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Littérature d'Irlande,de Bretagne et aussi d'ailleurs
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9 septembre 2009

OZOUF Mona / Composition française.

Composition française.
Retour sur une enfance bretonne.
Mona OZOUF.
Note : 5 / 5.
Passé décomposé.
Beaucoup de mes amies du club de lecture de la médiathèque de Lorient m'avaient recommandé ce livre, le problème était qu'il est très demandé, alors j'ai attendu mon tour!
Ce livre qui n'est pas un roman peut être décomposé lui aussi en deux parties, l'enfance proprement dite, puis une réflexion sur les relations très ambiguës entre la France et les « pays » qui la compose. Géographiquement cette enfance ne se situe pas très loin de mon lieu de naissance, la mère de Mona Ozouf étant institutrice à Plouha, mais à cette époque les distances paraissaient plus longues!
Ce livre est différent des autres ouvrages sur le même sujet dont j'ai parlé ici-même, dans le sens où ce n'est pas un legs, comme dans « Mon Vieux grenier en Bretagne* », ni un roman comme dans « Ma Langue au chat** » ou « La peine du Menuisier***». Ici l'auteur nous parle de sa famille et de son enfance, mais ce père qu'elle a peu connu. Il est décédé quand sa fille avait quatre ans. Il a été un militant de la cause bretonne toute sa courte vie. Donc sa langue maternelle est le breton. L'approche des relations entre la langue bretonne et l'éducation scolaire est plus rigoureuse, plus scientifique tout en restant une affaire de cœur.
Grande spécialiste de la Révolution Française, Mona Ozouf nous parle des aspects négatifs de celle-ci sur les « Provinces » qui formaient la France, et la grande doctrine « La France, une et indivisible ».
Je partage tout à fait le point de vue de l'auteur pour la langue bretonne : la pilule a du mal à passer, pourquoi cette éradication forcenée ? Et ce mépris superbement affiché, c'était la langue des paysans et des pêcheurs, et alors! Elle donne l'exemple à une époque où les enfants dans les campagnes commençaient l'école à six ans, la seule langue qu'ils connaissaient était le breton, donc les bases étaient là. L'apprentissage du français n'était pas une difficulté en soi. Mais à la maison, le breton revenait naturellement. Les deux langues avaient leur utilité et étaient parlées chacune dans leurs territoires. Maintenant, le problème est à l'inverse, les enfants apprennent le breton à l'école, mais ce sont les parents qui ne le parlent plus!
Dans une vie, on rencontre beaucoup de personnages, et en général on commence par ses parents deux êtres diamétralement opposés. Le père Yann Sohier, fils de gendarme, militant breton, né comme il dit lui-même du mauvais côté de la Bretagne, qui dut apprendre le breton, qu'il écrivait et lisait, mais ne parlait pas bien. Et dans les années 1925/1935, le militantisme breton n'était pas monnaie courante, pour ne pas dire incongru! La mère Anna Le Den, bretonnante de naissance, institutrice à une époque où l'enseignement devait éradiquer le breton chez les enfants! Parlant breton avec sa mère qui comme souvent à l'époque était veuve et vivait avec eux, mais parlant français avec sa fille. Personnage omniprésent de toute enfance bretonne, la grand-mère qui s'occupait dans le cas présent de la maison et de l'éducation de sa petite fille. Une vie un peu austère entre femmes, dans un bourg breton, l'évasion toute trouvée, ce sont les livres, ceux en breton du père et les autres..... J'aime beaucoup la manière dont l'auteur rappelle le comportement des intellectuels de l'époque, tous n'étaient pas des saints, les courants d'idées changeaient rapidement, mais il est étrange que seuls certains représentants des mouvements bretons soient montrés du doigt? Elle remarque au passage qu'il est facile de juger plus de cinquante ans après quand l'histoire est écrite.
La littérature est omniprésente dans ce livre, les auteurs bretons de Xavier Grall à Per-Jakez Hélias en passant par Morvan-Lebesque, Louis Guilloux et son épouse Renée, qui était le professeur de l'auteur à Saint-Brieuc. J'ai découvert des écrivains que je n'ai pas encore lus, en particulier Jakez Riou, je me suis rappelé les grands anciens Emile Masson, Ernest Renan et pourquoi ne pas relire certaines pages du « Barzaz-Breizh »! Et la mythique Irlande, qui est présente dans les cœurs, et dans les esprits, Le Sinn Féin et les Pâques irlandaises, le rêve est loin désormais. A noter que pour le roman de Liam O'Flaherty, l'auteur utilise la dénomination de « Le dénonciateur » qui était en usage pour les premières éditions, mais qui est plus connu maintenant sous le titre de « Le mouchard ».
Ce livre est pour les non-bretons, (et ils sont plus nombreux que les bretons) une excellente approche de ce curieux phénomène, se réclamer d'une identité bretonne, aujourd'hui! Et tout cela en toute liberté et en toute connaissance de cause.
Extraits :
- …. quelle honte, si le facteur venait à la surprendre « en cheveux » !
- Quant à ma grand-mère, elle trouvait tout naturel de revire avec sa fille l'existence qu'elle avait elle-même menée, où les hommes étaient loin, en mer ou dans la mort.
- Ce Glaoda respecté était un taiseux.
- Vie rude, avare en éclaircies, repliée sur un territoire exigu. Pour se marier et on allait au plus près, à la limite du degré de parenté prohibée.
- Ma grand-mère, son costume, sa coiffe, sa langue, ses savoirs multiples, tout en elle parlait donc de l'identité bretonne.
- On a compris que la bibliothèque paternelle était militante.
- La maison, avec Masson, croit à l'alliance indispensable du socialisme et de l'identité bretonne. Là est le cœur même du combat militant.
- Reste le souvenir d'une perplexité.
- Jamais un conte breton. Pas la moindre chanson bretonne. Et rien sur les métiers bretons : on fait silence ici sur les activités de nos parents.
- Les héros de la maison, Judicaël et Nominoë, n'ont droit à aucune évocation dans la classe.
- Un écheveau de perplexité que je ne suis pas toujours pas sûr de débrouiller aujourd'hui.
- Il ne s'agissait pas simplement d'un enseignement négatif : Guilloux était un indicateur de lecture.
- La foi de l'école semblait l'avoir emporté décisivement sur celle de la maison, l'idéologie française sur les attaches bretonnes.
- Ainsi se consomme en quelques années la défaite des particularités. Elles ont contre elles, pour commencer, d'être diverses, foisonnants irrégulières, variables.
Éditions : Gallimard (2009)
*Mon vieux grenier en Bretagne. Louis Pouliquen.
**Ma langue au chat. Angèle Jacq.
***La peine du Menuisier. Marie Le Gall.

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Commentaires
O
Bien d'accord ! Une forme insidieuse d'éradication linguistique campant les générations l'une contre l'autre... un patrimoine inestimable se perd, c'est irréversible et intentionnel.
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E
Bonjour Theoma et merci de ta visite.<br /> D'être intrigué, c'est un bon début.<br /> J'ai hâte d'avoir ton avis.<br /> A bientôt.<br /> Yvon
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T
Je suis intriguée ! Je note avec plaisir !
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E
Bonjour Cathe.<br /> Honnêtement je n'ai pas fait très attention au style, j'ai plutôt été sensible à l'évocation de la vie aux environs de Plouha dans les années 1930/1940. J'ai apprécié son analyse des relations entre Paris et la province depuis la révolution française.<br /> A bientôt.<br /> Yvon
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C
Je viens de le lire je n'ai pas encore fait mon billet. Je l'ai trouvé passionnant mais je mettrai un bémol sur le style que j'ai trouvé un peu lourd.
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Littérature d'Irlande,de Bretagne et aussi d'ailleurs
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