BEHRENS Peter / La loi des rêves
La loi des rêves.
Peter BEHRENS.
Note : 3,5 / 5.
An Gorta Mor*.
Auteur canadien né à Montréal, mais c'est un écrivain anglophone. Son premier recueil de nouvelles « Night Driving » date de 1987. Ce roman qui est son premier a obtenu le Governor General’s Literary Award en 2006.
Le sujet est le peuplement du continent américain par les émigrés irlandais. Quelques rappels historiques et quelques chiffres. Entre 1845 et 1849, une maladie de la pomme de terre fut responsable de ce que la mémoire collective irlandaise appelle « La grande famine » . Les chiffres, qui évidement ne sont pas très fiables, indiquent entre un million et un million cinq cent mille morts et autant d'irlandais quittant leur terre natale. Les régions les plus pauvres étant celles où le gaélique était la langue maternelle, la culture irlandaise devient minoritaire dans son propre pays.
Ce livre commence en 1846 ; pour toute l'Europe cela sera une année de disette, pour l'Irlande cela aggrava la situation.Fergus O'Brien a vu sa famille mourir de faim, leur maison incendiée par les soldats. Avec les corps de ses parents et de ses soeurs à l'intérieur. Il a vu les morts de l'asile où les propriétaires terriens l'ont placé, il a vu les routes pleines de mourants, victimes de fièvre ou de malnutrition. Il a vécu avec des enfants transformés en bandits de grands chemins, dans une Irlande dévastée. Entre vengeance et vols pour se nourrir, il survit tant bien que mal, il tente l'attaque de la ferme des Carmichael, les fermiers qui l'ont expulsé. Mais l'attaque échoue, et paradoxe dans ce pays qui meurt de faim, il aidera à convoyer un troupeau de boeufs en partance pour l'Angleterre! De Dublin, où aussi des escrocs profitent de la misère humaine, il partira pour Liverpool, première étape d'un long périple aventureux qui le conduira au Québec. A Liverpool, il connaîtra la misère, la rivalité sanglante entre ouvriers écossais et irlandais. Puis il travaillera dans une maison close, mais repartira encore, au Pays de Galles cette fois où il participera à la construction des premières lignes de chemins de fer où il rencontrera la rousse Molly.Il participera à cette grande aventure humaine que sera le peuplement de l'Amérique du Nord.
Fergus est le personnage principal de cette fresque romano-historique, enfant des montagnes irlandaises. Jeune homme lâché sur les routes, il survivra.
Luke, jeune fille qui fut contrainte à se prostituer, lui enseignera l'amour et Shamie, déserteur après qu'il eut été fouetté en public, vivront avec lui en Irlande avant de perdre la vie.
Le Terrassier, compagnon de voyage, Arthur Mc Bride pour l'état civil, être fantasque, source de problèmes, irlandais et bagarreur jusqu'au bout des doigts.Molly la Rousse, fuira un homme qui la frappe et accompagnera un moment Fergus dans la longue traversée vers le nouveau monde. Femme de ressources, elle survivra à la fièvre et arrondira leur magot au jeu. Ormsby, vieil homme qui revient au Canada et qui se prendra d'estime pour Fergus, qui lui rappelle son fils décédé.Comme dans tous les romans de ce genre les personnages foisonnent, principaux ou secondaires, chacun participant à l'histoire, dans ce cas précis avec un grand H. Du fermier irlandais à la jeune prostituée au grand coeur.
Je ne suis pas un adepte des sagas se déroulant sur plusieurs années. Ce roman est bien écrit, un peu long à mon goût. Il réunit tous les ingrédients nécessaires pour un bon livre, sans réelle surprise.
Extraits :
- A la fin de l'été, avant la récolte des pommes de terre, survenait « mi an ocrais », le mois de la faim.
- Nous sommes ici chez nous, et nous n'en bougerons pas.
- ...tandis qu'une fourrure noire-la fourrure de la faim- leur poussait sur le front, les joues et le dos des mains.
- C'est cela la loi des rêves, rester en mouvement.
- Puis il s'aperçut qu'il s'était adressé à elle en irlandais, langue qu'elle ne parlait pas.
- Personne n'accueille la mort avec plaisir, ceux qui en sont le plus proche encore moins que les autres.
- Les garçons de la tourbière préfèrent mourir à la guerre que dans le fossé, Fergus.
- Bah! De toute façon on ne voit pas pourquoi ils veulent quitter leur pays.
- Terreur ; c'est le mot. La terreur qui fourmille au bout des doigts.
- Si je meurs, je voudrais que les gars m'ensevelissent dans le drapeau vert.
- ...ils savent qu'on est irlandais. Tous les jours la haine monte dans les rues.
- En Irlande la terre les avait trahis, elle avait empoisonné ce qu'il y avait dans leur assiette.
- Il est la-bas le mystère, de l'autre côté de l'eau.
Éditions : Christian Bourgeois.
Titre original: The laws of the Dreams.
Annexes:
Le site de l'auteur
*La grande famine en gaélique.
« Ils nous enterraient sans linceul ni cercueil » Seamus Heaney.
Un article du monde diplomatique : ici.
Quelques romans sur le sujet, mais il doit y en avoir beaucoup d'autres : Famine de Liam O'Flaherty, L'adieu au Connemara d'Hervé Jaouen et L'étoile de mer de Joseph O'Connor.