nouvelle qui clôt ce recueil. A quoi bon avoir été personnage du comté, une légende vivante pour laisser son trône vacant!
Dans les nouvelles de Macken, il y a souvent un personnage récurrent que l'on retrouve par ci, par là. Solo, curé athlétique, était celui du précédent recueil « Et Dieu fit le Dimanche », ici c'est Geaglers que nous retrouvons. Le dit Geagler n'est pas précisément un saint, toujours à la limite de la légalité, vivant d'expédients, plein de ressources et d'imagination pour se venger de soi disant plus malins que lui. Mais parfois c'est à ses dépens. Nous croisons un marin qui n'a jamais navigué, qui déteste la mer, mais la mer est la plus forte malgré tout...... Pauvre vieil homme! L'exil ou l'amour, l'homme choisit l' Amérique, mais il en reviendra plus vite que prévu! Pourquoi courir le monde, les collines ne sont pas plus vertes ailleurs! Une vieille anglaise et son chat, mais dans la campagne irlandaise, ce n'est pas gagné! Joe est de retour après six mois d'hôpital, c'est le bonheur, ses copains l'accueillent avec joie, mais plus rien ne sera comme avant, hélas.Une écriture qui paraît très simple, donc une lecture facile, mais je pense que beaucoup de travail est nécessaire pour arriver à ce résultat. Un des meilleurs recueils de nouvelles de la littérature irlandaise, et un de ceux qui décrit le mieux le monde rural avec ses défauts et ses qualités. À noter le langage employé par Meila dans la nouvelle « Étranges poissons » dont voici un exemple avec des constructions de phrase gaélique, que Walter Macken maitrisait parfaitement :
- Loin d'la route que j' 'ai trouvé, dit Meila, sur la page près de l'la mer.
Extraits :
- À croire que les korrigans lui avaient jeté un sort. Mais c'était comme ça, il fallait bien qu'il l'admette.
- Un sport aussi ancien que l'Irlande- et davantage même.
-En général, les gens regrettaient qu'ils fussent venus au monde, et auraient préféré que le monde en fut débarrassé.
- Il n'avait jamais eu l'intention de s'attacher de nouveau à quelques êtres vivants que ce soit.
- La vie doit-elle être cynique au point de vous obliger à être le témoin de tels contrastes ?
- Un regard comme celui-là ne devrait pas se trouver ailleurs que dans les yeux d'un chien malade, pensait-il.- Il n'y avait rien d'autre devant lui que sa vie, il avait enterré les années mortes dans la sueur.
- Vous ne vous souvenez pas de lui ? Un asticot court sur patte qui n'a jamais travaillé de sa vie, avec des lèvres minces comme une incision dans du lard maigre.
- On était là à esquiver, à rire, à vilipender derrière leur dos les ploucs qui parlaient irlandais.
Éditions : Terre de Brume (2007).
Titre original : The Green Hill & Other Stories (1962).
*Alcool clandestin à base de pommes de terre.
Autre chronique de cet auteur :
Et Dieu fit le dimanche.