Mc GAHERN John / Haute-Terre
Haute-Terre.
John Mc GAHERN.
Note 4,5 /5.
Haute-Terre, humbles humains.
Recueil de 10 nouvelles de Mc Gahern édité pour la première fois en 1978. Avec ce livre je finirai de lire l’intégrale de l’œuvre de Mc Gahern traduite en français. En espérant que ses "Mémoires" sorties quelques temps avant sa mort seront disponibles bientôt.
Une quantité de gens, pas des perdants, pas des marginaux, des humains ordinaires. Buvant souvent plus que de raison, cherchant une compagnie féminine, mais dans cette Irlande d’après guerre et passablement bigote, ce n’était pas chose facile. L’Irlande de la fin de l’utopie cette Irlande avec un clergé omniprésent, bref un pays à la mentalité mesquine dont Mc Gahern a déjà fait les frais.
La rupture douloureuse ou le mariage intéressant, les situations qui se font ou se défont, rencontres dans les dancings "Comme tout les autre hommes", où par soucis d’égalité, l’homme et la femme payent chacun une moitié de la chambre d’hôtel. Mais dont la fin sera une rupture qui laissera l’homme abasourdi ! Une jeune fille mise enceinte par le bouvier de la ferme où elle travaille, la vie des campagnes, des histoires milles fois produites. Un monde cruel et dur pour les faibles. Une longue et excellente nouvelle "Au temps jadis" commence par cette phrase :
-"Les protestants avaient tellement diminué en nombre qu’il n’y avait plus de pasteur à Ardcarne".
Sans être vraiment chassé, les protestants ont quitté la République. Mais un Colonel en retraite et sa femme viennent se réinstaller dans le presbytère, nous suivons la vie d’un village pendant plusieurs années, un très bon moment de lecture. Ce colonel et sa femme après une hostilité non cachée, seront acceptées par la population catholique. Moment d’humour, Madame la colonel accompagne son époux au pub, mais boit dans la Jaguar sur le trottoir, question d’éducation ma chère ! Seul bémol quand le colonel propose à un adolescent, fils de sergent de gendarmerie de s’engager dans l’armée ……… britannique. Une autre excellente nouvelle traite des problèmes inter communautaires "La conversion de William Kirkwood".
Un des personnages récurrents de Mc Gahern est le père, cet homme plein de haine pour un de ses fils, comme dans "La montre en Or", récit cruel d’un patriarche ne se rendant pas compte que son fils a grandi et qu’il s’est marié, donc moins disponible pour les travaux des champs. Une montre sera la goutte d’eau qui fera déborder le vase, et elle sera la victime d’une vengeance aveugle. Cette nouvelle est d’ailleurs une de mes préférées.
Une lecture pleine de tristesse, déjà parce que Mc Gahern n’est pas spécialement un écrivain joyeux. Et en fermant ce livre, j’ai terminé l’intégrale des œuvres de Mc Gahern traduite en français. Une grande joie, c’est de savoir que quelque part au Québec, une amie fait la même chose que moi.
Extraits :
-Non, la vieille Irlande bouseuse et raseuse a encore frappé. Même la capitale a un pied dans un tas de fumier.
-Ces gens avaient été transplantés sur la côte. Selon le rêve de De Valera, c’étaient des foyers dans la plaine d’où le gaélique passerait de bouche en bouche comme des langues de feu.-Ca voudrait dire qu’il en sortirait officier de l’armée britannique ?
-Exactement. Bien sûr dans le cas où il est accepté et s’avère à la hauteur.
C’est impossible. Il était si furieux qu’il avait du mal à parler.
-Elle était grosse et sans attraits, mais elle avait ses admirateurs : de jeunes valets de ferme et d’autres hommes sur le retour, inconscients de leur âge et qui jugeaient le bétail de derrière, jugeant au poids plutôt qu’à l’éclat d’un œil, qu’à la courbe d’une pommette ou d’une gorge.
-Des mois durant il a franchi le piquet de grève pendant que l’Eglise et De Valera essayaient de nous faire plier le genou en nous affamant.
-C’était le prêtre qui dirigeait l’école.
-Y a qu’en Irlande qu’on a deux sortes d’heure : la bonne et la mauvaise.
Titre original: High Ground (1978)
Editions :Presses de la Renaissance (1987).