MINA Denise / La mauvaise heure.
La mauvaise heure.
Denise MINA.
Note : 4 / 5.
L'heure du trépas.
Roman qui figure dans la sélection finale du Prix du roman policier SNCF . Je ne connais pas encore cet auteur née à Glasgow en 1966. C'est son troisième roman traduit en français.
Glasgow, 1984, un soir d'hiver Paddy Meehan, journaliste, suit les fréquences de la police, en quête du scoop qui lui permettrait de devenir reporter criminel au « Scottish Daily News ». Aujourd'hui, c'est ce qui semble être une banale affaire de violences conjugales dans un quartier chic de la ville. Paddy remarque une femme le visage en sang, mais un homme bien de sa personne, arrogant et sûr de son charme , lui glisse 50 £ dans la main. Pour la police, l'affaire est classée et Meehan garde le billet ensanglanté. Pour elle cela représente une grosse somme d'argent qui sera la bienvenue. Mais le prix du silence pèse sur sa conscience, surtout que le lendemain le cadavre de cette femme, Vhari Burnett, est découvert atrocement mutilé! Ses dents ont été arrachées une à une!
Alors commence pour Paddy, qui est la seule et la dernière à avoir vu cette femme vivante, une enquête que l'auteur nous présente en forme de puzzle. L'homme qui a donné de l'argent à Paddy a disparu, et semble inconnu des services de police. Il semblerait que les policiers ont également accepté de l'argent, et sont partis sans chercher plus loin. En plus de Paddy, nous suivrons également Kate qui semble cacher beaucoup de choses. Ce qui lui vaut d'avoir une équipe de tueurs aux trousses. Les morts s'accumulent, noyés ou tués à coups de talon aiguille dans l'oeil, c'est ce que l'on appelle voir venir sa mort!
Paddy, entre flics corrompus, tueurs à ses trousses et son travail de journaliste a une vie mouvementée, pour notre plus grand plaisir. Une histoire bien menée, car plus on avance dans le récit, plus on découvre des personnages qui ont pour une raison ou une autre un fort sentiment de culpabilité, comme Bernie, garagiste et ami d'enfance de Vhari et de Kate.
Paddy Meehan, journaliste (et catholique) est très humaine et attachante. Mais elle n'est pas spécialement gâté par la vie : un travail dur, de nuit, traquant les faits divers, côtoyant la mort très souvent. Toujours prise entre la police qui la tolère et son journal avide de sensationnel. Sa famille ne l'aide pas beaucoup, une soeur, femme battue, une autre à la limite du mysticisme, et des frères accros à la télé et aux jeux vidéo. En plus, elle a quelques soucis avec son poids, mais comme elle est un peu boulimique, cela n'arrange rien. Une passade d'un soir va encore envenimer sa situation, qui était déjà compliquée.
Kate, dont nous suivrons les déplacements et la déchéance, droguée, sa beauté, son arme principale, s'effiloche. Au cours de sa fuite, avec une forte quantité de cocaïne, elle tuera un homme. Elle se sent un peu responsable de la mort de Vhari, et pense qu'elle aurait pu être à sa place!
Vhari Burnett, la victime, quelle cause peut justifier ce massacre? La piste professionnelle, elle était avocate? La piste passionnelle, elle semblait avoir beaucoup de succès auprès des hommes? Ou autre chose? Son appartenance à Amnesty International? Ses relations avec Mark, amour de jeunesse, qui était lui aussi adhérent de cette organisation?
Mark pense être, d'une manière ou d'une autre, responsable de sa mort. Promis à un brillant avenir, sa vie et son mariage sont autant d' échecs. Lâche, un soir il trouve un certain courage!
Beaucoup de personnage secondaires, des membres de la police aux journalistes qui vivent eux aussi des moments difficiles au nom de la rentabilité. Et Paddy a une famille, non exempte de problèmes, en plus d' un ex-petit ami irresponsable. La Clyde n'est pas un long fleuve tranquille, surtout qu'elle n'a que l'appellation rivière! A ce sujet, j'ai appris que la société de bienfaisance de Glasgow a des employés qui patrouillent tous les matins pour retirer les noyés de cette rivière! Glasgow, ville d'eau!
J'ai aimé le côté social de ce livre, la politique de Margaret Thatcher commence par démanteler une grande partie de l'économie, la classe ouvrière est sacrifiée, la précarité s'installe, les restructurations commencent. Des quartiers entiers sombrent dans la misère ; la drogue et la prostitution apparaissent en pleine lumière. Un portrait saisissant du sous-prolétariat de Glasgow.
En Écosse aussi, à cette époque, le problème irlandais est présent dans les quartiers catholiques, la violence est moins visible, mais le communautarisme et la religion sont malgré tout très présents!
Un bon livre dépassant le simple cadre du roman policier classique, avec une Paddy Meehan très attachante.
Extraits :
- C'était la première fois qu'on m'achetait. Cinquante livres. De quoi régler un certain nombre de problèmes urgents.
- Thatcher a l'air d'être un agent du diable, ce n'est pas une preuve. Les choses plausibles ne sont pas forcément vraies.
- Le bleu du logo était assorti à son tailleur Chanel en laine, ses boucles d'oreilles, à sa montre.
- Une femme couverte de sang et trois témoins qui vidaient tranquillement les lieux.
- En général, quand un Écossais faisait allusion à l'origine irlandaise de son patronyme, c'était pour lui signifier qu'elle et ses semblables n'avaient qu'à retourner dans leur île.....
- Autour, les gamins avaient recouvert les pignons des maisons et des garages de graffitis sauvages en faveur des factions dissidentes de l'IRA.
- Comment sais-tu que c'est un connard ?
Parce qu'il vient de Londres.
- New the World était au Scottish Daily News ce que l'ordure est à l'or : un torchon, un tabloïd de la presse à scandale n'ayant que mépris pour l'information objective.
- Les arrestations arbitraires, les suspects torturés dans les geôles d'Irlande du Nord conféraient à tous les catholiques d'Écosse une aura de minorité opprimée.
- Tu t'es tapée un flic ! Et dans sa voiture en plus ! Faut vraiment être conne.
- ... et l'odeur qui imprégnait l'étage du bus n'arrangeait pas les choses : ça puait l'amygdale recuite dans la nicotine.
Éditions : Les éditions du Masque (2009)
Titre original : The Dead Hour (2009)