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Littérature d'Irlande,de Bretagne et aussi d'ailleurs
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10 septembre 2017

DEMEILLERS Timothée / Jusqu'à la bête.

jusquà la bête

Jusqu'à la bête.
Timothée DEMEILLERS.
Note : 4 /5.

Abattages et abattoirs.
Second roman après  « Prague, faubourg est » chez le même éditeur.

Ici le contenu est tout à fait différent, dans ce livre il est question d’enfermement, entre prisons et abattoirs.
Erwan est un jeune homme qui est maintenant en prison. En vase-clos, après quinze ans d’usine. L’usine en réalité, l’abattoir, ses rites et ses rythmes. Les rites, l’entraide souvent, les plaisanteries grasses toujours, les clopes fumées en vitesse. La vitesse de la chaîne augmentée sournoisement, les corps tentent de suivre, avec un supplément de fatigue.

Rendement… rendement… Sinon sa vie est monotone pour ne pas dire triste, ses week-ends se passent chez son frère, avec sa belle-sœur et leurs enfants. Quelques soirées avec des copains, en général bien arrosées.
Et l’abattoir, semaine après semaine, son poste plutôt administratif, son surnom, un peu péjoratif « Le planton des frigos » qui consiste à entrer des numéros des carcasses sur un ordinateur et de suivre le bon déroulement des livraisons aux quatre coins de l’Europe.
Puis un jour, le soleil, un soleil féminin au doux prénom de Laëtitia.
L’amour avec un grand A, amour qui fait oublier l’odeur du sang, la souffrance des animaux ainsi que celle des femmes et des hommes qui triment là.
Laëtitia est une intérimaire, fille libre, sans complexe, les jours passent vite, très vite, trop vite. Car étudiante, elle doit regagner Angers pour reprendre ses études… L’amour ne résistera pas à la séparation. Lui l’aimait sincèrement, pour elle, il n’était qu’une aventure passagère, un amour d’été…
La descente aux enfers d’Erwan commence lentement, puis elle prend de la vitesse. L’accélérateur de tout cela, une phrase d’une connaissance de Laëtitia, des mots qui soudainement le ramènent à sa condition de prolétaire inculte :
- C’est toi le mec qui bosse à  l’abattoir.
Oui, c’est lui… alors la haine s’installe en lui.
L’alcool devient une habitude, les absences au travail de plus en plus fréquentes. La sanction tombe, le licenciement.
Mais le sang appelle le sang, le sang humain remplacera le sang animal…
Beaucoup de personnages dans la vie de cet homme, famille, collègues de travail, etc… Le monde ouvrier dans toute sa détresse, ouvriers ne votant plus ou alors pour les extrêmes, craignant la perte de leurs emplois, ou au nom de la rentabilité, la fermeture de leur outil de travail.
Les animaux, lorsque les normes sont respectées, meurent vite, les ouvriers souffrent durant des années pour espérer quelques temps de retraite quand tout se passe normalement.
Un constat accablant sur le monde du travail, ses contraintes et pressions de plus en plus fortes, et ce sentiment d’injustice sociale, résultat d’une société libérale, ou les animaux ont plus d’importance que les numéros que sont devenus les travailleurs.
Une écriture sobre, une œuvre forte, qui appuie où cela fait mal, très mal.
Comme dans chaque ouvrage une playlist musicale clôt cet ouvrage.
Extraits :
- Allongé sur mon matelas, les écouteurs enfoncés dans les oreilles, j’écoute la radio. Nostalgie.
- L’usine. Elle en viendrait presque à me manquer. Avec ses personnages. Ses routines. Ses règles. Son fonctionnement. Comme ici. Comme dans mon nouvel univers.
- On enfonce le couteau profondément dans le cou de l’animal. Sylvie dit toujours que c’est une horreur. Que la bête sent que c’est la fin.
- Mon réservoir à pensées heureuses. Mais la réalité finit toujours par nous rattraper et les idées plus sombres surgissent. Quinze années de ma vie à l’usine, c’est sûr, ça laisse des traces.
- Tout comme quelques années de paix après l’usine.
Juste quelques années de retraite.
- On commente les élections sans trop y croire. T’as vu la Marine ? T’as vu l’autre, le nabot, le Sarko ? Tu as vu Hollande ? Personne n’est dupe. On ne vote plus. Ou alors Marine. Mais c’est la même chose.
- Eux, ils nous ont raconté ça. Les ordres des patrons. D’accélérer la cadence. De passer à soixante vaches par heure. Soixante dix même. De nous rendre fous.
Éditions : Asphalte (2017).

 

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