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Littérature d'Irlande,de Bretagne et aussi d'ailleurs
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28 mars 2012

BRANA Pierre / Mémoires d'un appelé en Algérie.

Trilogie : Le silence des appelés ! Livre 1.
Il y a maintenant cinquante ans se terminait la guerre d'Algérie. Aujourd'hui, au milieu des actualités et des commémorations, que reste t-il du rôle des appelés ?
En temps de paix, le silence était déjà non pas la norme, mais l'obligation, alors en temps de guerres coloniales ! L'armée méritait et plus que jamais son surnom de « la grande muette », au dessus des lois.
J'ai moi aussi été appelé seize mois, dans des circonstances moins dramatiques, heureusement, mais tout aussi arbitraire, pourquoi moi et pas lui ; pour l'Algérie, pourquoi eux et pas d'autres !
Pour les nouvelles générations un petit rappel, un appelé était un citoyen normal, français qui devait à son pays un certain nombre de mois de service militaire, pas très agréable en temps de paix, dramatique pour certains jeunes d'une vingtaine d'années en temps de guerre. Combien sont morts pour des causes qui ne les concernaient en aucune façon ! En Algérie comme ailleurs !
J'ai voulu d'une manière peu protocolaire me souvenir qu'il y a cinquante ans les accords d' Evian signifiaient au moins un cessez-le-feu !
Souvenir aussi à titre personnel, car j'y ai vécu un an et je m'y suis marié.

Brana pierre

Mémoires d'un appelé en Algérie.
Pierre BRANA.

Note : 4 / 5.
Le silence est d'or.
L'auteur est un homme de gauche, et il ne s'en cache pas...d'ailleurs pourquoi le dissimuler quand on a été conseiller de Michel Rocard, député socialiste et spécialiste des affaires étrangères.
Soixante pages pour que l'auteur se présente et nous fasse l'historique de l'entrée de la France dans cette guerre coloniale. Il est à noter que les gouvernements ont des pudeurs de vocabulaire bien hypocrites pour parler de cet état de faits ! « Évènements » ici, « Troubles » en Ulster, cachez-moi ces révoltes que je ne saurais voir !
L'opinion publique en France est majoritairement hostile à cette guerre, mais le gouvernement met le doigt dans l'engrenage...exactions d'un côté, répressions de l'autre, lesquelles répressions sont souvent disproportionnées  soulignant le rôle peu glorieux d'une certaine gauche et de l'état français en général.
Le sursis de Pierre Brana arrivant à échéance, le sort ou la malchance le désigne comme partant pour le conflit ! Le voyage dans des conditions déplorables depuis Marseille, bateau et train en Algérie, incertitude sur la destination, puis la découverte du lieu de garnison, « Le Kroubs » dans le Constantinois. L'armée est divisée en deux blocs : la hiérarchie, adepte de la loi et l'ordre (surtout par la force) est pro Algérie Française ; de l'autre bord, les appelés (sauf Pieds noirs) eux sont pour l' indépendance et le plus vite possible. Mais sur le terrain, surtout à Alger, l' OAS et le FLN, chacun voulant porter un climat de terreur et d'insécurité dans l'autre camp, multiplient les attentats et pratiquent la torture et les mutilations. Les barricades dressées par les Européens dans la capitale algérienne discréditerons leurs auteurs, surtout chez les appelés....La vie continue, l'espoir d'une éventuelle permission, les retours au Khroubs , non sans une très grande appréhension , de quoi demain sera-t-il fait ? Les cours prodigués à certains appelés et à de jeunes musulmans qui meublent les journées. La maladie aussi, la convalescence avec la lecture pour garder le moral et ne pas avoir le sentiment de perdre son temps. Mais aussi les morts, en particulier un ami, communiste partisan de l'indépendance tué par un homme dont il partageait les convictions ! Et toutes les victimes d'un bord ou de l'autre....Les premières tentatives de dialogue achoppent sur le problème du Sahara et de son pétrole....
Plein de personnages publics très connus à l'époque, certains vite oubliés. Tous très impliqués à un titre ou à un autre dans la politique française vis à vis de la question algérienne. De De Gaulle à François Mitterand en passant par Chaban-Delmas (Bordelais lui aussi) ou encore Michel Debré sans oublier les généraux putschistes d'Alger. D'autres plus anonymes, des familles françaises ou pieds-noirs, des gradés de toutes sortes, certains humains, d'autres militaires jusqu'au bout des doigts. Les dégâts sur les combattants, blessures physiques qui peuvent se guérir, mais les séquelles morales furent très certainement pires, et expliquent les silences des jeunes du contingent à leur retour qui souhaitaient oublier le plus vite possible. Mais pour tous malheureusement l'oubli et  la paix morale et psychologique ne furent pas au rendez-vous! Et pendant longtemps les jeunes revenant d'Algérie n'en ont pas parlé...comme s'ils avaient un sentiment de honte en eux !
Le regard d'un appelé instruit, sursitaire, donc plus âgé, marié, déjà fortement impliqué politiquement et syndicalement, ce qui n'était pas le cas de la majorité de ses copains de chambrée.
J'aurais préféré personnellement que la période de la guerre d'Algérie soit traitée plus longuement, surtout les mois passés sur le terrain, que j'ai trouvé un peu noyée entre les études de l'auteur et certaines considérations politiques qui, tout en étant très utile, occupent plus d'un tiers de l'ouvrage.
Une interrogation clôt ce livre :
-Pouvait-on éviter cette tragédie, cet épouvantable gâchis ?
Cette question n'aurait jamais dû se poser, car pour moi la réponse est bien évidement « OUI »...
Que de morts et de souffrances dans les deux camps pour rien pour un résultat qui était inéluctable. Beaucoup des jeunes gens décédés en Algérie auraient pu être mes frères aînés et nous avons encore le sentiment qu'ils sont morts pour rien !
Ne pas oublier qu'au milieu de tous ces évènements la pensée principale de l'appelé était la suivante :
-« Quand aurons-nous la Quille ?»
Extraits :
- Ce n'est pas pour autant que je m'exprimais sur l'Algérie. Être moins hanté, ne voulait pas dire apprivoiser. Seul le silence était possible. Il resta pendant des décennies.
- Je l'ai vu comme une journée tragique d'attentats mais pas comme le premier jour d'une guerre qui allait durer près de huit ans.
- La guerre d'Algérie, qui ne disait pas encore son nom « (on parlait pudiquement «d'événement »), nous la fîmes prendre corps peu à peu en ce début de l'année 1955.
- C'était là, certainement, le but poursuivi par le FLN à qui le couple infernal exaction – répression a toujours réussi.
- Combien de fois ai-je entendu de la part de camarades, même de gauche : « n'exagère pas, des officiers français ne peuvent pas se comporter comme des nazis. »
- Comme bien d'autres, je fus indigné par Suez comme par Budapest.
- L'armée et la France y ont perdu leur âme.
- La mort en Algérie, j'en ai eu une première approche concrète, brutale, éprouvante.
- Et cette phrase terrible qui m'a tant hanté par la suite : « le petit est mort pour rien. »
- Ce coup de feu, symbole d'un épouvantable gâchis, je ne l'ai jamais oublié. Pour moi il représente et représentera toujours l'absurdité de cette guerre.
- Tous les appelés se retrouvaient dans la réprobation la plus totale. Le rejet des pieds-noirs frisait la haine. « Il faut partir et les laisser dans leur merde avec les fellouzes », telle était l'expression la plus modérée.
Éditions. Sud-Ouest (2012)
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