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Littérature d'Irlande,de Bretagne et aussi d'ailleurs
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18 avril 2010

TREGUER Michel / Avec le temps.

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Avec le temps.*
Michel TREGUER.

Note : 5 / 5.
Un bourg pas toujours blanc.
Je vais par ce livre découvrir ce touche à tout de la communication, radio, télévision et maintenant littérature. Ce livre n'est pas un roman, mais un travail de souvenance familiale, dans une Bretagne plutôt taiseuse, où les gens ne se confient pas beaucoup.
Dans un court préambule, l'auteur dit la chose suivante :
- L'auteur a hésité, et l'éditeur avec lui, avant d'écrire en toutes lettres les patronymes des personnes citées.
Un homme à la mort de son père entreprend une sorte de quête de la vérité sur sa famille qui va déboucher plus globalement sur la question suivante : que s'est-il passé dans le village breton de ses ancêtres pendant les années de guerre, puis tout de suite après?
Nous sommes au Bourg-Blanc  au nord de Brest, village occupé par une forte garnison allemande. Des militaires plutôt pacifistes durant les deux première années, la population, un peu comme partout, se divise en trois catégories aux contours incertains : les collaborateurs, les résistants et ceux qui subissent avec plus ou moins de bonne volonté.
Quelques familles sont plutôt rangées dans la première catégorie, dont la grand-mère de l'auteur, une de ses tantes, les Roch, surtout les filles Thérèse, Marie et Yvonne, et les Crozon. Chose curieuse, ce sont tous des commerçants, qui ont de ce fait des rapports très étroits avec la population, mais aussi avec les militaires. Il est aussi nécessaire de savoir que chaque famille avait des chambres réquisitionnées par l'occupant et que la circulation à l'intérieur de la Bretagne était très réglementée, pour ne pas dire très difficile.
La vie s'est donc organisée dans une sorte de vase clos et des affinités, y compris amoureuses, se sont de ce fait créées. Un seul enfant naîtra d'une relation entre une villageoise, Yvonne Roch, qui décèdera peu de temps après, et un soldat ; il se nommera Yvan Roch.  J'en parlerai plus tard, car un chapitre de ce livre lui est consacré.
La fin de la  guerre et ses suites pour le village sont, je pense, non pas exemplaires, mais courantes.
Pas exemplaire, car contrairement à d'autres endroits, les « résistants » ne commirent aucune violence, remettant les « présumés » collaborateurs aux autorités. Courantes aussi, comme partout, les règlements de compte se multiplient.  L'auteur, pour écrire ce livre, a eu accès aux documents officiels,  les dénonciations de tous genres affluèrent! Intérêts et jalousies étant les motifs principaux de ces calomnies.
Il est à noter qu'aucune condamnation ne fut prononcée, ni contre les familles Crozon, ni contre les filles Roch, qui continuèrent à vivre au Bourg-Blanc.
Les archives et les correspondances, saisies aux domiciles des familles concernées, donnent l'impression de gens qui s'appréciaient mutuellement, les soldats allemands regrettant la Bretagne. Il faut reconnaître que pour certains le fin fond de la Russie n'était pas forcément une récompense : la preuve, ce courrier :
- Un jour entier en Russie pèse autant que la guerre entière que nous avons fait en Bretagne.
Les personnages sont les habitants du Bourg-Blanc, il faut savoir qu'à l'époque le breton était la langue la plus parlée, mais que l'éradication commençait dans les écoles, ce qui donnait une situation pour le moins étrange d'une langue maternelle à la maison et une langue imposée dans l'éducation. L'église avait, elle aussi, son mot à dire dans l'enseignement, avec une sorte de loi non écrite, les filles dans le privé, les garçons dans le public.
Dans un entretien pour la librairie « Dialogues », l'auteur parle de la « mémoire » des témoins de l'époque, qui s'estompe, ce qui est bien naturel, mais aussi qui devient sélective à charge ou à décharge aussi d'ailleurs. Il dit aussi que son propos n'est pas de juger les gens, car on peut se poser la question : comment aurions-nous réagi, je pense par exemple, à Marie, Yvonne et Thérèse, jeunes femmes dont les parents tenaient un café, et qui parlaient allemand? Et dont la compagnie devait être très recherchée!
Dans mon esprit, ce livre, que j'avais commencé dans le cadre de mes chroniques nommées « Mémoires de Bretagne », est devenu au fil des lignes une découverte personnelle. J'ai connu il y a longtemps quelques protagonistes de cet essai, et j'ai beaucoup entendu parler, mais sans le connaître, de cet enfant né pendant la guerre. La famille Roch, dont il est question ici, avait un fils Jean qui épousa ma mère. Thérèse et Marie (ainsi que leur autre sœur plus jeune) sont donc des tantes par alliance. Yvan était le filleul de Jean Roch. A la mort de ce dernier, mes demis-frères m'ont expédié une photo de lui, se trompant de prénom! Ce portrait avait au dos la mention « Yvan/ Lannilis », où il était en pension dans une école religieuse ! A la lecture de cet ouvrage, la photo de cet enfant me revient très clairement, une cousine m'a dit qu'il était encore en vie, grand-père et arrière-grand-père.
Une lecture qui me laisse des sentiments mitigés, non pas pour ses qualités qui sont évidentes, mais pour l'émotion qu'elle m'a procuré.
Je remercie son auteur, auprès duquel je m'excuse, en effet je parle plus des gens que j'ai personnellement connus que des membres de sa famille.
Extraits :
- …. puis laisser une ironie meurtrière illuminer ses traits ; une jouissance méprisante, dont je devine le message : « tu ne seras pas ».
- À l'époque, et surtout en breton, on ne dit pas « commune » mais «  paroisses », parrez.
- Il est à peine exagéré de dire que 1532 marque davantage pour leurs manuels scolaires la fin de l'empire Inca que celles de l'ancienne Bretagne.
- … chaussée de sabots de bois, les fameux et sonores botoù kaod breton....
- L'Histoire bascule, et pas seulement d'un point de vue militaire. Un Nouveau Monde s'annonce, dont les maîtres se trouvent autant à Hollywood qu'à Washington.
- La majorité des nouveaux arrivants n'entend pas la langue bretonne de leur hôtes.
- Je ne veux évidemment ouvrir quelque procès que ce soit.
- On ne m'a rien dit. Mon père ne m'a rien dit : par faiblesse, je lui en veux. Ma grand-mère ne m'a rien dit : de peur de contaminer mon avenir lumineux par les ombres de son passé. Ma tante ne m'a rien dit : elle en est devenue folle.
- Dans le cas présent, la famille Roch offre l'image d'une véritable petite tribu d'Amazones.
- Et, à la Libération, aucune condamnation. Mais il est resté face à face, irrémédiablement séparées, trois familles dans leurs trois cafés, autrefois amies et heureuses.
Éditions : Dialogues (2010).
Voir un entretien avec l'auteur.
*Chronique d'un village breton sous l'occupation allemande.


 

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Commentaires
E
Bonjour Wolfman.<br /> Dire ou ne pas dire la vérité, c'est un débat beaucoup trop vaste pour un modeste blog littéraire comme le mien! L'auteur et l'éditeur assument leurs responsabilités, ils ont choisi l'option de mettre les vrais noms propres, c'est de leur ressort . <br /> Je n'ai pas grand-chose à ajouter.<br /> A bientôt.<br /> Yvon
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U
Publier un livre 65 ans après l'armistice, engendre de gros risque notamment pour les descendants. L'auteur dans plusieurs interview se targue d'écrire au plus près de la vérité,et critique ouvertement les historiens qui selon lui masque une partie de la vérité. Or toute vérité n'est pas bonne a dire l'analyse faite par Yvon Eireann est particulièrement pleine de bon sens. Le chapitre sur l'enfant né d'une mère française et d'un père Allemand est particulièrement édifiant, ce dernier a pris en pleine face 65 ans après une vérité qui lui a toujours été caché. <br /> Quant à sa quête de vérité je m'interroge sur sa réelle motivation, l'auteur nous dit bien que le magasin de sa grand-mère a été peint d'une croix gammée à la libération. <br /> La période de l'occupation n'a pas été facile, la libération encore moins et il faut rester prudent sur toute allégation. Le livre est à mon sens engagé et il ne respecte pas la neutralité de l'historien et ne peut porter que vers cette conclusion Non Monsieur Treguer toute vérité n'est pas bonne à dire, non monsieur treguer on ne livre pas en pâture de la vindicte publique des noms et des faits ravivant les plaies soixante cinq ans après.
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E
Bonjour Mango.<br /> C'est aussi comme tu le dis passionnant, mais cela peut être également très dangereux !<br /> Pour plusieurs personnes, il aurait certainement été préférable que certaines choses restent ignorées!<br /> A bientôt.<br /> Yvon
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E
Bonsoir Clara.<br /> D'après ce que j'ai personnellement vécu, et c'est également dans le cas de ce livre, c'est plutôt le silence qui régnait. Chacun a une opinion et une manière de ressentir les évènements et choisit, soit d'en parler, soit de se taire. <br /> A bientôt.<br /> Yvon
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M
Je viens d'écouter ce que dit l'auteur de ses recherches pour son livre. J'ai trouvé ça passionnant et même assez bouleversant puisqu'aussi bien j'ai retrouvé des souvenirs de ce que racontent encore les vieilles personnes de ma famille et du village de mon enfance
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