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Littérature d'Irlande,de Bretagne et aussi d'ailleurs
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18 mai 2011

NEDREAAS Torborg / Derrière l'armoire, la hache.

Derri_re
Derrière l'armoire, la hache.
Torborg NEDREAAS.

Note : 5 / 5.
À la semelle de ses souliers....
Recueil de 13 nouvelles éditées pour la première fois en 1945, juste après la fin de la seconde guerre mondiale. Je ne connais pratiquement pas la littérature norvégienne, car il me semble qu'à part Tove Nielsen, je n'ai pas souvenir d'un autre livre de ce pays chroniqué ici.
C'est la guerre, la Norvège est sous le joug de l'Allemagne et la vie quotidienne s'en ressent.
« J'aurai ma revanche » la vie d'un petit port tourne pour certains habitués autour de l'échoppe du cordonnier. Ses amis viennent y faire des parties d'échecs  et le maître des lieux, entre deux coups de marteau ou de réparations diverses est également le maître de l'échiquier. Son épouse a un peu la cuisse légère car son mari travaille beaucoup, bon gré mal gré, la vie est supportable. Un allemand arrogant vient briser le consensus local. Une petite remarque,  quelques erreurs techniques au sujet du travail du cordonnier, rien de bien grave dans la compréhension de cette excellente nouvelle.
« Droit face au vent d'est » est un très beau texte âpre, sur la trahison réelle ou imaginée d'une femme rejetée de la société qui était la sienne ; la seule solution,  la fuite pour ailleurs, mais elle doit passer une dernière nuit sur l'île en attendant le prochain bateau.
« Les minettes 1 » et « les  minettes 2 » ont pour thème la jeunesse et la perte de l'insouciance dans un pays en guerre et envahi par un peuple étranger....s'amuser et donc collaborer...un vieil homme contemple tout cela dans un train d'un air sidéré.
« L'homme » est une nouvelle hallucinante, bien dans le ton du livre : un homme gris (terme utilisé par l'auteur), bafoué, qui s'occupe seul de ses enfants et trouve le courage de se révolter ! Un chef d’œuvre mais comme l'ensemble du livre,  la lecture demande beaucoup d'attention.
« Trois nouvelles condamnations à mort hier » vient nous rappeler que partout en Europe,  des gens se sont battus contre le régime nazi et très souvent au péril de leurs vies. Mais aussi le terrifiant constat que ces jeunes soldats allemands ont, eux aussi, une famille là-bas,chez eux ! Pourtant un matin quelques lignes dans un journal balayent toute compassion.
« Andrei »
un prénom tendrement murmuré ou hurlé dans la nuit ! Rêve ou cauchemar ?
« Achtung, gnädiges frâulein » est le long dialogue d'un homme à une jeune femme. Parfait exemple d' hypocrisie et de suffisance d'un puissant achetant tout ce qui peut se vendre  Et jetant le tout avec un cynisme abject. Glaçant !
Dans la nouvelle qui donne son titre au recueil, un homme repense à son fils , rescapé des prisons espagnoles puis exécuté dès son retour au pays...il se souvient aussi d'un jour de 1934 à Hambourg et d'une rencontre...
Les femmes n'ont pas réellement le beau rôle dans ce livre ; adultes,  elles mènent la grande vie et trompent allégrement leurs époux ; jeunes ou même très jeunes,  elle se compromettent dans des fêtes alcoolisées avec l'occupant.
Une mère, dans ces temps troublés,  qui reproche à son fils ses activités nocturnes ; un cordonnier, je connais,  le jeu d' échecs non ; Un homme et une femme dans une île qui attendent le bateau pour le continent,  chacun veut en finir avec ses blessures profondes et les mystères de leurs existences  alors ils partent ensemble. Des jeunes filles vivant la fin de leur enfance,  la curiosité vis à vis des hommes, la morale et les occupants,  pourtant malgré tout elles tentent de rester ce qu'elles sont,  des adolescentes fragiles et culpabilisées. La culpabilité est d'ailleurs un des sentiments les plus profonds exprimé dans ce livre. Une petite fille trop peu vêtue dans la nuit, une luge à la main ? Qui est-elle ? Une autre en manque de tabac qui tente d'écrire une nouvelle, sont des personnages des nuits norvégiennes pendant la période de la seconde guerre mondiale.
La traductrice,Aude Pasquier, en fin d'ouvrage, nous explique dans un glossaire que l'auteur a conservé les expressions allemandes en l'état pour marquer la domination  de la part de l'occupant.
L'atmosphère de ce livre est oppressante. Toborg Nedreaas rend très bien compte de ce que la continuelle présence des troupes allemandes a comme répercussion sur la vie de tous les jours. C'est surtout ressenti du côté féminin .
Les jeunes filles dans le texte « Les minettes 1 » qui oscillent entre admiration et répulsion pour les militaires allemands qu'elles croisent. On ressent aussi omniprésents les reproches pour ne pas dire la haine, pour ces femmes qui parfois, par amour ou par facilité, pactisent avec des soldats ou plus souvent avec des officiers. De plus il y a un côté politique, et l’absence d'informations fiables laisse les gens dans le doute. On parle à mi mots de la délivrance de la Pologne par l'armée russe, mais certains bruits au sujet d'une ville nommé Katyń tempèrent un peu l'enthousiasme mais est-ce vrai ? Les Russes à la place des Allemands, un bien ? un mal ?
Quelques lignes résument cette tonalité faite d'une certaine résignation mais d'une reconnaissance annoncée :
- Ah, cet arôme de la pluie, cette douce odeur de printemps nouveau-né du Vestland ? Ça, au moins, ils n'ont pas réussi à le détruire.
C'est bien écrit, très poétique par certaines tournures de phrases mais très ardu à lire, car pour plusieurs nouvelles, j'ai du m'y reprendre à deux ou trois fois pour les apprécier à leur juste valeur.
Ma lecture la plus difficile de l'année mais aussi une des plus enrichissantes. Une découverte que je vais garder soigneusement dans ma bibliothèque .
Extraits :
- Il a rit un peu ; c'était un homme qui vous faisait sentir la peau chaude et blanche et qui vous donnait le sentiment que vous aviez le droit d'être ce que vous étiez.
- Son visage est celui d'un jeune homme, mais d'un jeune homme vieilli ; il a des cheveux gris, la peau grise, la bouche mince et grise. L'expression est grise.
- Faible bruit que l'on devine plus qu'on ne les entend, dans l'appartement au-dessus : on s'y exerce à l'amour, par habitude, habitude dénuée de toute beauté. Le pouls de la nuit habite les murs.
- Ses yeux étaient ternes et éteint comme l'amertume sait les donner aux orphelins.
- Mais vous avez tort, les choses sont claires et simples : je tue. Je tue un jeune Allemand chaque jour.
- Imagine, une pauvre petite innocente qui se fait chasser de chez elle par ma faute, rien que par ma faute ! Une fière petit Norvégienne !
- C'est vrai qu'inventer une histoire sur ses héros sans joie, sans aventures et sans consolation qui faisaient la queue, m'a aidé à tenir debout.
- Une salve contre le mur avant le chant du coq. Condamné pour agissements quelconques. Sabotage, communisme- peu importe le nom.
- Pleure des larmes d'hommes amères et lourdes comme du plomb.
Éditions : Cambourakis (2011)
Titre original : Bak skapet står Øksen. (1945).
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