NYSSEN Hubert / Eléonore à Dresde
Eléonore à Dresde
Hubert NYSSEN
Note: 5
Être et avoir été.
Première lecture pour moi d'Hubert Nyssen, mais je me lance pas réellement à l'aveuglette, partant du principe que deux de mes lectrices favorites (Cuné et Sahkti) disent le plus grand bien de ce monsieur, je ne pense pas risquer grand chose.
C'est rare, mais je ne sais pas par quel bout entamer cette chronique! Car ce livre, s'il est court, est plein de richesses, la durée de "l'affrontement" malgré sa brièveté est intense. Un livre sans temps mort que l'on a du mal à quitter.
Jean est ethnologue, Eléonore est actrice ou plutôt la femme d'un seul rôle, d'un seul film, "Dresde, un soir" qui l'a transformé en mythe vivant. Ils se rencontrent et partent ensemble à Bruxelles où il doit donner une conférence, et elle doit débuter le tournage d'un téléfilm. Commence alors une partie de cache cache entre eux, de confidences de sa part sur le cinéma, sa vie, ses enfants cachés, ce rôle qui lui colle à la peau, l'espèce de malédiction qui frappe les hommes qui l'ont entouré ou aimé.
Lui, pendant ce qui semble être un voyage initiatique, tombe sous le charme trouble de cette femme, ensorceleuse pleine d'ambiguïté, mais il semble la craindre et sûrement appréhender également un engagement personnel.
Vont-ils succomber à cette ambiance qui peu à peu s'installe entre eux durant ce voyage en voiture le long des côtes belges et dans la ville de Bruges?
Jean Pratt, universitaire, est une proie idéale, presque consentante. Ces quelques heures lui feront côtoyer les joies, les peines et les tourments d'un homme face à cette femme pleine de contradiction. Eléonore est un être vivant dans une sorte de dédoublement de ville et d'époque, Dresde hier, et ce voyage en Belgique aujourd'hui, dédoublement également pour cette fille de famille pauvre du Nord de la France qui est devenue cette icône dont la popularité est encore intacte.
Une écriture magnifique et un vocabulaire très recherché, heureusement que j'ai à portée de main un bon vieux dictionnaire!
Un peu échaudé par une récente mésaventure, je n'ai pas encore consulté la lecture qu'en fait Bertrand Py. Donc il se peut que je n'ai rien compris au propos de l'auteur. Mais j'ai beaucoup aimé ce roman.
A noter que ce petit livre (par la taille) comporte, une préface, une lecture, une biographie et des photos!.
Extraits :
-Tant d'énigme le mettait hors de lui.
- Un gouffre séparait son texte écrit à la limite de la désuétude et les séquences âpres, violentes de la réalisation.
- Une petite roubaisienne de rien s'imaginait qu'on pouvait se pavaner en manteau de fourrure, Via Nazionale, et oublier son enfance?
- Avec toi, rien ne ressemble à rien, Eléonore.
- Tu es belle dit-il, tu es belle et tu m'effrayes?
Eléonore, cria-t-il reviens, c'était hier et tu vis aujourd'hui.
-De Dresde un soir elle avait fait un mythe que n'avaient sûrement pas imaginé les réalisateurs du film.
- Tu es là? Tu n'écoutes? C'est une sirène Jean et sa voix est un piège.
- Je n'aime pas, dit-il, les femmes sans passé.
Eléonore releva la tête – Et celles qui n'ont que leur passé?
- Il eut peur, d'elle, de lui.
Éditions : Actes Sud.