KERGRIST Jean / Barouf en campagne
Barouf en campagne.
Jean KERGRIST.
Note : 4,5 /5.
Du bruit dans Landerneau!
Surtout ne pas oublier le sous-titre du livre "Contes cruels".
Première oeuvre de cet auteur né en 1940 que je lis, et je pense que cela ne sera pas la dernière. Surtout que j'ai dans ma bibliothèque personnelle "Conseils à Gogo" avec des dessins de Nono! Incontournable.
Dans "Barouf à Bringolo", tout semble aller pour le mieux dans la campagne bretonne, les subsides de Bruxelles coulent comme du bon cidre dans les bouches assoiffées des gros trusts agro-alimentaires, qui, malgré cela, décentralisent à tour de bras, et non pas pour le centre Bretagne, que nenni, beaucoup plus loin, pourquoi délocaliser de Scaer à Carhaix? Le Brésil est plus rentable. Les pseudo mises aux normes européennes sont de la poudre au yeux. Mais comme dit le proverbe "Cochon qui s'en dédit".
"Le préfet soûl au chant" est aux prises avec une manifestation paysanne. Étant manifestement saoul, il harangue les manifestants, il perdra de sa superbe quand on découvrira quatre cadavres dans les sous-sols de la préfecture! Le commissaire chargé de l'affaire apprendra que dans le monde de l'élevage, les inséminations ne sont pas toujours artificielles. La preuve, ce poème lubrique pas très reluisant d'ailleurs : "Sur les chemins de Compostelle, la zone humide de mon sous-bois gardera pour longtemps la trace de ton bâton de pèlerin". Comme la fin de cette histoire est politiquement correcte, le préfet sera muté à un poste supérieur.
Une "Rave à Toulbrien", c'est le rêve pour Tonton. Il écoule son stock de gnôle pas très légal, et fait payer aux jeunes filles plus charmantes les unes que les autres un service de douches au jet d'eau dans un endroit retiré de sa ferme. Et comme il est le seul préposé au maniement du dit jet d'eau, tout le plaisir est pour lui. Et en ces temps troublés où les raveurs ont bon dos, son cheptel (bovins, ne me faites pas dire ce que je n'ai pas écrit) double en deux ou trois nuits.
"Mort à Venise", c'est la triste histoire d'un petit village du centre Bretagne qui n'attire pas les touristes, alors que faire? Le conseil municipal envoie l'un des siens à la pêche aux idées. Gilbert, jeune retraité, en profite pour une seconde tentative de lune de miel. Mais Venise, c'est plutôt le paradis pour une épouse volage. Hélas à cause d'un gondolier, tous les projets de Gilbert vont tomber à l'eau. Il descendra de son nuage et soudain s'arrêtera de planer. Et Toulbrien restera désespérément inconnu!
Pour la nouvelle "Yvette échangiste", pour celle-ci, jeune veuve, la solitude est dure à porter. Alors quand grâce au fond des actions innovantes, Bruxelles avait débloqué quelques sous, un club échangiste s'était installé dans le village. Pour Yvette, c'était une aubaine, que dis-je une bénédiction! Ce soir c'est le grand jour, string sexy acheté au chef lieu de canton (discrétion oblige), mini-jupe et maquillage discret : à elle l'aventure!
Et comme l'aventure est au coin de la rue, pour la fin vous êtes priés de lire ce livre, je ne vais pas tout faire.
"Les trois frères Le Maout" ont toujours vécu ensemble, mais l'âge venant il faudrait penser à l'au-delà, alors des divergences apparaissent! L'auteur réussit le tour de force dans cette nouvelle de citer Glenmor, Xavier Grall et Armand Robin!
Pour conduire les porcs à l'abattoir, rien de mieux qu'un chauffeur togolais et musulman, aucun risque , ni de fauche de porcs, ni quand il faut souffler dans le ballon.
Préfet conservé au vieux whisky ne perd jamais son degré d'incubation, ni son rang dans la hiérarchie nationale. Tonton, pour lui les raves, c'est le bonheur : "Laissez venir à moi les petites raveuses égarées" et il en profite. Yvette pense à son mari, l'homme de sa vie, qui l'a laissé seule sans amour, d'accord elle y pense parfois et furtivement, mais elle y pense! Et ses frères, tous des connaisseurs, et fiers de leurs écrivains à qui ils veulent rendre hommage. La cruauté n'empêche pas l'humour (noir parfois) et c'est tant mieux. Une découverte et une très belle couverture (Fetz-noz à Kermain de Jean René Ghéroldi).
Extraits : - "Le cochon est la viande du pauvre".
- "Le cochon est l'avenir de l'homme, car des pauvres, il y en aura de plus en plus".
- Notre capacité à polluer, constitue, croyez-moi Monsieur le préfet, le meilleur gage de notre compétence à dépolluer.
- La petite coopérative agricole des débuts s'était, au fil des ans, transformée en cochon gras.
- Pour l'instant nous contrôlons la situation. Une chance que personne ne lise "Sciences et Vie".
- Et puis maintenant, à tout prendre comme Paradis, je préfère Vanessa.
- Voyage gratuit au dessus des montagnes rousses et des murailles d'échines. Glissades en douceur sur les chattes du Niagara. Collines superbes et variées, ornées de bouquets fleuris.
- La publicité est affaire d'irrationnel.
- Du catholicisme à l'échangisme, le saut, du coup, paraissait jouable.
- Glenmor passait souvent à la ferme chercher une ou deux bouteilles de lambig pour faire des grogs à Xavier Grall, un peu souffreteux des bronches.
- Un gars de Plougernevel, mort à Paris, tabassé dans un commissariat.
- Un breton de l'intérieur, instruit d'une trentaine de langues, à commencer par le breton sa langue première et qui ne jouait pas au fier pour autant.
Éditions : Éditions des dessins et des mots.
Pour faire plus ample connaissance de l'auteur.