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Littérature d'Irlande,de Bretagne et aussi d'ailleurs
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24 novembre 2014

DEMEILLERS Timothée / Prague, faubourg est.

 

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Prague, faubourg est.
Timothée DEMEILLERS.
Note : 4, 5 / 5.
Élégie pour une ville défunte.
Un livre parlant de Prague écrit par un français, la chose doit être assez rare, je pense, pour être soulignée.
Mais attention ce n'est pas le Prague de carte postale, très loin de là. Nous ne sommes pas dans cette ville où l'on tourne des films, mais dans une cité qui a perdu son histoire et son âme !
Un petit rappel historique et personnel, à la fin des années soixante, un mouvement populaire de grande envergure secoue la Tchécoslovaquie "Le Printemps de Prague". Hélas les chars russes mettront fin au rêve de toute une population. J'avais en 1969 passé une semaine dans une petite ville tchécoslovaque à la frontière de la Pologne.
Marek revient à Prague après sept ans d'absence. Pendant ce court laps de temps sa ville est passée du post-communisme à un capitalisme touriste mal digéré !
Il a l'impression de se retrouver dans une ville qui lui est étrangère, qui n'est plus la sienne. Triste constat, son retour n'a rien de triomphant, c'est même un fiasco complet. Katarina, motif de sa fuite quelques années plus tôt, lui réserve un accueil glacial dans le bar qu'elle gère dorénavant. Leur ancien quartier général auparavant tenu par Jakub, ancien quasi-frère qui est la cause de sa rupture avec Katarina. Leur amitié ne résistera pas à cette trahison.
Plusieurs récits en parallèle dans cette ville dont l'âme s'est enfuie effrayée par la manne financière déversée qui a détruit certaines valeurs humaines et amenant avec elle la drogue et son alliée naturelle, la prostitution. Venez visiter Praha by Night...une ville glauque, des quartiers dévastés, des hommes et femmes venus parfois d'Afrique ou d'ailleurs. Ne cherchez pas ces endroits dans les prospectus distribués par les offices du tourisme.
La vie c'est comme un accident de voiture sur la route de l'aéroport de Prague !
Une parodie de Jacques Brel :
Nous étions deux amis et Katarina m'aimait
Prague était déserte et pleurait sous juillet.
Des autochtones ou ex-autochtones, Marek, un peu le cul entre deux continents, l'ancien et le nouveau, malheureux dans l'un comme dans l'autre. Souvent lucide, mais prêt à beaucoup de sacrifice pour reconquérir Katarina.
Pour Jakub ce fut grandeur et décadence du play-boy à qui tout réussissait. Il ne reste qu'une épave alcoolique et droguée n'ayant plus un kopek (je sais, elle est facile).
Des touristes américains bien sûr venus boire et baiser pas cher. Cet afflux de touristes des quatre coins du monde est la cause involontaire du passage de la capitale de l'ancienne Tchécoslovaquie en un parc naturel à ciel ouvert pratiquement transformé en réserve d’autochtones !
Nous en suivons particulièrement un, Scott venu avec des amis passer quelques jours de bon temps dans un endroit qui pour lui n'est qu'un vaste lupanar.
Un excellent roman prenant Prague pour cadre, mais qui pourrait très bien se passer ailleurs. Le style d'écriture est lui aussi relativement original, chaque protagoniste prend la parole durant un chapitre, puis un autre suit.
Le monde tel qu'il va, plutôt mal, vers une uniformisation qui hélas semble inéluctable !
Extraits :
- Mes vingt premières années n'avaient été qu'un défilé de personnages peuplant ma vie pour quelques jours, quelques semaines, quelques années, avant de glisser vers l'oubli et de disparaître pour de bon.
- La Prague de l'époque m'apparaissait différente. Comme gelée dans le temps.
- Pour moi, c'était aussi la découverte du microcosme de la rue, avec ses codes, ses règles et ses personnages. La face cachée de la Prague carte postale.
- Pourtant, c'est à la fin des années 1990 que ce microcosme a commencé à sérieusement s'altérer sur Venceslas.
- Les visages pâles de là-bas ont entamé un débarquement en nombre, que ce soit pour fêter le mariage d'un des leurs ou juste pour boire des Stella chaudes et baiser des putes pas cher.
- Ces rades ingurgitaient tous ceux que la modernisation avait laissés sur le carreau, tout ce que le libéralisme avait abattu.
- C'est vrai qu'elle était belle. J'avais rarement vu une femme aussi belle.
- Tous ces orgasmes sous alcool, sous drogues, insomniaques, calins, brutaux, torrides, secs comme de la paille. Qu'est-ce qu'il en reste aujourd'hui ? Des fragments de souvenirs, même plus bons à te faire bander.
- L'esprit pourtant déjà retourné par ce petit bout de femme. Par cette enchanteresse diabolique.
- Rien n'a résisté. Notre alliance. Notre amitié. Notre esprit. Un sale poison nous a séparé avant de nous mettre à genoux.
- Elle était toujours aussi belle, entourée de tant d'hommes qui la désiraient et de si peu qui pourraient l'avoir.
Éditions : Asphalte (2014)

 

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