WHARTON Edith / Le fils & autres nouvelles.
Le fils et autres nouvelles.
Edith WARTON
Note : 3,5 / 5.
Au nom du fils.
Soucieux de corriger quelques lacunes littéraires, je vais donc pour la première fois lire une oeuvre de cette auteur américaine dont j'ai entendu dire beaucoup de bien. Comme je garde mes bonnes habitudes (bonnes pour moi), je commence donc par un recueil de nouvelles. Bien qu'il comporte 221 pages, il n'y a que trois histoires dans ce livre. « Le fils » s'apparente plus à un court roman qu'à une nouvelle.
« Le pélican » (1899) débute cet ouvrage. Mrs Amyot est une femme très comme il faut, veuve, elle donne des conférences sur l'art, pour élever son bébé. Celui-ci, prénommé Lancelot, grandit donc, mais sa maman continue de donner des conférences pour qu'il vive dans un minimum de confort. Devenu étudiant, sa maman continue le cercle de ses conférences pour payer ses études. Longtemps après, Lancelot est marié, il a des enfants et sa maman continue de voyager et de donner encore des conférences, le prétexte « payer les études » de ce fils qui travaille maintenant! C'est l'histoire très étrange d'une mère un peu possessive, qui ne se rend pas compte que le temps passe et que les enfants grandissent.
« Les lettres » (1910). Il est à noter que cette nouvelle se passe entièrement en France. Lizzie West est une jeune américaine peu fortunée qui donne des cours à Juliette Deering, fille du peintre américain Vincent Deering. La femme de celui-ci étant souffrante, c'est lui qui gère la bonne marche de la maison. Entre Lizzie et lui naît une certaine attirance, suivie de rencontres clandestines. Mais toute la famille part quelque temps dans le sud de la France, laissant Lizzie avec son chagrin. Seul Vincent reviendra, car son épouse est décédée entre-temps et Juliette est restée en pension chez des amis. Mais il ne restera pas très longtemps, car il doit partir aux États-Unis régler l' héritage de son épouse. Malgré les habituelles promesses, Lizzie reçoit très peu de lettres. Les années passent, elle hérite d'un oncle très fortuné, et le hasard lui fait rencontrer de nouveau Vincent. Mais les rôles ont changé!
« Le fils « (1933) , la nouvelle qui clôt ce livre, est la plus longue et à mon goût la plus intéressante de ce recueil. Sur un bateau à destination de Cherbourg, Mr Norcutt retrouve d'une manière fortuite Catherine Glenn, celle-ci vient de vivre un drame. En effet son fils Philippe, qui était aviateur, est décédé pendant la guerre, son avion ayant été abattu. Deux ans après, son mari Stephen est lui aussi décédé. Mr Norcutt se remémore la vie du couple à New-York. Ce couple avait en effet une liaison avant leur mariage, mais Stephen étant marié, ils ne purent officialiser cet amour qu'à la mort de son épouse. Malgré tous leurs efforts, ils avaient des connaissances, mais peu d'amis. Leurs réceptions en dépit de tous leurs efforts se déroulaient souvent dans une ambiance très froide. Seule la mort de leur fils les remit un peu à la mode. Quelques mois plus tard Catherine Glenn se présente au consulat où travaille Norcutt. Elle aurait besoin de l'aide de divers consulats de pays européens. Elle lui raconte à ce moment-là le but de son voyage en Europe. Ce faisant elle lui avoue le drame qu'elle a vécu, un drame caché que pratiquement personne ne connaît. Un très beau texte, mais une histoire assez terrifiante.
Des personnages féminins comprenant : une mère abusive, une femme naïve, idéalisant son amour et une autre portant un lourd secret.
L'auteur se montre particulièrement cynique avec quelques-unes de ces femmes et parfois cruel avec d'autres. Ses descriptions de Mme Brown en particulier ne sont guère à son avantage :
- « je notais que ses long ongles ovales étaient fraîchement badigeonnés du vernis corail à la mode et que son index était teinté du jaune indélébile de la nicotine. Cet assemblage de couleur me parut singulièrement déplaisant. » Ce couple, les Brown, semble d'ailleurs réunir à eux seuls tous les défauts d'une certaine classe sociale. À mon goût, le personnage le plus attachant est sans conteste Catherine Glenn. J'aime beaucoup la ténacité de cette femme, même si elle s'accompagne d'un certain aveuglement.
En fermant ce livre j'ai un sentiment très mitigé, certes l'écriture est très brillante et précise. Par contre je trouve les personnages peu attachants et représentatifs d'une époque révolue. Je pense que ce genre de littérature n'est vraiment pas pour moi! Mais j'aurai au moins essayé.
Parmi les spécialistes d'Édith Wharton, quelqu'un pourrait-il me donner la signification du titre :
« Le pélican »? Personnellement je ne vois pas le rapport entre la nouvelle et le titre!
Extraits :
- Mrs Amyot possédait un don fatal : une vaste mémoire imprécise, et une parole extraordinairement facile.
- Elle dit que c'est une véritable agonie pour elle que de s'exprimer en public. Elle ne fait cela que pour le bébé comprenez-vous.
- Je l'aperçus de temps à autre, toujours plus corpulente, mieux vêtue, plus prospère et plus machinale – une véritable mécanique à conférences.
- Ils avaient échangé un baiser, voilà le fait nouveau.
- Oui, sa vie gisait, à ses pieds, parmi cet amoncellement de débris souillés.
- Il n'était pas le héros de ses rêves mais il est l'homme qu'elle aimait, celui qui l'avait aimé.
- « Un sens, dans la vie. Voyez-vous, depuis que nous nous sommes vus, j'ai tout perdu : mon fils et mon mari. »
- Quelqu'un déclara qu'ils devaient se coucher sans se départir de leur couronne, à l'exemple des rois et des reines des cartes à jouer.
- Quant à Mme Glenn, elle se montrait semblable elle-même : belle, intelligente et muette.
- La surface paraissait assez cristalline, mais que dissimulait le trouble en dessous ?
- Le visage qui en émergeait conservait toujours la même sculpturale beauté, mais sa texture s'était dégradée en une sorte d'ivoire usé.
Éditions : L'imaginaire. Éditions Gallimard.(2002)