Couv demolition

Dernier avis avant démolition.
Fabien MARÉCHAL.
Note : 4,5 / 5. 
La chute de l’Avenir Radieux.

Recueil de cinq nouvelles de cet auteur que j’avais, en son temps, beaucoup aimé « Nouvelles à ne pas y croire » paru il y a quelques années.
« Démolition ».
Une tour d’immeuble va être détruite, un homme y demeure, retranché, il refuse de partir. Son appartement du 16
ème étage, c’est sa vie !
Militant communiste de très longue date, très sectaire, plein d’idées préconçues, comme :
- Les yeux bleus sont de droite, ce n'est pas moi qui l'ai dit en premier, et je me méfie aussi des blondes.
Il égrène ses souvenirs. Et regarde le cimetière s’agrandir et essaye de deviner dans quelle allée il sera enterré. Une vie ordinaire d’un banlieusard banal. Non c’est plus que cela, c’est la fin d’un monde, celui du prolétariat de Paris et de ses banlieues.
Que sont devenues les usines et manufactures de mon enfance ? Disparues au nom du profit ! 
 
« La Cérémonie ».
Q
uatre personnes en quête de bonheur ! Peut-être éphémère ? Un mariage, moment intense, sauf qu’ici, c’est un peu la confusion des sentiments. Un homme et sa maîtresse, celle-ci marie sa sœur à un norvégien. C’est à ce moment que tout se complique… cérémonie pour le meilleur ou pour le pire ?
 
« Le Monographe ». 
Ce texte est un des plus étranges que j’ai lus dans ma déjà longue carrière de lecteur, amateur de nouvelles. Une belle histoire d’amour entre un homme Paulin photographe et son chat Albert. Pourtant leur situation n’est pas évidente. En effet Paulin travaille sur Paris et ne vient que les weekends. Photographe de star pour vivre, il rentre retrouver son ami à quatre pattes toutes les fins de semaine. Alors il devient un « œil » au service de la nature écumant la région, saisissant des instants furtifs, s’imaginant des silhouettes au milieu des arbres.
Il décide un beau jour de quitter définitivement Paris… Une autre vie de solitude, mais plus riche artistiquement, commence.
Une très belle nouvelle !

 « Le Grand Départ ».
Quand on est le bouc émissaire de toute sa classe, les départs en colonies de vacances sont un enfer ! Les pleurs n'y changeront, hélas, rien. Les enfants sont cruels entre eux, Richard l’apprend tous les jours à ses dépens.
« La Guerre Froide ». 
Le monde à l’envers, le piquet de grève est assuré par les cadres et la direction de l’usine. Comment va réagir un syndicaliste chevronné devant cette situation ?
Il pense aux ouvriers frustrés, au froid qui les attend, ce n’est pas la saison pour lancer un mouvement social. Il réfléchit à ce qu’est sa vie, son couple et son fils, tous les sacrifices consentis… et pour quel résultat !
Des personnages ordinaires, reflet d’une société française en constante mutation, souvent, dans « Démolition » et « Guerre froide » par exemple, des hommes de conviction prêts à la lutte.

Une famille française classique du temps passé, Norbert maçon communiste, Jeannine et Solange, leur fille. Un peu bourru et entêté, mais malgré tout un personnage attachant qu’il me semble avoir connu ! Que reste-t-il de notre jeunesse et des militants communistes des banlieues rouge qui ceinturaient Paris ? 
Un homme pas insensible aux charmes de la sœur de sa maîtresse… mais celle-ci se marie. 
Pauvre Richard, pas de chance pour lui, un peu obèse, une mère trop possessive, un père un peu beauf… la vie est dure, alors les vacances en colonie, c’est pire que tout ! 
François Rawkiewicz, lui aussi travailleur, syndicaliste et meneur d’hommes d’un temps qui semble révolu, balayé par la mondialisation !
Un recueil complétement à l’opposé de « Nouvelles à ne pas y croire ». Ici les thèmes développés sont souvent oppressants ! Pas beaucoup d’humour sauf peut-être dans « La Guerre froide », mais un humour noir et grinçant. 
Un hommage trop rare au monde des travailleurs.
Extraits :
- Et puis c'est venu naturellement, on a beau être communiste, on pense aussi à soi : j'ai voulu calculer mon emplacement.
- J'ai vu le bébé et, même petit comme il était, tout rougeaud, ça se remarquait comme la faucille en travers du marteau : il était de droite. 
- Je sortais avec Maggy depuis six semaines quand elle m'a présenté Virginie, qui avait l'air de tout sauf de l'origine de son prénom. Un peu plus fine que Maggie, mais les mêmes bonnes choses placées aux mêmes bons endroits.
- Après tout, nul n'est obligé d'être heureux. Si le bonheur devenait un impératif légal, tous les tribunaux du monde ne suffiraient pas à condamner les délinquants.
- Une fois, il en a envoyé un lot à une galerie, pour avis. On lui a répondu qu'on y voyait rien qu'un fog sur la Tamise à la Turner, mais sans Tamise ni Turner–ni retouches par ordinateur, seule qualité qu'on lui reconnaît.
- Il va encore être la risée de la classe. Celui qui mange son goûter dans son coin, grignote pour masquer sa peur. « Il a du bidon ! » Vingt bouches autour de lui, Richard a l'impression de se rapetisser, le cri rampe sous ses vêtements, sur les murs. « Il a du bidon ! Il a du bidon ! ».
- Un jour, on trouvera des os de dinosaure en Corée du Nord, et les socialo-communistes de toute la planète crieront « papa ! ».
- Hormis l'épaisseur, il n'y a guère de différence entre un manche à balai et un manche de pioche. Celle qui manie l'un est sans doute la pouffiasse de celui qui travaille avec l'autre.
Éditions : Antidata (2016)
Autre chronique de cet auteur :
Nouvelles à ne pas y croire.