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Littérature d'Irlande,de Bretagne et aussi d'ailleurs
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18 novembre 2010

De BROC Nathalie / Loin de la rivière.

Loin_de
Loin de la rivière.
Nathalie de BROC.

Note : 4 / 5 .
Au fil de l'eau, au fil de l'existence....
L'auteur m'ayant dit un jour que « La rivière retrouvée » était le livre qu'elle préférait dans sa bibliographie, il ne fallait pas mettre la charrue avant les boeufs, mais commencer par celui-ci qui marque les débuts de l'histoire d'Herminie*. Surtout que j'ai pas mal de retard, Nathalie de Broc écrivant en ce moment le troisième tome de ses aventures .
15 mai 1945, une femme marche, elle marche vers « Kerbrénou », cette demeure que les gens appelaient « Le château ». Elle se nomme Juliette, elle revient de déportation, et elle s'est fait une promesse, écrire l'histoire de cette demeure qui est la sienne et de sa famille. Autre promesse, écrire tout cela au présent comme pour conjuguer le passé et la mort.
Retour donc en arrière, les années 1900, Herminie est veuve, son mari s'est suicidé, ce n'était pas l'amour fou, mais ils ont eu un enfant. La cause du suicide : la ruine. Herminie doit regarder vers l'avenir, mais avant,  elle revoit dans son passé une scène qui la trouble encore.... Un dîner bourgeois qui suinte l'ennui, et la présence d'Armand, son voisin de table. Le charme agit soudainement entre elle et cet homme mal marié. Commence alors une période de doute, mais aussi d'espoir. Sa grande amie Lyane, ayant certaines vues sur un homme, lui suggère d'organiser un grand bal. Entre la préparation de cet évènement mondain et les travaux  que nécessite la demeure familiale, plus la remise en route de la culture de pommes en vue de produire du cidre, le temps passe.....
Le fameux jour arrive, mais rien ne se passe comme prévu, et en découvrant leur passion, Armand et elle  vont se mettre au ban de la bonne société quimpéroise.... qui lui feront payer d'avoir refuser d'épouser un des leurs....
Pour Herminie, le problème est à la fois simple, mais aussi tragique :
- Vous avez le choix : rester auprès de votre fils, ou partir sans lui ! La vie n'est qu'une succession de choix. Pensez vous vous y soustraire en ne prenant pas de décision?
L'amour et l'aventure ou se soumettre à un ordre familial établi et immuable? Sa propre vie ou celle de son fils?
Herminie, femme attachante, aux prises avec une société pleine de préjugés, un mariage de convenance, un enfant pas très désiré, que faire ? Vivre par procuration ou alors, accomplir son existence même si celle-ci est une aventure  pleine de dangers ! Armand est lui aussi dans le même cas de figure qu'Herminie. Marié très tôt sur ordre de son père à une femme qu'il n'aime pas, son besoin d'évasion était latent en lui. Alors sa rencontre avec Herminie va hâter le mouvement. Juliette, la narratrice, s'éveille de nouveau à la vie, celle de son ancêtre, mais aussi la sienne. Beaucoup de personnages secondaires comme Lyane, l'amie femme libérée avant l'heure, mais qui étrangement se rangera, après ce qu'elle pense être un chagrin d'amour et une trahison. J'ai beaucoup de tendresse pour Baptistine (mais tout le monde s'en doute), la vieille gouvernante Bigoudène portant fièrement sa coiffe et son caractère entier dur comme le granit, mais oh combien attachante. Certaines familles de l'aristocratie par contre sont fortement écorchées au passage : les Balzan en particulier qui doivent avoir un calendrier qu'ils sont les seuls à connaître ! Arrêtons-nous un instant sur les prénoms de cette charmante famille : Théose (sa description est une sorte d’apothéose à elle seule)  Euzhan et Thalcie....... Léonie est le seul personnage qui figure dans les deux lieux, elle ouvre un peu les yeux d'Herminie sur la condition des paysans dont les fermes ne sont pas si éloignées de Kerbrénou par la distance, mais ces deux mondes sont à l'opposé l'un de l'autre. Le tonitruant Léon Eckenfelder, colosse jovial, sera aussi du rêve canadien, ainsi qu'un homme d'affaires italien Taviani qui n'a pas toute la confiance d'Herminie.
Et pour fonder une ville il faut de nouveaux arrivants.....
L'écriture, je le répète, qui est toujours au présent, alterne les narratrices, parfois Juliette, mais plus souvent, c'est Herminie qui revit dans ce récit.
C'est toujours très bien écrit, le vocabulaire est très riche et les mots précis et donc agréable à lire. J'ai en particulier retrouvé le mot « Tourlourous » que je n'avais plus lu ou entendu depuis des années! Le côté sentimental est bien sûr plus fort que dans            « Fleur de sable », mais reste raisonnable, même pour un vieux « Gronchon » comme moi qui n'aime pas trop ce style littéraire. Ici, c'est plutôt l'aventure et la conquête de nouveaux horizons, l'ouest canadien et la fondation d'une ville qui sont privilégiés et personnellement, je préfère.
Je comprends mieux maintenant la démarche de Nathalie  pour une plus grande reconnaissance de ce genre littéraire qui, même s'il est ancré dans une région, ici la Bretagne (mais je pense que l'on parle mieux des choses que l'on aime et que l'on connait) n'est pas uniquement folklorique. Et je la remercie de m'avoir un jour convaincu d'essayer de lire un de ses romans autres que « La tête en arrière » et ce ne fut pas très facile.
Un autre merci tout particulier à Fripouille, à qui l'on doit quelques-unes des plus belles lignes de ce roman.
Extraits :
- C'était comme étaler ses richesses. Elle se souvient avoir été riche.
- Elle toussait, se redressait, remettait sa coiffe, comme si le breton l'avait fait tanguer.
- Voile noire et coiffe penchée dans l'allée désertée.
- Ah ! Ce privilège de l'âge ! Une belle invention. C'est le seul qui me reste, et je ne vais pas m'en priver, croyez-le bien.
- Elle emploie le mot « trouble » à dessein, refuse de lui en substituer un autre, trop dangereux.
- Si elle veut trouver la délivrance, elle sait qu'il faudra sonder la vie de sa grand-mère au plus près.
- Ses yeux un peu bridés de vieille Bigoudène semblent souligner d'un trait de noir. Sourcils froncés. Toute bienveillance disparue.
- Les prunelles des hommes vous aident aussi à vous sentir à votre avantage.
Éditions : Presses de la Cité (2008)
Autres chroniques de cet auteur :

La tête en arrière.
La dame des forges.
Fleur de sable .
*J'aime beaucoup ce prénom qui me fait immanquablement penser à quelques lignes d'une poésie de Xavier Grall, qui nommait ainsi la Bretagne dans un de ses plus beaux poèmes : La plainte de Yann Vari Perrot.
Mon idéal est mort en Herminie
les fils d'Arzur ont bradé la demeure
les horloges vendues ne battent plus les heures
des antiques fééries
Il ne reste plus rien
de tout ce que j'aimais
Les vivants ne m'écoutent pas
et je ne les entends plus

 

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Commentaires
E
Bonsoir Griotte.<br /> Le problème est que dans certains salons il y a tellement de monde qu'il n'est pas toujours facile d'avoir une discussion avec les auteurs, et à Carhaix c'était le cas.<br /> Bises et à bientôt.<br /> Yvon
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G
J'ai découvert Nathalie de Broc avec Fransoaz et je compte bien poursuivre l'aventure dans ses romans. Je regrette juste qu'au salon du livre à Carhaix je n'avais pas encore lu ses livres pour en parler avec elle... Une prochaine fois !
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Littérature d'Irlande,de Bretagne et aussi d'ailleurs
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