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Littérature d'Irlande,de Bretagne et aussi d'ailleurs
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16 décembre 2008

McCANN Colum / Ailleurs en ce pays.

Ailleurs, en ce pays.
Colum McCANN.
Note : 5 / 5.
Ici, et pas ailleurs.
Je serais bien présomptueux de présenter Colum McCann, mes premières notes sur lui remontent en 2001. J'admets m'être plus reconnu dans sa période irlandaise, « Le chant du Coyote », « La rivière de l'exil » et surtout ce livre dont je vais essayer de parler maintenant.
Ce recueil nous parle de faits récents, les « Troubles », doux euphémisme tout britannique pour éviter de dire la guerre, ce qui permettait de n'appliquer aucune loi internationale. Ce qui fait la différence de ce livre, c'est l'angle d'approche, ces années vues par les yeux d'enfants qui, bien sûr, ne comprennent pas tout! Et même souvent pas du tout les raisonnements des adultes.
Trois nouvelles, c'est peu peut-être, mais comme toutes ses nouvelles de qualité, elles vont à l'essentiel, et ici l'essentiel ce sont les gens d'Irlande, une catégorie de gens d'Irlande, les irlandais! Car en Irlande certains habitants ne sont pas irlandais, ils s'en défendent même, « No Irish » est inscrit sur certaines maisons des quartiers protestants et britanniques, ou « Irish Out » sur d'autres trottoirs.
« Ailleurs en ce pays », qui donne le titre à ce recueil, est une histoire bouleversante. Un paysan irlandais est aidé à son corps défendant par des soldats britanniques, mais plusieurs années auparavant, d'autres soldats au volant d'un camion ont tué son épouse et son fils! Son autre fille assiste à cette soirée, elle sait la haine de son père, mais celui-ci ira au bout de son raisonnement! Peut-on lui donner tort? Un animal innocent est hélas la victime de cette haine!
« Le bois » est la nouvelle la plus courte du recueil. Une mère et un de ses fils fabriquent des hampes qui serviront pendant les marches orangistes. Le père lui s'y était, malgré qu'il soit protestant, toujours refusé. Hélas, il gît maintenant dans un lit, victime d'une attaque qui le laisse paralysé. Pour cette femme il y avait-il une autre solution? Mais il faut rendre hommage à cet homme qui malgré tout a su garder sa propre considération, ne pas participé à ces parades d'un autre âge, donc on parle de moins en moins.
La dernière nouvelle,« Une grève de la faim *», parle d'une page de l'histoire contemporaine. Ici elle est vue à travers les yeux de Kevin, dont l'oncle est un de ces grévistes de la faim. Avec sa mère il est en vacances ou peut-être en éloignement voulu par sa mère. Loin de Derry, près d'une plage à Galway. Il admire cet homme et tente de comprendre, il essaye un temps de ne plus se nourrir. Porte un brassard noir en hommage, mais autour de lui la vie continue. Des voix crachotantes à la radio apportent des nouvelles, la grand-mère téléphone, l'échéance est inéluctable! Il hurle sa colère dans les dunes, mais il regarde avec envie les seins d'une adolescente. Il fugue pour rentrer dans le Nord, fait du kayak avec un vieil homme et s'amuse avec lui. Mais les jours passent, la mort approche, vivre ou mourir, ce n'est pas qu'un problème d' adultes! Un récit lent, comme la mort qui vient jour après jour!
Les personnages encore et toujours sont des gens que rien ne prédestine à ce destin, un homme dont la jument est sauvée de la noyade, mais il ne veut rien devoir aux soldats britanniques qui ont tué son épouse et son fils! Mais si au moins il y avait eu un procès équitable, la haine serait passée, l'accident peut-être envisagé. Mais que représente la vie de deux irlandais pour la justice britannique? Un protestant refusant de fabriquer des hampes de drapeaux qui serviront pendant les marches orangistes, car dit-il :
- « c'est pure méchanceté de célébrer la mort des autres ».
Kevin aime son oncle mais le comprend-t-il? Connaît-il les raisons et les motivations profondes de ces hommes qui au nom d'un idéal acceptent la mort?
Trois nouvelles, trois destins pour une île, mais combien de pays?
Un des plus beaux livres de la littérature irlandaise, McCann est irlandais, et le restera. Je pense qu'il a vécu tous les problèmes dont il parle de l'intérieur. Le fait de garder ce bout de l'Ulster dans la couronne britannique valait-il les sacrifices consentis pour la Grande-Bretagne? A l'inverse la liberté est-elle plus belle si les morts sont plus nombreux? Qu'en reste t-il aujourd'hui? Un film « Hunger », ce livre, et une tragédie qui est chassée par d'autres, « Ailleurs et pas dans ce pays ». Je ne sais plus combien de fois j'ai lu ce livre qui pour moi est le plus représentatif de l'oeuvre de Colum McCann. Tout un étant un des meilleurs recueils de nouvelles de la littérature irlandaise qui compte pourtant de nombreux spécialistes.
Extraits:
- Il regardait l'eau comme si maman était là, comme si Fiachra était là.....
-...j'ai entendu dans la voix de Père plus de tristesse que le jour où devant les cercueils de maman et de Fiachra, plus de tristesse que le jour où ils avaient été renversés par le camion de l'armée près de la gorge, plus de tristesse que le jour où le juge a dit                  " Personne n'est coupable, ce n'est qu'une tragédie ", plus de tristesse que ce jour là et tous les autres qui ont suivi.
- Tout doit mourir en ce pays.
- Ce n'est pas la reconnaissance qui vous étouffe, monsieur.
- La lumière était allumée dans la chambre de papa. Elle saupoudrait de jaune la neige derrière la maison.
- Il sera d'accord?
Il n'était pas très chaud avant , hein?
- Il a commencé, dit-elle.
- Quatre sont déjà morts.
Oui, je sais.
- Bien sûr que c'est une guerre bon sang!
Thatcher dit que non, alors ils ne peuvent pas avoir le statut de prisonniers de guerre.
- Décriminalisation, remise de peine, ségrégation, intransigeance, statut politique. Les mots tourbillonnaient dans la tête du gamin.
- Non, dit-elle, et dans ce seul mot, son accent était à présent distinctement du Sud, comme si elle avait changé de lieu de naissance.
- Quand il ouvrait la fenêtre en plexiglas de sa cellule il entendait les orangistes devant les portes de la prison, jouant sur leurs tambours de Lambeg, et c'était pour lui une lente torture.
- On plaisantait sur la minceur des cercueils.
Éditions : Belfond.
Titre original: Everything in this Country must. (2000)
* voir la chronique du livre de Bobby Sands,
ici

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Commentaires
E
Ólöf frænka,<br /> Merci pour ton avis sur ce film, mais je ne suis pas très cinéma, donc je n'irai sûrement pas le voir, et les discours de Maggie!!!! Ce n'est pas ma prose favorite comme tu peux t'en douter.<br /> Je préfère lire « The Great Hunger », superbe poème de Patrick Kavanagh, sur la solitude des paysans irlandais.<br /> Bonnes fêtes à toi.<br /> Yvon
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Ó
J'hésitais à aller voir Hunger, étant assez sensible à la violence visuelle, mais je dois dire que c'est un chef-d'oeuvre. C'est un film neutre,un documentaire mis en scène, sans parti pris, sans trucage et sans étalage de sauce tomate. Il est digne, sobre et beau, d'une beauté transcendant la révulsion, comme le meilleur chez Jean Genet. La vraie horreur, c'est le discours de Thatcher et son contraste avec la réalité carcérale.<br /> Voilà. Bonne fin d'Avent et joyeux Noël.
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E
Salut Claude,<br /> Merci de tes passages réguliers que j'apprécie toujours. Ce recueil de nouvelles est sans conteste pour moi le meilleur. Je suis très fan de ce que j'appelle sa période irlandaise « Le chant du coyote », « La rivière de l'exil », « Ailleurs en ce pays » et aussi « Les saisons de la nuit », après j'ai un peu décroché. Ils sont dans ma bibliothèque, mais pas encore lus. Mais c'est un homme charmant et très accessible. Sa conférence était très enrichissante. <br /> Pour « Hunger » j'attendrai sa sortie en vidéo.<br /> A bientôt.<br /> Yvon
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E
Oui,ces trois nouvelles que j'ai lues à leur sortie me semblent meilleures encore que ses romans Le chant du coyote,ou Les saisons e la nuit ou Danseur.Curieusement Yvon,je ne suis guère tenté par Hunger.A bienôt,je passe toujours régulièrement.
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