Canalblog
Editer l'article Suivre ce blog Administration + Créer mon blog
Littérature d'Irlande,de Bretagne et aussi d'ailleurs
Publicité
Derniers commentaires
Archives
31 octobre 2008

CROSS Eric / Le Tailleur et Anstie

img175

Le Tailleur et Anstie.
Eric CROSS.
Note 4 /5.
My Tailor is rich......
Eric Cross, est né en 1905 et décédé en 1975. Ce livre a une histoire à part dans la littérature irlandaise. Paru en 1942, il est censuré dès sa sortie, car il écornait allégrement certaines idées catholiques et il démystifiait également une mythologie celtique très passéiste. L'introduction est de Frank O'Connor (et ici ) qui eut lui aussi quelques soucis avec les autorités pour sa traduction du poème de Brian Merriman « The Midnight Court »(1945). Dans cette préface O'Connor nous prévint et nous comprenons le motif de cette interdiction :- « Elle et le Tailleur considéraient les rapports sexuels comme le sujet le plus divertissant de la conversation courante ; un trait dominant de la vie en Irlande gaélique qui subsista jusqu'à dans sa jeunesse , avant de commencer à disparaître avec l'acceptation de la langue anglaise ».
Un couple de gens qui semblent ordinaires, plutôt âgés et qui vivent dans un endroit retiré d'Irlande, laissons l'auteur parler :
- «  Dans le hameau de Garrynapeaka, le canton d'Inchigeela, la paroisse d'Iveleary, la baronnie de Muskerry, le comté de Cork et la province de Munster » D'un seul coup on imagine l'endroit, et la joie de ses hivers! Restent les contes et les veillées, avec des histoires plus abracadabrantes les unes que les autres!
La photos de la couverture nous fait découvrir un couple ridé, mais goguenard, mélange de fausse naïveté, mais de vraie roublardise. Compromis entre le paganisme ancien des gaéliques, pour qui la religion n'est pas une contrainte, mais une chose acceptée mais avec laquelle il est possible de faire des arrangements personnels sans que cela pose de problème.
Ne cherchez pas dans ce livre un roman quelconque, ici c'est plus une succession de petits riens de la vie quotidienne, les tâches de chacun et le rythme des saisons. De la tonte du mouton à la confection des habits. La récolte du lin, son traitement et la future chemise qui suivra un homme la plus grande partie de sa vie.
L'auteur par le truchement du « Tailleur » aborde tous les problèmes d'une société irlandaise pas très assurée sur ses bases, coincée entre un passé récent très douloureux, une église toute puissante et un avenir incertain. L'éducation, la langue, l'immigration sont des sujets de  mécontentement du « Tailleur » pourquoi faire des enfants instruits s'ils ne savent pas reconnaître un taureau d'une vache. Des réflexions parfois surprenantes après une séance de cinéma, son jugement sur les actrices d'Hollywood est le suivant : Jolies mais trop maigres, elles ne doivent pas manger à leur faim! Les souvenirs de jeunesse, les années d'apprentissage dans différentes villes d'Irlande de Cork à Belfast, puis à Glasgow. Les veillées funèbres étaient l'occasion de retrouvailles, et également de boire un peu plus que de raison, et pourquoi pas en organiser même si le mort est encore vivant! Et tout cela pour faire plaisir à un Anglais! Un chat aussi a droit à des funérailles et au respect des vivants. Une autre histoire savoureuse , Tim est ami avec le sergent qui représente l'autorité irlandaise, celui-ci doit chercher le « poteen » (alcool clandestin) qui circule librement dans le village et également chez le tailleur. La solution entre deux personnes de bon goût? Boire l'alcool en premier et commencer les recherches après! Ce qui fut (de chêne) fait!
Tim Buckley le tailleur et Ansty, son épouse, apparaissent comme deux êtres que tout oppose, lui est handicapé et lymphatique, elle est vive et toujours en mouvement, passant d'une charge domestique à une autre. Lui est enjoué, volontiers hâbleur. Il est instruit parlant le gaélique et l'anglais, écrivant également dans les deux langues. Il fut un grand tailleur, mais il n'exerce pratiquement plus, bénéficiant d'une pension, ce qui l'amuse beaucoup. Il aime traîner au lit le matin, bref un philosophe de la campagne. Bien sûr le bavardage est sa principale activité qu'il pratique en surveillant « La Vache », c'est un homme connu et respecté et ses amis sont nombreux et les visites aussi. Il a quelques taches ménagère également, il baratte le beurre toutes les semaines, nettoie les oeufs (en tirant sur sa pipe) quand c'est nécessaire et remonte l'horloge tous les jours. Les amis sont nombreux, Jerry, le sage un peu fou ou le fou plein de sagesse, ou encore Seamus Murphy, le sculpteur, compagnons de discussions sans fin.
L'écriture est à l'exemple des personnages simples, mais lyrique et vivante. On sent une perpétuelle recherche entre le mot juste mais pas savant car le Tailleur est un érudit, sachant écrire par exemple. Mais avec des lacunes surtout pour les adresses, qu'il ne met pas forcément dans le bon ordre, ou alors parfois il met son nom et son adresse sur l'enveloppe! Un solide sens de l'humour et de la dérision, mais aussi la tristesse de savoir que le Tailleur et Ansty assistent à la fin d'une époque et aussi au crépuscule d'une civilisation qui était la leur. Que reste t-il de l'Irlande aujourd'hui? Les contractions de mots et injures gaéliques se retrouvent dans les dialogues très souvent savoureux et empreints d'une grande sagesse. On cherche vainement à l'heure actuelle quelle raison a poussé les autorités à censurer ce livre!
Un petite remarque pour signaler que la traductrice de ce livre est Joëlle Gac, qui a également traduit « Peig, autobiographie d'une grande conteuse d'Irlande ». Ses connaissances de la civilisation gaélique sont un gage d'authenticité.Un livre souvenir dans la lignée de « Peig » ou de « L'homme des îles » de Thomas O' Crohan avec l'insularité en moins.
Un dernier mot pour remercier les Éditions Keltia Graphic pour avoir édité ce livre.
Extraits :
- Mais nous étions tous trop innocents pour nous douter de l'effet produit par le livre sur le gouvernement bien élevé de monsieur De Valera. Il fut mis à l'index pour « tendance licencieuse ».
- Sa lecture ressemble à une longue traversée à la nage dans les égouts.
- Humain d'abord. Ensuite, et ensuite seulement, Irlandais, catholique et tailleur.
- Mais le travail restera accessoire à la conversation.
- D'emblée le Tailleur vous salue chaleureusement. Pas Anstie.
- Sa vie est une succession de tourments. Elle est à la merci d'événements les plus anodins.
- Le Tailleur commence par pêcher les mouches qui auraient pu se noyer dans la bouteille.....à quelle adresse il fallait expédier le courrier.
- « Tu n'as qu'à l'adresser à Micky Sullivan, Montagnes Rocheuses, Amérique ».
-...car Anstie et le Tailleur, s'ils sont l'avers et le revers d'une médaille sont faits du même métal.
- A l'époque, les souliers n'avaient ni pied droit, ni pied gauche. Les deux faisaient le même office.
- Une preuve irréfutable, mais qui n'eut pas entièrement satisfait Euclide.
- Il n'y a plus de cause nationale à défendre, plus de Parnell ni de William O'Brien.....
-« Prends le monde comme il vient, lui te prendra comme tu viens »
- « Elle compte aussi une classe d'individus terriblement acharnés contre les catholiques et connus sous le nom d'orangistes ».
- La Mort cède la place au Temps.
Éditions : Keltia Graphic (2008).
Titre original : The Tailor and Ansty. (1942)
Hubert Nyssen parle de ce livre ici

Publicité
Commentaires
Littérature d'Irlande,de Bretagne et aussi d'ailleurs
Publicité
Newsletter
Publicité
Publicité