BIZOT Véronique / Mon couronnement.
Mon
couronnement.
Véronique
BIZOT
Note :
3,5 / 5.
Oh,
vieillesse ennemie !
J'avais
bien aimé il y a quelques temps le recueil de nouvelles « Les
jardiniers » de cette auteure. Dans le cycle des livres
voyageurs, Clara m' a
fait parvenir ce court roman, que j'ai mis bien longtemps à
commencer, je m'en excuse.
Un
homme, Gilbert Kaplan, scientifique à la retraite et oublié de tous,
reçoit une distinction pour une découverte dont il n'a pas grand
souvenir. Une foule de gens se presse à sa porte, dans son
appartement, bref dans sa vie. Sa vie justement, c'était quoi?
Deux
sœurs, une qui a disparu dans des circonstances pour le moins
loufoques, l'autre qui réapparait quand on ne le désire pas, le
monde est mal fait. Un frère, écrivain à succès, vivant comme un
ermite dans une maison perdue des Vosges, lui, c'est son épouse qui
est partie. Il a été marié, notre narrateur, il a connu sa future
épouse dans une quincaillerie, c'est poétique non! Ils se sont
installés dans une belle maison en Picardie, au milieu des champs
d'endives et de betteraves ! Un fils est né de cette union, un vieil
homme maintenant, madame sa mère s'est suicidée en se
défenestrant.....
Pas
de quoi être d'une humeur joyeuse malgré l'attachement que lui
porte Maud Ambrunaz qui vient tous les jours lui rendre visite et
s'occuper de lui et de son intérieur, et il y a du travail, car
notre futur savant distingué est vieillissant et un peu farfelu, il
perd un peu la tête, même si parfois il recherche des anciens
collègues de travail.
La
cérémonie approche, alors il y a des décisions à prendre, des
choses à faire, un petit séjour au bord de la mer ferait du bien.
Mme Ambrunaz s'occupe de tout même si elle ment un peu au passage,
mais elle est si attentionnée, cette charmante femme...
Gilbert
Kaplan est le genre de personnage un peu rebelle, scientifique au
dessus des choses de la vie, attachant, mais peu agréable à vivre,
car vraiment éloigné des contingences matérielles de ce bas monde.
Louise,
la sœur disparue depuis presque quarante ans, partie le soir de ses
fiançailles avec un
évêque surfeur, mélange d'Adonis et d'Hercule! Dommage le
narrateur l'aimait bien cette sœur, on ne peut pas en dire autant
d'Aline ! Puis on découvre son fils à la soixantaine bien tassée,
qui l’emmène faire des achats vestimentaires. Une jeune
journaliste à la flamboyante chevelure rousse vient l’interviewer
pour un article sur son frère, l'illustre écrivain! Qu'il n'a pas
vu depuis plus de dix ans!
Madame
Ambrunaz est la vieille femme de ménage le rabrouant, mais lui
cuisinant des plats de lentilles!!!! Et qui l'emmène au bord de
mer pour être en forme le jour J.
On
croise également un professeur de mathématiques devenu fou pour un
mot, un médecin qui ne guérit personne, un fleuriste passionné
etc....
Comme
dans « Les jardiniers », l'écriture divague un peu,
c'est sympathique, mais pas toujours évident. L'éternelle question
est : où l'auteur veut-il en venir? La réponse n'est jamais où
l'on pense! J'ai préféré son recueil de nouvelles plus acerbe et
cruel, je dirais. Ici pratiquement tous les personnages sont un peu
dérangés, mais gentils.
Un
monde un peu absurde et une réflexion sur le vieillissement des
corps et des âmes traité avec un humour grinçant, mais avec
beaucoup de compréhension, pour ne pas dire de compassion.
Extraits
:
-
Ce que j'aimerais comprendre, c'est à quoi il occupe son insomnie.
-
… et cette nouvelle coiffure à courte frisure qui lui donnait
l'air d'une chèvre obstinée.....
-
Quarante ans après, j'ai toujours ce pyjama, tout ce qui me reste de
Louise.
-
Le lendemain, donc, du 11 novembre, où l'on aura exhibé ce qui
reste d'anciens combattants, une poignée d'hommes qui aujourd'hui,
me dis-je, ne sont plus des rescapés de la guerre mais du temps.
-
Des choix à faire, des choses concrètes, il y en avait
certainement. Ranger un peu, par exemple.
-
Tu te souviens, lui dis-je, du jour où tu as voulu me tuer? C'était
bien ici, non ? Mais mon frère haussa les épaules.
-Dans
l'après-midi, je décide de me lever, à seule fin de ne pas rester
couché......
-
et la nuit, la même insomnie pour tout le monde, car ce que l'on
perçoit encore prêtant l'oreille au silence de la nuit, c'est la
vibration de l'argent qui ne dort jamais.
Éditions
: Actes Sud. (2010).
Autre
chronique de Véronique Bizot :
Les
jardiniers, ici.