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Littérature d'Irlande,de Bretagne et aussi d'ailleurs
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15 novembre 2024

CORLOUËR Luc / Les graviers. Clochard des mers.

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 


Les graviers. Clochards des mers.
Luc CORLOUËR.

Note : 5 / 5.
Pour qu’ils ne soient jamais oubliés.

J’ai découvert l’existence des « Graviers » il y a presque 20 ans en lisant « L’île aux chiens », l’excellent roman de la Canadienne Françoise Enguehard.
Une phrase m’avait particulièrement marqué :

"Voulez-vous savoir jusqu’où peut descendre l’exploitation de la pauvre bête humaine ? Tâchez de venir ici quand un jour débarqueront les graviers de Saint-Pierre ". Charles le Goffic.
J’apprécie donc d’autant plus le travail de Luc Corlouër pour que le sort de ces dizaines de milliers d’enfants, qui sont pour la plupart nés dans le « même pays » que moi, ne soit pas oublié.
Qui sont ces « Graviers » ? Des enfants de familles pauvres qui avaient pour tâche, à Saint-Pierre et Miquelon ou Terre-Neuve, et cela pendant plusieurs mois, de retourner les morues qui séchaient sur la grève. Ils venaient de Normandie, un peu du Pays Basque, mais surtout de Bretagne.
C’était principalement des enfants de l’intérieur de la Bretagne, la première fois qu’il voyaient la mer c’était pour embarquer dans des conditions épouvantables.
Et ce qui les attendait allait être pire encore !
Pour les enfants, un maigre salaire mais la promesse de devenir « Inscrit Maritime » à la deuxième campagne, pour les parents cela se soldait par une bouche de moins à nourrir.
Parlons chiffres : d’après les archives, on estime à 15000 les graviers partis de France avant 1900, chiffres très approximatifs ! Pour le nombre des décès, c’est encore moins précis.
Pour le retour en France le nombre de graviers sur les bateaux n’était pas des plus explicites. Combien périrent dans les naufrages les plus meurtriers ?
Celui de « La Clarisse » ou du « Jules Jean Baptiste » qui sombra avec plus de 100 graviers des environs de Paimpol !
En fin d’ouvrage on peut lire quelques pages du roman de l’auteur « Le Bosco de Kerpalud ». 
Deux anecdotes pour terminer cette longue chronique :

- Quand il n’y avait plus de graviers, ce travail soi-disant facile était confié aux femmes des pêcheurs.
Il est à souhaiter qu’ils étaient plus tendres que les chiourmes avec les enfants qu’elles remplaçaient !
- Ne cherchez plus l’île au chien au large de Saint Pierre et Miquelon, elle n’a pas disparu mais elle a été rebaptisée l’île aux Marins !
Deux autres témoignages, le premier de Charles Le Goffic :
- « Le plus dur, assure un témoignage collecté par Charles Le Goffic, c'était le transport des civières : leurs charges n'étaient jamais inférieures à 100 kg. Du chauffe-eau à la grave, la distance n'est pas grande, mais il fallait faire le voyage une soixantaine de fois matin et après-midi… On en sortait les reins brisés. Corrodés par le sel, le bout des doigts, les mains se fissuraient et saignaient au moindre choc… »
Les mousses sur ces navires n’étaient guerre mieux traités :
Le second, celui de père Yvon, auteur du livre « Avec les bagnards de la mer », pour ce qui concerne les mousses :
- Ils ont les mains crevassées de froid et de saumure, sans arrêt, ils doivent larguer le chalut, le haler à bord, vider son croulant amoncellement de poissons dans lequel on titube à mi-cuisse et recommencer des heures, des heures ! Des heures à « travailler » la morue, besogne de boucher, ces pauvres mains gourdes et douloureuses plongées dans le sang et les entrailles, dans l'eau glacée et le sel corrosif… Semaine de 40 heures ? Sur les bancs, une seule loi commande : le poisson donne, donc il faut le saisir, soit « Maximum de rendement pendant le minimum de temps. »
Si les marins et les mousses étaient les bagnards des mers, je pense que les graviers étaient eux « Les clochards de la mer » !
Un ouvrage très documenté avec de nombreuses photos qui, je l’espère, permettra à un maximum de découvrir le triste sort de ces enfants !
Extraits :
- Tenez, la première fois que j'ai entendu parler de ces « graviers » c'était il y a une trentaine d'années en visitant ma famille bretonne de Binic !
- La rumeur des bistrots couvre rarement le bruit de la ville.
- Sur ces navires on embarquait alors 12 mousses si le besoin était de 10 !
- Pour ce travail les graviers touchaient un faible salaire auquel il convenait d'ôter une partie pour la traversée.
- Ces pauvres gens logent à fond de cale pendant toute la traversée. Ni matelas ni hamac. Pas d'air.
- La Clarisse est un brick-goëlette construit en 1814, le navire compte donc une trentaine d'années, ce qui est beaucoup pour un navire en bois !
- Nous savons maintenant que les graviers pouvaient être tués sur les graves par suite d'accidents ou par les surveillants, ces
chiourmes parfois recrutés parmi des repris de justice.
- À Saint-Pierre, les embarcations pratiquant la pêche côtière auront besoin du séchage des morues sur les graves, mais cette tâche sera dévolue aux femmes de l'île. L'avènement des vapeurs frigorifiques clôturera à jamais l'histoire des enfants-graviers.
Éditions : Le Cormoran (2024).
Préface de
Fañch Rebours.
Autres titres de cet auteur sur ce blog :

La tourmente Kenavo.
Le Bosco de Kerpalud.
De Port-Louis à Port-Louis.
La chapelle des chiffonniers.
Les chiffonniers bretons de Paris.

Chronique pour le Révérend Père Yvon.
Avec les pêcheurs de Terre Neuve et du Groenland.

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