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Littérature d'Irlande,de Bretagne et aussi d'ailleurs
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20 mars 2009

Le DRIAN Marie / Le petit bout du L.

le_petit_bout

Le petit bout du L.
Marie Le DRIAN.
Note : 5 / 5.
Claire obscure.
Ce livre est, me semble-t-il, la première oeuvre de Marie Le Drian, éditée hors Bretagne et son premier roman. Lors d'une conférence à la médiathèque de Lorient, Marie Le Drian, nous parlait de l'importance de la première phrase dans son écriture, voici donc cette première phrase :
« Je n'ai pas de machine à coudre ».
Une femme, Claire Salaün, vivant dans la zone humide, est la narratrice de ce roman. Pour tromper sa solitude et calmer son agitation, elle coud des coussins. À la main évidemment. Elle nous explique le départ de Bernard, le père de ses enfants, qui a demandé sa mutation pour les zones sèches et qui l' a abandonnée dans ce pays de pluies. Ce sont les vacances, les enfants sont chez leur père, alors c'est la période de la grande agitation et des idées fixes. Un noeud dans le fil et elle repense à une de ses amies, il y a très longtemps qui lui avait montré comment résoudre le problème. Elle pense ne pas l'avoir remercié à ce moment-là, alors elle décide d'aller au bourg lui envoyer une carte postale de remerciement!
Elle nous parle de son union avec un mari toujours absent, et qui un jour s'est absenté pour de bon. Il vient chercher les enfants pour les vacances, elle évoque sa solitude sans sa progéniture. Son amant Xavier, est toujours navré et pressé, riche homme d'affaires, il vend des machines à coudre! Mais n'a jamais pensé à lui en donner une! Elle fait des efforts pour lui plaire, tailleurs et lingeries fines. Lui ne remarquant rien, pris entre son travail, sa famille et ses deux maisons. Lucide, elle se rend compte que ni l'un ni l'autre ne lui ont proposé de l'emmener dans la zone sèche, sous le soleil! Elle constate son manque de relation dans le village et dans son travail, ses parents sont décédés, sa mère chez les Carmélites, son père dans les zones désertiques!Alors faisant preuve d'une audace dont elle ne se serait pas crue capable, elle décide d'aller chez sa copine, Catherine, dans la zone sèche! Mais c'est comment là-bas?
Catherine, la copine, arrive en retard à la gare, Claire patiente sous le soleil.
La narratrice, Claire, est un peu comme les autres personnages principaux de Marie Le Drian, elle veut peu de choses, être quelqu'un, mais même cela lui est refusé. Elle est un doux mélange de candeur, d'indécision et de fatalisme, elle est à la fois touchante, mais aussi agaçante. Par exemple, elle pense que son amant Xavier va la quitter, sa première réflexion est de savoir ce qu'elle va faire de ses tailleurs qu'elle a acheté pour ses rendez-vous galants! On la sent toujours à la limite de la rupture, traînant ses souvenirs comme un boulet. Et surtout l'envie de reconnaissance, qu'elle ne soit plus uniquement « Maman » ou « Madame », mais « Claire » parfois, pas souvent, mais des fois! Avoir une identité, bien à elle, pas cette ombre triste et solitaire. Ne plus être « Ma pauvre fille » comme disait sa mère ou « Ma pauvre chérie » comme l'appelle Catherine.
Catherine a une vie plus active, dirons-nous, entre Raymond, son ex-mari, le couple ayant « demandé à la loi de les désunir », les enfants et Serge, le nouvel époux. Mais Serge ne rentre pas, et Catherine s'inquiète et parle d'une « Autre ». Elle ressemble par certains côtés à la mère de Claire, pleine de condescendance envers cette pauvre Claire!
On ressent déjà dans ce premier roman l'atmosphère si particulière, aisément reconnaissable dans les livres de cet auteur. On trouve également des tournures de phrases très peu habituelles dans la littérature, par exemple :
« Alors, pour le dire à Xavier, je m'oblige à nouer un peu avec d'autres dans les magasins ou sur le chemin des commissions ».
On sent bien dans l'écriture de ce livre l'esprit de fixation qui anime Claire dans une sorte de répétitions des phrases, jamais les mêmes, mais tournant autour du sujet. Le besoin de s'expliquer sur les gestes qui lui semblent cruciaux à un moment de ce qu'elle nomme de «  fixation », la carte postale qu'elle veut envoyer, le carnet qu'elle désire acheter.
Les zones préfigurent« L'intérieur » des livres futurs, le monde marin ou le monde paysan, cela donne au début de la lecture un petit sentiment de science-fiction qui déroute une peu. Un livre surprenant, à la fois proche et éloigné du reste de l'oeuvre de cet auteur.
Extraits :
- J'étais énervé à cette époque-là, je ne vois pas pourquoi j'irai le dire.
- Notre maison et son jardin sont dans la zone humide, près de la mer. Tout à fait au nord, nous disons au grand nord, de la zone humide.
- Dans cette région du grand nord de la zone humide, juste près de la mer, les habitants ne sont pas très liants, où ils se pressent à cause de toujours la pluie.
- Je devrais aller au bourg pour oublier mon idée fixe.
- On m'avait à peine prévenue que les commerciaux n'étaient pas des gens stables. Un rural n'aurait jamais demandé sa promotion pour la zone sèche.
- Xavier promet souvent. Il n'est pas navré de ne pas tenir ses promesses, il les oublie.
- Les maisons sont mitoyennes, mais en forme de L. Moi, j'ai seulement le petit bout du L.
- J'achète des dessous imitation soie. Xavier, au toucher, ne fait pas la différence. Il n'a pas le temps.
- Je suis quelqu'un qui ne sait pas faire avec les personnes.
C'est grave.
- « Tu n'es vraiment pas plus dégourdie qu'en zone humide. »
- Moi, j'aimerais faire des listes pour oublier, mais c'est un processus complexe que je ne connais pas.
- L'attente, c'est un domaine au moins dans lequel je ne suis pas lamentable.
- Ma mère disait que j'étais molle, inerte, répétitive. Elle n'avait pas tort.
- Jusqu'à ma mort je les verrais annoncer leurs décisions sans se préoccuper.
Éditions : Robert Laffont. (1992).
Voir le blog de Marie.
Autres chroniques : ici


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