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Littérature d'Irlande,de Bretagne et aussi d'ailleurs
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22 juillet 2008

RANNOU Pascal / Sentinelles de la mémoire

Sentinelles de la mémoire.
Pascal RANNOU.

Note : 5 / 5
Mémoires cachées.
Premier roman de cet écrivain spécialiste de Tristan Corbière, de Guillevic et de Pierre-Jakez Hélias. Il est également poète et enseignant.
Un enfant cherche à connaître la vérité sur ses deux oncles François et Yves, morts au Vietnam à un an d'intervalle. Leurs noms figurent sur le monument aux morts du village, certains s'en plaignent. Comment peut-on mettre en parallèle les morts pour la liberté de la France et des hommes morts en refusant la liberté à un peuple colonisé ! Des années comprises entre 1938 et 1980 nous suivons la vie d'un petit village des Monts d'Arré. De la fin de la guerre dans le Finistère à la fin de l'enquête d'un homme sur certains membres de sa famille...En 1972, Geo, le neveu des morts, s'interroge toujours. Il a grandi, est devenu journaliste et le voilà de retour au pays. Sa grand-mère reçoit une lettre d'un homme qui cherche à retrouver Fanch avec qui il était au goulag 40 ans plus tôt! Une annonce dans un journal local lui donne l'occasion de retrouver un témoin de l'époque, qui lui remet des carnets écrits par Fanch pendant leur parcours entre Dunkerque et l'Allemagne. Puis, à la fin de la guerre, Fanch revient au village, la vie reprend ses droits, le pardon annuel est de nouveau organisé, la diseuse de bonne aventure jette un cri d'effroi en lui lisant les lignes de la main...
Le narrateur, le « passeur-narrateur » comme dit si bien la quatrième de couverture, Geo, le souffre douleurs de l'école, l'intellectuel, grandira et acquerra une conscience politique. Il comprendra que la France s'est servie des Bretons pour créer ou garder des colonies lointaines. Il cherchera pourquoi ses deux oncles, Fanch et Lili, ont choisi à un moment de leur vie le mauvais côté de la barrière. Pourquoi sont-t-ils morts en parias en défendant la France, alors que d'autres pour la même cause sont considérés comme des héros.Pourquoi ce silence dans la famille quand leur souvenir est évoqué ? Laors ,qui séjourna avec lui en Allemagne et en Indochine, racontera le voyage, les humiliations que ces soldats subirent en France, les dockers qui refusaient de charger les bateaux, les quolibets sur leur passage !
Fanch (François) était militaire quand la guerre éclata et fut fait prisonnier aux portes de Dunkerque. C'était un homme usé à son retour en Bretagne, il travaillera quelque temps à Paris. Puis il suivra les conseils de son jeune frère, s'engagera dans l'armée pour, pense-t-il, servir son pays !
Yves, dit Lili, lui, restera au pays pendant la guerre et s'occupera de son frère quand celui-ci rentrera d'Allemagne. Puis il le rejoindra au loin pour une guerre coloniale qui cachait son nom.
Une très belle écriture, poétique et lyrique, mais une chronologie pas du tout respectée qui oblige à une attention très soutenue. Un livre puzzle sautant d'une époque à une autre, la guerre, le retour de Fanch, et les questions de Geo. Des errements de certains Bretons pendant la guerre à la prise de conscience d'autres plus de quarante ans après, se demandant pourquoi le Vietnam et l'Algérie ? Etait-ce utile de périr si loin?
A signaler que souvent les dialogues pendant la période de la guerre sont en breton, mais avec entre parenthèses, la traduction. Un excellent livre dont l'auteur n'a pas facilité la lecture.
Extraits:
- A perte de vue, un sol mousseux et fuyant où s'ébroue parfois un tapis de myrtilles.
- Certains n'ont jamais vu la mer, bien qu'elle soit à deux pas. Ce sol leur est donné; si autre chose existe, ce ne peut être pour eux, car ils n'y sont pas nés.
-Faut réfléchir avant de faire n'importe quoi. Hier à Pleyben, on a cru liquider un collabo, alors qu'on a tué son frère qui avait seize ans....
-...il est né bien plus tard, et son rôle ici-bas vise à quêter sans fin ces bribes d'une mémoire qui ne fut jamais la sienne.
- Tu t'éloignes, mais sur le monument deux inscription te narguent :
« François Quenec'h 1915/1946, Yves Quenec'h 1920/1947 ».
- « Cercueils ramenés de nuit...guerre coloniale...faux héros...perdu leur temps...jeunesse gâchée »
- On n'aime pas les compliments démonstratifs.
- Du mythe à sa dénonciation, l'irréel seul domine, qu'il fabrique des héros ou en fasse des traîtres...
- Le vieil idiome agonise sous le coup des brimades qui mutilent les cerveaux.
- Ne jamais retourner sur les lieux de l'enfance, la déchirure ne guérit pas.
- Te voici débiteur d'un passé qui t'enrobe.
- Ils sont d'un pays où les morts sont traités avec égards.
- Laissez vos oncles en paix! Vous troublez leur repos.
- En breton mon ami, KGB signifie « Kollet gant ar bouesson »! Perdu par la boisson! Il est mort en 1956, le pauvre!
- On n'existait plus en somme.
- Pourquoi troubler ainsi l'agonie d'un sommeil éternel?
-« Laisse-nous à nos limbes, la vie seule vaut la peine qu'on en fasse un roman ».
Éditions : Coop-Breizh. 1999.
Ce livre est le troisième que je lise sur cette période troublée de l'histoire bretonne. Même si celui-ci déborde largement cette période.Je rappelle les autres pour mémoire :
Les derniers feux de la vallée de Glenmor.
Au dessous du calvaire d'Hervé Jaouen.

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Commentaires
E
Bonjour Loïc,<br /> Merci pour ce poème, qui sort des normes habituelles de ce genre d'écrit.<br /> A bientôt.<br /> Yvon
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L
L’enfer centre Bretagne<br /> <br /> S’extirper de la poisse les yeux remplis de sable<br /> Descendre de sa couche s’avachir sur la table<br /> Se remplir le cerveau d’un pauvre robusta<br /> S’aigrir de pain rassis grignotant tel un rat<br /> Se couvrir de frusques aux doux relents de crasse<br /> L’aurore est encore loin il faut que l’automne passe<br /> <br /> S’extraire d’une maison aux allures de taudis<br /> Sur un chemin de planches tâtonner sans esprit<br /> La tête déjà vide du sommeil d’un robot <br /> S’emplir de désespoir d’hurlements de cabot<br /> Naviguer dans l’épave pleine d’humidité<br /> Sur une mer sans espoir qui mène aux abattoirs<br /> <br /> Apercevoir enfin dans le brouillard qui pleure<br /> De puissants projecteurs ces amers de malheur<br /> Egayant les parkings réservés visiteurs <br /> S’y garer tout au fond sous les arbres qui meurent<br /> S’engoncer de froideur sous l’œil des portiers<br /> Et sous les néons brusques immoler tout espoir<br /> <br /> Et c’est soudain l’odeur de bottes et de pieds<br /> Tenues blanches et calottes d’une noire pureté<br /> Casques rouges aux kapos et blancs pour les esclaves<br /> Découper au couteau dans une froideur de cave<br /> Des carcasses alignées de dindes écervelées<br /> Se dire qu’on est machine que les heures vont passer<br /> <br /> Et se prendre à rêver de vacances en enfer<br /> <br /> <br /> ® loic le meur<br /> <br /> http://loic-le-meur.over-blog.com/<br />
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