MARCHAND Gilles / Des mirages plein les poches.

Des mirages plein les poches.
Gilles MARCHAND.
Note : 4, 5 / 5.
Deux-demies valent plus qu’une entière !
De Gilles Marchand j’ai lu, il y a quelques années maintenant, plusieurs textes dans des recueils collectifs. Certains sont d’ailleurs repris ici.
Ce recueil contient 14 très courtes nouvelles dont les titres sont :
-Le Fil. Une odeur de soupe. Un café et une guitare. Les chaussures qui courent vite. We wish you. Deux demi-truites. 90 watts. Mon bateau. Le premier tour. Syllogomanie de proximité. Désordre de Beatles. En homme responsable. Rappel. Adieu pneumatiques.
«  Le Fil », c’est énervant un fil qui dépasse. Alors le narrateur, tire, tire et tire encore !
« Un café et une guitare ». Soyons clair, le café est noir mais bien là dans le bistrot, pour la guitare, c’est autre chose. Une histoire étrange, comme beaucoup dans ce recueil.
« Les chaussures qui courent vite », c’est aussi très étrange. Pour un footballeur des chaussures qui courent vite, c’est utile. Pour un amant un slip qui fait bien l’amour, c’est plus qu’utile, c’est primordial. Mais toute chose a ses limites.
« Deux demi-truites ». C’est la triste histoire d’un garçon témoin des raclées que prend sa mère à la maison. Il doit choisir le nom d’un super-héros mais il hésite. Il voit enfin sa mère sourire après une séance de cinéma. Il lui a trouvé le nom de son super-héros. Un beau texte.
« Le premier tour », c’est tourner manège, mais d’un genre un peu particulier, trouver un manège sur une île déserte, c’est pas gagné ! Un texte avec plein de notes de bas de page, c’est amusant !
« Syllogomanie de proximité ». Déjà il faut chercher ce que veut dire le mot «  Syllogomanie », après c’est le foutoir, le bordel ou pour parler comme il faut, le capharnaüm. Mais parmi tous ces objets, une présence humaine serait espérée... non !
« Rappel ». Un ancien musicien, batteur de son état, revient sur sa
« carrière » semble-t-il lointaine. Mais lui et le monde ont vieilli...
Un homme aux prises avec la construction de sa maison, tout semble bien aller, mais non, le sentiment de malaise est là et bien là ! Un autre se souvient de ses Noëls passés, mais il ne croit plus au père Noël, à quoi cela sert-il d’avoir un bateau s’il coule dans l’indifférence générale ?
Un excellent recueil, des histoire jubilatoires, beaucoup d’imagination et souvent pour le lecteur (moi en tout-cas) pas mal d’interrogations en fin de nombreuses nouvelles.
Des personnages étranges, un peu « foutraques » ou hors-normes.
Certains sont illuminés (voir 90 watts) ou alors un peu plus gravement atteint ( voir En homme responsable) mais on éprouve pas mal d’empathie pour eux.
Extraits :
- Mon père était champion de boxe. Champion, je ne sais pas trop, mais boxeur, ma mère en était la preuve vivante et tuméfiée.
- J'ai eu quelques aventures. Mais même le lendemain au réveil de la première nuit après avoir un peu discuté, on me répondait que c'était trop tôt pour ce genre de conversations.
- Pour me donner du courage, je lançais aux vents un : « les femmes et les enfants d'abord ! » Il n'y avait ni femme ni enfant et mon bateau coulait toujours.
- Le délire Robinson au pays de Mickey ne me convainquit à moitié.
- J'habite dans un véritable enchevêtrement d'objets récupérés et accumulés au fil des années. Et je ne connais personne qui ait manifesté l'envie irrépressible de mettre un orteil chez moi.
- Je ne quittais mon appartement que pour aller travailler, ne cherchant plus à nouer des liens amicaux. La musique comme seule et unique présence.
- J'ai même été Christophe Colomb mais j'ai arrêté avant la découverte de l'Amérique : trop de responsabilités.
- Des mains d'ancien batteur redevenues vierges.
Éditions : Les Forges de Vulcain ( 2018).