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Littérature d'Irlande,de Bretagne et aussi d'ailleurs
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16 mai 2010

COOK Robin / La rue obscène.

 

La rue obscène.
Robin COOK.
Note : 3,5 / 5.
Grandeur et décadence!
J'aime beaucoup cet auteur anglais né dans une famille bourgeoise qu'il renie de bonne heure. Son œuvre très sombre a été adaptée au cinéma, en particulier « On ne meurt que deux fois » et « Les mois d'avril sont meurtriers ». Un peu bohème, il a vécu quelques années en France. Lui et Ted Lewis sont à mon goût les meilleurs représentants d'une littérature anglaise très sombre et glauque.
Johnny Eylau, Lord John Eylau, ne devrait pas oublier la recommandation de sa chère mère :
« N'oublie jamais, Johnny, que dans notre famille le sang noble remonte au neuvième siècle ».
Mais, pour être terre à terre, ce n'est pas cela qui met du whisky dans le verre!
Car la situation du Baron Eylau, Pair du Royaume, descendant de toute une flopée de nobles, est ruiné. Son père, qui a évité le peloton d'exécution pour « désertion devant l’ennemi  » pendant la guerre, s'est suicidé, après avoir dilapidé la fortune familiale. Alors Johnny doit travailler, prendre le train et le bus pour gagner Londres où il gère « La maison des fantasmes » dans une rue mal famée de Soho. Comment en est-il arrivé là?
En regardant la banlieue de Londres défiler sous ses yeux, il repense à sa vie, ses amis : Nero, noble aussi, mais riche, sa sœur Pauline et leurs étranges « fiançailles »; ils sont morts tous les deux dans des conditions mystérieuses et tragiques. Il se revoit lisant le dossier militaire de son père, les circonstances qui lui ont valu sa condamnation à mort, son séjour à Paris chez une tante, seul dans un grenier de la rue de la Boétie. Il s'interroge sur le mariage de ses parents.....
Il partagera un moment la vie de Lucy Dimmiter dont l'auteur parle en ces termes :
-Sur le plan sexuel elle avait des tendances perverses, comme c'est souvent le cas chez les Anglaises qui s'estiment raffinées.
Après l'avoir quitté, il fait la connaissance d'Helen, aveugle de naissance qui est mariée avec un pasteur et mère de deux enfants. Entre eux, le coup de foudre est immédiat avec la bénédiction (?) du mari. Mais pour Helen, le marché est simple, elle quitte son mari pour mille livres sterling en espèces...
Et pour un Lord ruiné, l'affaire n'est réalisable qu'avec un minimum de concessions.
Robin Cook semble régler ses comptes avec l'Angleterre où du moins ses habitants, et en particulier la noblesse. La religion est aussi égratignée au passage par l'intermédiaire du pasteur, sorte d'être mystique dépassé par la vie hors de son sacerdoce.
Pratiquement tous les personnages de ce livre sont pour le moins immoraux, et n’amènent aucune compassion ni sympathie. John Eylau, la quarantaine, célibataire ruiné, et malgré tout « Baron » est le dernier de la lignée, est-ce un mal? Sa mère est l’archétype de la noblesse qui sait, mais qui se refuse à le voir que la fin de sa race est proche. Son père était aussi l'image de cette aristocratie anglaise oisive, chasseur et dépensant l'héritage familial. Viper est un homme d'affaire sans scrupules, mais la réussite est à ce prix. Lord Mendip est un homosexuel dépensant des fortunes pour son amant. Helen pourrait-être un personnage plus agréable que cette galerie d'hommes, mais hélas, elle est dure, autoritaire, avide et arriviste. Le proverbe anglais « Time is money » mène tout son monde sans aucun souci de morale ou autre respectabilité. Mais qui sera le dindon de la farce?
Un livre étrange, mélange de roman noir et de vision sinistre de l'avenir. Entre le passé représenté par une aristocratie britannique dégénérée et le futur imaginé sous les traits d'hommes d'affaires sans morale, ni états d'âmes, l'auteur dresse un constat social peu encourageant avec par exemple la firme « Inter-Vices S.A. » du jeu de cartes aux jeux du sexe dans ses « Maisons du fantasmes », prix moyens à la portée de toutes les bourses (?), clientèle mixte, trust ayant pignon sur rue. L'époque a vu l émergence du    « PAP » Parti pour une Angleterre Propre, dont la devise semble être « Faites ce que je dis, mais pas ce que je fais », le monde politique suivant le monde des affaires malgré un discours moralisateur.
A titre personnel une phrase m'a beaucoup plu :
- Est-ce que cela t'inquiète? demanda mon père, qui se rassit et contempla le bout de ses chaussures marron de chez Lobb.
Extraits :
- « Qu'importe la corruption, disait sa mère d'une voix ferme, s'il existe un gouvernement fort ! »
- Sa première réaction fut : « à présent je suis Lord Eylau, et je n'ai plus un sou. »
- Quel genre de naufrage avait abouti à sa conception?
- Un testament, en effet, n'est valable qu'en cas de mort, puisqu'il n'a aucune chance tant que le testamentaire vit.
- Laissons la moralité se faire bafouer par les hommes politiques qui suivent les mêmes principes que moi, mais de façon beaucoup plus efficace.
- Dans les rues les plus fréquentées, des bandes de tueurs à la petite semaine attaquaient les gens sans raison. La loi et l'ordre ne tenaient plus qu'à un fil.
-Le magnétisme qui était passé entre eux le submergeait par à-coups, comme la mer recouvrant une bande de sable à marée montante.
- Dans certains emplois, l' obscène est plus voyant qu'ailleurs, c'est tout, mais on le trouve partout.
- Il la regarda : cinq ans plus jeune que lui, égoïste jusqu'à la moelle : une épouse, une mère épouvantable, une maîtresse terrifiante !
Éditions : Rivages/ Écrits noirs (1992)
Titre original : The Tenants of Dirt Street (1971)
Autres chroniques de cet auteur :
Cauchemar dans la rue.
Comment vivent les morts.

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