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Littérature d'Irlande,de Bretagne et aussi d'ailleurs
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17 février 2010

COHER Sylvain / Facing.

Facing.
Sylvain COHER.
Note : 4 / 5.
Marcher pour ne pas crever!
Un auteur que je découvre, un de ses romans  « Fidéicommis » a obtenu le grand prix de la ville de Carhaix en 2006.
Une courte note nous explique comment ce livre à été écrit. L'auteur était écrivain en résidence à Litré dans les Mauges, le thème en était « Des mots à l'ouvrage ». Le pays de Mauges est situé entre Nantes, Cholet et Angers, les activités industrielles traditionnelles sont (étaient?) la confection et la chaussure, secteurs qui ont subi de plein fouet une récession due à la mondialisation.
Georges marche pour ne pas sombrer, marcher pour oublier, pour ne pas penser à la fin de l'activité, au chômage, à cette sorte de honte intérieure. Les nuits sans sommeil, les médicaments qui devraient aider, les moutons comptés et recomptés, la vie qui s'écoule, les gestes de tous les jours, Ma et sa peur du cancer du sein. Le temps qui passe, les enfants sont partis, laissant derrières eux des souvenirs de voyages et de vacances, avant.... Se recycler, mot magique, classement et reclassement, jour de lessive à la maison, lessivage à l'usine, réunion du comité d'entreprise, liquidateur, les mots dans leur brutalité, le cycle est fini. Le dépeçage de l'usine peut commencer, les machines prendront la direction de la Tunisie ou du Maroc. Ses mains, outils primordiaux, plus tannées que le cuir, sont désormais inutiles, ses pieds vont prendre la relève, marcher, jour après jour. Pour Georges, le plus dur commence, savoir éviter le vin ou le suicide, aller à l'agence pour l'emploi, envisager toutes les solutions, l'abattoir de pintades par exemple, manœuvre sur un chantier, commercial ou pire encore.... Éviter aussi la désociabilisation, ne pas se murer dans le silence et marcher....Georges est dans une situation que malheureusement le monde ouvrier connait trop bien. Victime de mots savants : réorganisation, rééquilibrage des charges de travail, rentabilité, statistiques, flux tendus, mobilité. L'inventaire Rothwell-Miller, l'élaboration d'un profil de compétences transférables, un atelier déclencheur ,l'accompagnement individuel, que de vocabulaire pompeux, mais pour Georges, plus rien ne marche, l'âge, trop vieux, plus d'enfants à charge, donc pas prioritaire (pourquoi d'ailleurs?), la voiture fatiguée, le bonhomme aussi d'ailleurs.
M
a est un soutien. Elle aussi a son lot de problèmes, mais sa gentillesse et sa bienveillance sont bien présentes. Malgré tout, Georges pense, cogite sans fin.
Françoise, Julien, Sandra, Gilles sont des ombres silencieuses, pas soumises, mais même plus révoltées, pour eux aussi la solution sera le départ, ailleurs vers des endroits où le travail subsiste, mais pour combien de temps?
L'écriture est sobre, le mot juste, pas de fioritures, tout est dans une certaine pudeur à l'image des personnages. L'auteur suit Georges, le tutoie, la narration se fait à la deuxième personne du singulier, et dans ce cas précis, cela donne un côté plus documentaire, donc plus vrai à ce livre.
Ce récit m'a touché, car ayant fait toute ma carrière professionnelle dans la chaussure, j'ai peu de temps, il est vrai, travaillé dans une usine, les outils nommés tranchets, presse et emporte-pièces me sont familiers. Une petite observation, malgré tout, j'aurai personnellement mis le mot « chassepots» à la place de celui de tranchets! Mais ce n'est qu'un détail. J'ai durant ma carrière travaillé quelques temps avec une femme qui était une des premières licenciées de la confection du pays des Mauges, je ne me souviens plus exactement du nom de la marque de vêtements qui avait sacrifié des dizaines d'emplois, pour gagner quelques centimes de l'époque.
Au nom de la productivité, mot cachant en réalité l'avidité de certains, des femmes et des hommes voient leurs vies détruites. Je remercie l'auteur pour ce livre, car je pense que la classe ouvrière est en littérature aussi laissée pour solde de tous comptes.
Extraits :
- Xanax, Proust, Témesta, phénobarbital.
- Des chiffres comme des moutons.
- La campagne des usines, au rythme des abandons, il ne restera bientôt plus que la campagne des enclos en béton.
-
La journée de Ma, c'est le négatif de celle que tu développes en marchant.
- La nébuleuse choletaise, dit le journal, c'est le pays des usines à la campagne.
- Tu connais la résistance des coutures pour avoir assemblé des chaussures autrefois, et tu connais encore la souplesse du cuir pour avoir manié le tranchet, la presse et l' emporte-pièce.
- Du cuir tu portes l'odeur et le toucher au cuir de tes doigts.
- Mercedes noire, costume sombre : liquidateur immatriculé dans le Maine-et-Loire.
- Ouvrières en chaussures. En finissage. Polyvalente.
- Du travail. Perdre son. Être sans.
- Tous les gens vous le diront : c'est fou comme on s'ennuie quand on est riche.
- Un matin de semaine tu piétines, tu balayes discrètement les listings, tu époussettes sur les murs les annonces blettes et les offres mortes.....
- Tu marches comme à la maison tu te tais : sans t'interrompre.
- ….(elle sourit, avec un charme fabriqué qui te déstabilise).
Éditions : Joca Seria (2004).

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Commentaires
E
Bonjour Miss Hyde.<br /> Merci de ta visite pour le festival du Goéland masqué , je dois dire que pour l'instant je ne m'en suis guère soucié, c'est pour fin mai il me semble. Donc je ne peux pas te donner plus de renseignements sur la sélection finale.<br /> Petite piqure de rappel pour les lecteurs, le roman en question est celui là:<br /> http://eireann561.canalblog.com/archives/2009/06/06/13987977.html<br /> A bientôt.<br /> Yvon
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E
Bonjour Clara.<br /> Nous savons tous (au moins en Bretagne) que Brest possède une des plus belles librairies de France, et tout cela sans abonnement.<br /> A bientôt.<br /> Yvon
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L
bonjour yvon, j'espèere que tu vas bien, j'ai beaucoup de retard de lecture, mais je viens sur ton blog 'me rattraper'!<br /> j'ai appris par mon éditeur que je serais dans la compétition du 1er roman policier, prix attribué par le Goeland Masqué. Pour l'instant je n'ai rien vu sur le net à ce sujet, mais je vais prospecter, il ne m'en a pas dit plus au téléphone... je note ce ' facing' pour une future lecture. Amitiés.
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C
Et à Brest, nous avons la chance d'avoir une librairie, où l'on peut s'assoir dans des sièges confortables et lire autant que l'on veut. <br /> <br /> La vie à Brest est belle !
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E
S'il n'en reste qu'un...!<br /> Salut Joëlle.<br /> En réalité cela me réconforte et peut-être aussi l'auteur! Mais bon, chaque année, j'ai toujours tout faux, c'est une habitude!<br /> A ce soir, où nous n'allons pas encore être d'accord!<br /> Bises.<br /> Yvon
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